Thérapeutique
Publié le 30 nov 2009Lecture 6 min
Échec de trithérapie orale
H. HANAIRE, CHU Toulouse, Hôpital Rangueil, B. CHARBONNEL, Hôtel Dieu, Nantes
Un collègue nous pose la question de la stratégie thérapeutique à adopter chez une patiente âgée de 65 ans, diabétique de type 2 depuis 7 ans, chez laquelle il a introduit il y a 1 an et demi une glitazone en association à la metformine et au gliclazide qu’elle prenait déjà. Cette trithérapie a été initialement efficace, mais les deux derniers contrôles de l’HbA1c montrent à nouveau un échappement puisqu’ils s’élèvent respectivement à 7,6 % et 7,9 %. Il n’y a pas de retentissement notable du diabète ; la principale gêne vient d’une gonarthrose invalidante pour laquelle une intervention chirurgicale avec mise en place de prothèse est discutée. Cette gonarthrose est un frein notable à la pratique de l’activité physique chez cette patiente dont le poids est passé de 65 kg pour une taille de 1,63 m lors de la découverte du diabète, à 77 kg il y a 2 ans et 87 kg aujourd’hui.
Quel choix de traitement proposer pour son diabète ?
Le commentaire de B. Charbonnel
La mise à l’insuline : trithérapie metformine + sulfamide + insuline basale
Chez une patiente en échec d’une trithérapie orale, en l’occurrence une association d’un sulfamide, de metformine et d’une glitazone, l’attitude généralement recommandée est le passage à l’insuline. Il est même souvent conseillé de passer à l’insuline plus tôt, en cas d’échec de ce qu’il est convenu d’appeler une bithérapie, sans forcément passer par le stade de la triple thérapie qui peut retarder la mise à l’insuline et donne le sentiment que l’insuline est un traitement « de dernière chance » alors qu’il s’agit en fait, dans de nombreux cas, de la meilleure option.
Le cas de cette patiente est un peu particulier car il est inhabituel que l’adjonction d’une glitazone, lorsqu’elle donne un bon résultat initial (ce qu’on appelle les bons répondeurs aux glitazones, qui sont en fait des patients chez qui prédomine l’insulinorésistance comme facteur pathogénique principal), n’ait pas un effet plus durable. Généralement, lorsque l’équilibre glycémique s’améliore sous glitazone, c’est pour une période de temps assez longue et non pas simplement 1 an. Ceci suggère donc que l’amélioration initiale sous glitazone était modeste ou n’était peut-être pas liée uniquement à cette molécule, mais peut-être au fait que le régime a été transitoirement mieux suivi lors de cette intensification des traitements. Finalement, cette patiente n’est sans doute pas très insulinorésistante, puisqu’elle ne répond pas bien à la glitazone. Elle a donc de grandes chances de bien réagir à l’insuline. Elle a récemment pris du poids et il est clair qu’il faut arrêter la glitazone, peu ou non efficace du point de vue glycémique, avec l’effet secondaire de la prise de poids.
Remplacer la glitazone par deux injections d’exénatide est, bien sûr, une option possible, avec l’avantage d’une potentielle perte de poids modérée. À la différence des futurs analogues du GLP1 de longue durée d’action, l’exénatide, de par sa demi-vie brève, ne couvre pas les 24 heures et la réduction glycémique moyenne observée dans les études est modérée, de l’ordre de 0,9 %. Dans le cas précis de cette mauvaise répondeuse aux glitazones, chez qui l’insulinorésistance n’est sans doute pas le facteur pathogénique principal, il est vraisemblable qu’existe un épuisement de la sécrétion d’insuline : la réponse à l’exénatide risque donc d’être dans la fourchette basse de ce qui est observé dans les études ; bref, ce n’est pas une excellente candidate à l’analogue du GLP1.
