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Grossesse

Publié le 31 mai 2011Lecture 7 min

Diabète et grossesse - Quand dépister le diabète gestationnel ?

A.-M. GUEDJ, CHU Nîmes

Classiquement le diabète gestationnel (DG) est considéré comme une pathologie du 3e trimestre de la grossesse dont le dépistage doit se faire à 24-28 semaines d’aménorrhée (SA). Il résulte, en effet, de la modification physiopathologique du métabolisme des glucides au cours de la grossesse ; l’étude princeps d’O’Sullivan a démontré une corrélation entre risque maternel de diabète ultérieur et anomalie dépistée par HGPO entre 24 et 28 SA.

Le DG est défini « comme un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse, quels que soient le traitement nécessaire et l’évolution dans le post-partum  ». Cette définition englobe en fait deux entités différentes : les diabètes de type 2 (DT2) préexistants non diagnostiqués et les diabètes gestationnels proprement dits. L’existence des premiers conduit à poser la question de l’intérêt d’un dépistage dès le 1er trimestre. Par ailleurs, répondre à la question « quand dépister ? » nécessite de s’interroger sur l’intérêt d’un dépistage au-delà de 28 semaines. La question du dépistage à 24-28 SA étant abordée dans l’article précédent, elle ne sera pas traitée ici.      Dépistage avant 24 SA   La majoration des complications de la grossesse en cas de DT2, nécessite un dépistage et une prise en charge précoce, idéalement en préconceptionnel. L’intérêt d’un dépistage précoce avant 24 SA dépend de la prévalence du DT2, en particulier méconnu, chez les femmes en âge de procréer. Par ailleurs, concernant le diabète gestationnel diagnostiqué avant 24 SA, il n’y a pas  d’étude comparative prospective étudiant l’efficacité du dépistage en début de grossesse pour la réduction des complications périnatales.   Prévalence des DT2 chez les femmes en âge de procréer Une étude épidémiologique, réalisée aux États-Unis en 2005-2006 retrouvait dans la tranche d’âge 20-39 ans, 17,8 % de prédiabètes, 2,1 % de diabètes connus et 1 % de diabètes méconnus, soit une proportion de 32 % de diabètes non diagnostiqués1. La prévalence du diabète était significativement augmentée par rapport à la période 1988-1994 où elle était de 1,1 %.    Nous ne disposons pas d’étude comparable en France. Une étude réalisée à partir de la base de données de l’Assurance maladie a montré une augmentation de la prévalence du diabète entre 2000 et 2005 chez les femmes de 20 à 29 ans (de 0,1 à 0,4 %) comme chez celles de 30 à 39 ans (de 0,6 à 0,7 %)2. L’augmentation de la prévalence du diabète résulte en partie de celle de l’obésité, en particulier féminine, dans des tranches d’âge de plus en plus précoces. Dans l’étude épidémiologique OBEPI, l’augmentation la plus importante observée entre en 2006 et 2009 est celle qui touche les 25-34 ans (+19,5 %), celle des autres tranches d’âge restant plus modérée (de +5,3 % à +8,5 %). Dans une étude réalisée en Californie à partir de 209 287 grossesses suivies entre 1999 et 2005, 2 784 cas de diabètes préexistants (1,3 %) ont été relevés. La prévalence du DT2, ajustée sur l’âge, la parité et l’ethnie est passée de 0,81 % en 1999 à 1,82 % en 2005 (p < 0,001)3. En revanche, la prévalence du DG est restée stable (7,4 vs 7,5 %). Ainsi, le DT2 connu représentait 10 % des grossesses avec diabète en 1999 et 21 % en 2005.   Estimation de la proportion de DT2 méconnus parmi les DG L’estimation de la proportion de DT2 méconnus en cours de grossesse peut être faite a posteriori, par la réalisation d’une HGPO dans le post-partum immédiat. Plusieurs études ont réalisé cette évaluation (tableau). La proportion de DG correspondant à un DT2 méconnu peut être estimée entre 8 et 15 %.   Prévalence du DG diagnostiqué avant 24 SA Plusieurs études ont réalisé un dépistage précoce, dès la première visite prénatale, et renouvelé celui-ci à 24-28 SA chez les femmes considérées sans DG au premier examen, ceci en utilisant une HGPO avec les mêmes seuils glycémiques aux 1er et 3e trimestres. Dans la plupart de ces études, le screening précoce concernait toutes les femmes, tandis que dans quelques autres, il était réservé aux femmes ayant des facteurs de risque. Selon ces études, la prévalence du DG précoce varie entre 15 à 20 % des DG.   