Grossesse
Publié le 31 mai 2011Lecture 4 min
Diabète et grossesse - Critères diagnostiques du diabète gestationnel
E. COSSON, hôpital Jean Verdier, Bondy
Le diabète gestationnel (DG) est défini comme une intolérance au glucose débutante ou découverte la première fois pendant la grossesse1. À l’origine, les critères diagnostiques servaient à identifier des femmes enceintes à risque de développer un diabète après la grossesse2 et non pour identifier un risque augmenté de complications périnatales.
En France, les critères recommandés jusqu’aux nouvelles recommandations étaient ceux de Carpenter et Coustan3 et n’avaient pas été modifiés depuis 19964, notamment en attendant les résultats de l’étude Hyperglycemia and Adverse Pregnancy Outcome (HAPO)5. Un des arguments pour modifier les critères était que des niveaux de tolérance moindre au glucose semblaient s’associer aux complications du DG6,7 rev. En outre, le traitement des femmes présentant un état hyperglycémique intermédiaire avait montré son efficacité8,9. Enfin, il existait une volonté internationale d’uniformisation des critères diagnostiques.
Y a-t-il, au 3e trimestre de la grossesse, un seuil de glycémie à jeun (GAJ) ou après une charge orale en glucose (75 ou 100 g) associé aux complications du DG, établi selon les définitions actuelles ?
Avant la mise en route de l’étude HAPO en 2002, les données publiées étaient rétrospectives, unicentriques et utilisaient pour la plupart le résultat de la glycémie 2 heures (G2h) après une charge orale de 100 g de glucose6,7 rev. Les catégories croissantes de G2h étaient associées à un risque augmenté de macrosomie, de prééclampsie et de césarienne, indépendamment d’éventuels facteurs de confusion, mais pas à un risque d’hypoglycémie néonatale.
Une autre méthode était de rechercher les déterminants d’événements potentiellement associés aux dysglycémies pendant la grossesse, comme la macrosomie et la césarienne. Toutes les études ont mis en évidence une association indépendante et linéaire entre la GAJ ou après charge de 100 ou 75 g de glucose et ces critères de jugement. Une étude multicentrique multinationale permettant de compléter les données sur les hypoglycémies néonatales, l’hyperinsulinisme fœtal et d’autres critères secondaires, et sur un effectif important, restait donc nécessaire.
L’étude HAPO est une étude multicentrique internationale ayant inclus près de 25 000 femmes entre juillet 2000 et avril 2006. Les femmes étaient dépistées par une charge en glucose de 75 g à la date la plus proche de 28 (24-32) semaines d’aménorrhée. La mesure de la glycémie était réalisée avant la charge puis 1 et 2 heures après. Ont été exclues après la charge 1,7 % des femmes en raison d’anomalies glycémiques franches (GAJ ≥ 1,05 g/l ou G2h ≥ 2,00 g/l) imposant leur prise en charge5.
Les critères de jugement principaux de l’étude étaient la césarienne, la macrosomie, la morbidité néonatale (hypoglycémie clinique) et l’hyperinsulinisme fœtal (C peptide sérique au cordon). Les critères secondaires étaient l’accouchement prématuré, un traumatisme lors de la naissance, la nécessité d’un passage en réanimation néonatale, l’hyperbilirubinémie et la prééclampsie.
L’analyse statistique a étudié l’association entre les variables GAJ, G1h et G2h, considérées en continu et en 7 classes, et les critères principaux et secondaires. Les résultats ont été ajustés sur les facteurs de confusion éventuels. Les taux de complications augmentant sans seuil et régulièrement avec les niveaux de glycémie, aussi bien pour les analyses en continu que pour les analyses par classes, il n’a pas été possible de définir des seuils de glycémie pour la définition du DG, comme cela avait été envisagé initialement.
Au total, il n’y a donc pas de seuil de GAJ ou après charge en glucose (50, 75 ou 100 g) associé aux complications du diabète gestationnel défini selon les critères actuels (NP2).
Quels critères diagnostiques de diabète gestationnel proposer actuellement en France ?
Un consensus a été proposé par l’International Association of Diabetes Pregnancy Study Group (IADPSG), un groupe de travail comprenant 225 médecins venant de 40 pays. Ces recommandations ont été fondées essentiellement sur les résultats de l’étude HAPO10. Les critères retenus pour déterminer les seuils diagnostiques de DG ont été le poids de naissance pour l’âge gestationnel, le taux de C peptide au cordon à la naissance et le pourcentage de masse grasse du nouveau-né élevés. Le panel du consensus IADPSG a conclu que la valeur prédéfinie pour l’odds ratio (OR) devait correspondre à un seuil relatif de surrisque de 75 % (OR : 1,75) par rapport à la référence. Les analyses étaient faites dans des modèles ajustés, considérant la glycémie en continu et prenant pour limite du groupe de référence la valeur moyenne des glycémies dans la population d’étude : GAJ < 0,81 g/l ; G1h < 1,34 g/l et G2h < 1,12 g/l. Ces recommandations sont résumées dans le tableau. Une valeur anormale sur les 3 mesures suffit pour faire le diagnostic de DG dont la fréquence dans l’étude était 16,1 %, chiffre auquel il faut rajouter les 1,7 % de la cohorte initiale qui avait eu une levée d’insu en raison d’une GAJ ou d’une G2h élevée. Au total, avec ces nouveaux critères, la prévalence du DG était donc de 17,8 %.
Les recommandations françaises proposent d’appliquer ces critères sur les arguments suivants :
– la nécessité de déterminer des critères consensuels à travers le monde ;
– des complications non utilisées pour définir les seuils glycémiques du DG, comme la macrosomie, la prééclampsie, l’accouchement prématuré, les césariennes, les traumatismes néonataux et les hospitalisations en réanimation néonatale, ont une prévalence environ doublée en cas de DG défini selon les nouveaux critères ;
– les analyses statistiques ont été réalisées après ajustement sur d’éventuels facteurs de confusion, ce qui limite les biais.
Indépendamment de facteurs de confusion, la relation entre glycémies élevées et complications pendant la grossesse est linéaire sans qu’un seuil ne puisse être déterminé, à jeun ou après une charge en glucose. Le groupe d’experts français a proposé d’appliquer les seuils proposés par l’IADPSG (avis d’experts), dans un but consensuel.
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