En l’occurrence, après l’échec d’une tentative d’une trithérapie orale, pourquoi courir à nouveau le risque d’échec des deux injections d’exénatide : pour donner à la patiente le sentiment qu’on veut, à tout prix, éviter l’insuline ? C’est un message bien négatif sur l’insuline…
Alors que la mise sous insuline, dans un cas comme celui-ci, représente l’option la plus souvent efficace, d’une grande facilité de mise en œuvre et sans grand risque de prise de poids, car le niveau de départ d’HbA1c est < 8 % et qu’on arrête la glitazone. Il s’agit en effet du moment idéal pour passer à l’insuline. Cependant, si on retarde le passage à l’insuline jusqu’à des niveaux élevés d’HbA1cl’instauration de l’insuline peut s’avérer alors plus difficile puisqu’elle nécessitera d’emblée des doses très élevées. On risque finalement, en retardant l’insuline, de rendre l’insulinothérapie plus difficile lorsqu’il faudra y venir.
L’insulinothérapie moderne du diabète de type 2 est une insulinothérapie facile : on commence par une seule injection le soir d’insuline basale, NPH, Lantus® (insuline glargine) ou Levemir® (insuline détémir), en continuant les sulfamides et la metformine, en arrêtant bien sûr la glitazone, et en demandant à la patiente de ne faire qu’une glycémie capillaire le matin au réveil. On lui apprend à augmenter la dose d’insuline (on commence à 10 unités) de 2 unités tous les 4 à 5 jours pour obtenir une glycémie le matin au réveil < 1,20 g/l. Généralement, une dose de 20 à 50 unités permettra d’obtenir un bon équilibre. En cas d’incidents hypoglycémiques, on arrête les sulfamides pour ne continuer que la seule metformine.
Le commentaire de H. Hanaire
Une trithérapie biguanide + sulfamide + analogue du GLP1
L’équilibre glycémique de cette patiente s’est progressivement détérioré, comme cela est fréquemment observé au fur et à mesure qu’évolue le diabète de type 2. Cela traduit sans doute un déclin progressif de la sécrétion d’insuline, mais aussi un contexte de résistance à l’insuline, aggravé par la prise de poids continue de la patiente. On peut penser que l’adjonction de la glitazone a contribué à cette prise de poids puisque la patiente a gagné 10 kilos supplémentaires depuis son introduction. Idéalement, le traitement devrait concilier un objectif de réduction de l’HbA1c en dessous de 7 % et un objectif de maîtrise du poids, et ce, d’autant que le retentissement fonctionnel est particulièrement gênant chez cette patiente.
On est tenté de proposer à cette patiente une trithérapie moderne, associant à la bithérapie classique biguanide + sulfamide + un analogue du GLP1.
Cette nouvelle classe thérapeutique, administrée sous forme injectable, présente l’intérêt d’associer plusieurs actions qui concourent à améliorer l’équilibre glycémique : stimulation de la sécrétion d’insuline, réduction de la sécrétion de glucagon, ralentissement de la vidange gastrique, diminution de l’appétit.
On peut escompter une diminution de 1 à 1,5 % de l’HbA1c ce qui, chez cette patiente, la ramènera à l’objectif. L’efficacité est conditionnée par le fait qu’il persiste une capacité de sécrétion d’insuline suffisante, et il n’est pas évident de prédire avec certitude le fait que la patiente sera ou non répondeuse au traitement. Cependant, notre collègue ne rapporte pas de signes cliniques d’insulinopénie et la durée du diabète est compatible avec la persistance d’une sécrétion d’insuline suffisante pour qu’un analogue du GLP1 soit efficace. De toute façon, après quelques jours de traitement, l’efficacité doit être observée, notamment sur les glycémies postprandiales et, si tel n’est pas le cas, il faut repenser la stratégie.
L’avantage supplémentaire que l’on peut attendre est un amaigrissement de quelques kilos (3 en moyenne dans les études), auxquels s’ajoutera peut-être une perte de poids supplémentaire du fait de l’arrêt de la glitazone. Conjuguer une efficacité sur l’équilibre glycémique et sur l’évolution pondérale serait particulièrement appréciable chez cette patiente.
Bien sûr, il faudra l’informer sur le risque d’effets indésirables digestifs (nausées, voire vomissements), surtout présents au début du traitement. Les analogues du GLP1 ne provoquent pas d’hypoglycémies en eux-mêmes, mais les sulfamides associés oui, il faut donc aussi informer la patiente sur ce risque. Il se pose enfin la question de l’acceptabilité des injections, comme lors de l’instauration de l’insulinothérapie, mais avec ici une gestion du traitement plus simple, puisque la dose est fixe, sans titration à effectuer.
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