Intérêt de la prise en charge précoce du DG Il n’y a pas d’étude prospective démontrant la diminution des complications maternofœtales par le diagnostic et la prise en charge du DG avant 24 SA9.   Critères diagnostiques pour un dépistage avant 24 SA Dépistage du DT2 La glycosurie n’est pas un examen fiable ayant à la fois une faible sensibilité et une faible spécificité. La glycémie à jeun (GAJ) varie peu durant la grossesse. Elle diminue de façon significative dès les premières semaines puis reste stable jusqu’à la fin de la grossesse10. La plupart des recommandations proposent la mesure de la GAJ en début de grossesse comme critère diagnostique du DT2. En l’absence d’études prospectives sur le seuil de normalité de la GAJ en début de grossesse, on emploie les critères utilisés hors grossesse. Ainsi, il est admis de porter le diagnostic de DT2 sur une GAJ ≥ 1,26 g/l (7 mmol/l). En janvier 2010, l’ADA a proposé d’utiliser le dosage de l’HbA1c pour le diagnostic de diabète, en dehors de la grossesse, afin de simplifier le diagnostic, avec un seuil fixé à 6,5 %. Il semble que l’HbA1c soit modifiée dès le début de la grossesse, avec un  taux bas au 1er trimestre et en fin de grossesse par rapport à un groupe témoin. L’IADPSG propose le dosage de l’HbA1c avec un seuil identique (6,5 %) pour le diagnostic9, mais cette pratique n’est pas actuellement recommandée en France. L’HGPO en début de grossesse pour le diagnostic de DT2 n’est recommandée par aucune société savante. Dépistage du DG La tolérance au glucose se détériore progressivement alors que la glycémie à jeun reste relativement stable. L’HGPO reste l’examen de référence pour le diagnostic du DG bien que sa pratique au début de la grossesse pose deux problèmes : – la lourdeur de cet examen, surtout en début de grossesse où il risque d’être mal toléré, et la nécessité de le réitérer à 24-28 SA en cas de négativité, entraîne une non compliance à la fois médicale et des patientes ; – les seuils diagnostiques ne sont pas validés en début de grossesse. La  glycémie à jeun avec un  seuil à  0,92 g/l (5,1 mmol/l) définit un DG selon le consensus international (IADPSG). Ce taux a été choisi en se référant aux résultats de l’étude HAPO et à la baisse précoce de la glycémie dès les premières semaines d’aménorrhée10. Il faut cependant noter que la pertinence de ce seuil n’a pas été évaluée au 1er trimestre (accord professionnel). Cependant, dans une étude israélienne rétrospective11, sur 14 550 naissances, les glycémies du 1er trimestre ont été analysées et  réparties en 7 catégories (< 75, 75-79, 80-84, 85-89, 90-94, 95-99 et 100-105 mg/dl), puis comparées au devenir obstétrical. Il  a été  retrouvé une forte association entre la glycémie à jeun du 1er trimestre et la survenue d’un DG entre 24-28 SA, d’une macrosomie et d’une césarienne (non itérative). En revanche, il n’a pas été mis en évidence de relation entre la glycémie à jeun du 1er trimestre et la prématurité ou le transfert en unité néonatale de soins intensifs. Dans cette étude le seuil de glycémie à jeun ≥ 90 mg/dl est retrouvé au 1er trimestre chez 11,4 % des femmes et identifie 17,7 % d’enfants de poids de naissance > 90e percentile pour l’âge gestationnel, 12,2 % des césariennes et 38,1 % des femmes qui auront un DG en fin de grossesse. Les résultats sont à rapprocher de ceux de l’étude HAPO où un seuil de glycémie ≥ 90 mg/dl (au début 3e trimestre) est retrouvé chez 11,9 % des femmes et détecte 22,1 % d’enfants de poids de naissance > 90e percentile pour l’âge gestationnel et 15,1 % des césariennes. Dépistage après 28 SA Il y a peu de travaux étudiant le dépistage tardif, au delà de 28 ou 30 SA, après dépistage négatif entre 24 et 28 SA. Les quelques études disponibles font apparaître une prévalence relativement élevée de DG lors de l’exploration à cette période.   Ce qu’il faut retenir   En début de grossesse, il convient de faire un dépistage du diabète de type 2 par le dosage d’une glycémie à jeun avec un seuil ≥ 1,26 g/l chez les femmes avec facteurs de risque. Il n’y a pas d’étude prospective démontrant la diminution des complications maternofœtales par le diagnostic et la prise en charge précoce du DG. Après 28 SA, il n’y a pas d’études sur l’intérêt d’un dépistage tardif  chez femmes ayant bénéficié d’un dépistage négatif entre 24 et 28 SA. Pour recevoir les références : biblio@diabetologie-pratique.com

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