Publié le 31 aoû 2011Lecture 6 min
Préservation de la cellule bêta : mythe ou réalité ?
M. DEKER
SFD
Tous les diabétologues sont à la recherche de thérapeutiques qui, en préservant la cellule bêta, permettraient de traiter durablement la maladie sans devoir empiler les molécules à mesure que le contrôle glycémique se dégrade. Les incrétines portent cet espoir.
DT2 : une maladie anatomique ou fonctionnelle de la cellule ß ?
Le pancréas du diabétique est mal connu du point de vue anatomique. Les premières descriptions dans les années 1900, le caractérisaient par une atrophie, associée à une fibrose, une dégénérescence graisseuse, une artériosclérose, une fibrose des îlots et une infiltration leucocytaire. Globalement une diminution du volume pancréatique est retrouvée chez les diabétiques de types 1 et 2, la masse insulaire étant remplacée à 10-15 % par de l’amylose. La perte de masse de cellules ß est progressive, mais avec une extrême dispersion des valeurs chez le diabétique, mais il en est de même chez les sujets non diabétiques vieillissants. Les individus dont la masse ß est la plus basse déclenchent leur diabète le plus précocement mais il reste difficile de la quantifier in vivo (le HOMA B n’est pas corrélé à cette masse).
Dans le diabète de type 2, plusieurs anomalies sont caractéristiques du point de vue fonctionnel, en particulier : la perte précoce de la pulsatilité de la sécrétion d’insuline, sans que la quantité d’insuline sécrétée par 24 h diffère comparativement aux non-diabétiques ; l’hyperpro-insulinémie, typique du diabète de type 2 et de l’insulinome, proportionnelle au degré d’altération de la fonction ß mais non corrélée à la masse des cellules ß ni à la sensibilité à l’insuline. L’hyperpro-insulinémie pourrait être le reflet de l’altération fonctionnelle de la cellule ß dans le diabète de type 2. à un stade intermédiaire dans le diabète de type 2, lorsque la glycémie à jeun est < 2 g, la réponse insulinosécrétoire au glucose est peu satisfaisante, alors qu’une réponse significative aux autres sécrétagogues, en particulier les agonistes GLP1, les agonistes b, le tolbutamide, l’arginine, continue d’être observée. Il s’agirait pour ainsi dire d’un aveuglement sélectif au stimulus glucose.
Au total, les données anatomiques suggèrent que le diabète est une maladie globale du pancréas, mais les données d’observation post mortem ne permettent pas de différencier ce qui revient au vieillissement ou au diabète et la masse de cellules ß est difficile à évaluer in vivo. Par ailleurs, il existe clairement une anomalie fonctionnelle de la cellule ß qui répond mal au glucose chez le diabétique de type 2. En revanche, on dispose d’assez peu de données sur l’apoptose chez l’homme. La plupart des travaux sont réalisés chez l’animal mais tous les modèles animaux pèchent par une donnée essentielle qui tient à la longévité de ces modèles comparativement à l’homme, le diabète étant une maladie clairement associée au vieillissement ; en outre, la structure des îlots de Langerhans est très différente chez l’homme et chez l’animal de même que leur composition (80 % de cellules ß chez la souris, 50 % chez l’homme).
La fonction ß cellulaire à l’heure des incrétines
Au cours du diabète, les cellules ß subissent un déclin métabolique et la masse de cellules ß se réduit proportionnellement à l’hyperglycémie. Quelques hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cette réduction du volume à partir des modèles animaux, malgré leurs imperfections. Les diabétiques de type 2 passent par une phase d’hyperinsulinisme ; cette phase pourrait être associée à une augmentation de la masse des cellules ß visant à compenser la sécrétion d’insuline ; il n’y a pas de ralentissement de la réplication mais au contraire une apoptose accrue. L’origine des aspects de prolifération et d’apoptose pourrait être liée à une inflammation métabolique avec des facteurs délétères sécrétés par les cellules du système immunitaire impliquées dans la programmation de l’apoptose.
Les sulfonylurées ne préviennent que très légèrement la baisse de la masse des cellules ß chez les obèses diabétiques. Chez l’animal obèse (rat), les thiazolidinediones exercent un effet protecteur, direct ou plus probablement indirect anti-inflammatoire, plutôt en augmentant la prolifération des cellules qu’en diminuant leur apoptose.
L’effet des incrétines fait intervenir la régulation de la masse et de la prolifération des cellules ß, ainsi que la régulation des effets apoptotiques. Le GLP-1 possède un potentiel de préservation des cellules ß contre leur mort programmée. Des travaux récents apportent un éclairage sur le mécanisme de l’effet antiapoptotique exercé par le GLP-1.
Ces effets antiapoptotiques passeraient par les récepteurs de l’IGF-1/IGF-2 ; certains composants de la voie de signalisation moléculaire ont pu être identifiés, ce qui ouvre la voie à la recherche d’autres thérapeutiques passant non seulement par le GLP-1 mais aussi en aval par le messager afin de potentialiser l’effet. En réponse au glucose, on observe non seulement une sécrétion d’insuline mais aussi d’IGF ; le GLP-1 favoriserait l’expression du récepteur de l’IGF-1/IGF-2, selon une association synergique permettant de lutter contre l’apoptose (Cornu. Islet 2009 ; 1 : 280-3).
La chirurgie bariatrique est associée à une forte sécrétion de GLP-1 dans les jours et semaines suivant l’acte chirurgical, et à une augmentation de la masse des cellules bêta chez l’animal. Cette chirurgie a pour effet de réduire fortement la glycémie, bien avant la perte de poids, et préserve la masse ß via la sécrétion de GLP-1.
Les incrétines, molécules sécrétées par l’organisme, apportent une solution thérapeutique physiologique dans le diabète avec l’espoir de préserver la masse des cellules ß, ce qui reste cependant à démontrer in vivo car pour l’instant nous ne savons pas mesurer cette masse chez l’homme. En luttant contre l’apoptose, elles pourraient exercer un effet préventif contre les agressions.
Le diabète étant une maladie hétérogène, la perte de masse cellulaire est variable selon les patients. Certains auront une perte cellulaire rapide et importante (les maigres diabétiques, sans doute) ; chez ce type de patients, on pourrait imaginer que les incrétines soient un moyen thérapeutique adapté pour bloquer ce processus.
Dans une optique moins mécanistique, ce qui intéresse les cliniciens est de connaître les résultats d’un traitement par agoniste du GLP-1 sur la fonction des cellules ß chez le patient diabétique et sur la régulation du glucose. Or, des études attestent de ces deux effets. Les effets du GLP-1 sont liés pour moitié à la suppression qu’il exerce sur la sécrétion de glucagon et ce, uniquement lorsque la glycémie est élevée. L’administration d’un agoniste du GLP-1 est capable de restaurer la sensibilité au glucose de la cellule ß même après une dose unique. Toutefois un traitement de longue durée est probablement nécessaire pour modifier durablement la fonction de ces cellules.
L’intérêt des agonistes du GLP-1 a été évalué chez des diabétiques de type 1 insulinotraités. Chez ces patients, la réponse incrétine après un repas est préservée. L’administration de GLP-1 chez ces patients diminue le pic de glycémie postprandiale de près de moitié, quel que soit leur fonction ß résiduelle (Kielgast U et al. Diabetes 2011, March 25), ce qui a pour effet de diminuer la dose d’insuline nécessaire et les hypoglycémies.
On sait qu’au moment du diagnostic de diabète de type 2, environ la moitié du potentiel insulinosécréteur est perdue et que la perte se poursuit à un rythme d’environ 4 % par an. Chez le diabétique de type 2, le liraglutide pourrait avoir un effet différent selon le degré d’activité résiduelle de la fonction bêta : en potentialisant la sécrétion d’insuline lorsque la fonction ß est encore importante et en freinant la sécrétion de glucagon dès lors que l’insulinosécrétion est défaillante, ces deux effets intervenant pour moitié environ chacun dans le mode d’action des agonistes du GLP-1. L’espoir porté par les agonistes du GLP-1 est qu’ils soient en plus capables de freiner la dégradation de la fonction pancréatique et de retarder la mise sous insuline.
Symposium des laboratoires Novo Nordisk, Congrès de la Société francophone du diabète (SFD), Genève 2011.
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