Congrès
Publié le 28 fév 2011Lecture 5 min
Adolescence et diabète : une période difficile
M. DEKER, d’après M. Rufo, J.-C. Carel (Paris), N. Tubiana-Rufi (Paris) et A. Golay (Genève)
XXe Journées Lilly Diabète
Évoquer le diabète chez l’adolescent, c’est déjà prendre en compte les aspects psychologiques très particuliers de cette période de la vie, marquée entre autres par les bouleversements physiologiques, la construction de la personnalité, le désir d’autonomie. Pour un adolescent, qui vit sa vie au présent, la maladie diabétique, qui requiert de penser au futur et de projeter son devenir, est quasiment incompatible. Cette dimension psychologique particulière à l’adolescent diabétique se double de spécificités physiopathologiques de la maladie propres à cette période de la vie.
Le diabète de l’adolescent, majoritairement de type 1 (95 % expriment des marqueurs d’auto-immunité, et 5 % sont de type 2 ou MODY), recouvre deux situations différentes du point de vue du vécu par l’enfant : le diabète développé durant l’enfance et le diabète apparaissant à l’adolescence. L’incidence du diabète de type 1 apparaissant chez les moins de 15 ans est en augmentation. Si la tendance à la hausse se confirme, le nombre de nouveaux cas apparus chez les enfants de moins de 5 ans devrait doubler d’ici une dizaine d’années et la prévalence du diabète chez les moins de 15 ans pourrait augmenter de 70 %, pour atteindre près de 160 000 cas en Europe(1).
Une période de transition métabolique...
Les résultats plus médiocres chez l’adolescent en termes d’équilibre glycémique comparativement aux autres classes d’âge peuvent s’expliquer par les variations endocriniennes physiologiques qui affectent le métabolisme du glucose. Ainsi, durant la puberté on observe une diminution de la sensibilité à l’insuline suivie d’une amélioration à l’âge adulte, d’où la difficulté à équilibrer le diabète à cet âge. Ces modifications sont étroitement liées à l’IGF1, dont l’augmentation durant la puberté s’accompagne d’une baisse de l’insulinosensibilité. Il en résulte à l’adolescence une augmentation de l’HbA1c moyenne, comparativement à la période prépubertaire. Cette dégradation de l’équilibre glycémique après la puberté se produit malgré l’augmentation des doses d’insuline et l’intensification du traitement.
Pour améliorer l’équilibre du diabète chez l’adolescent, plusieurs pistes sont offertes : augmenter la dose d’insuline, avec les risques de prise de poids et de non-reconnaissance des hypoglycémies, en particulier sévères ; utiliser les nouvelles technologies qui permettent de mieux monitorer la glycémie et adapter les doses d’insuline ; promouvoir l’activité physique pour préserver l’insulinosécrétion résiduelle. L’impact des capteurs glycémiques chez les adolescents a fait l’objet d’études qui montrent que leur effet est globalement moins satisfaisant dans cette population que chez l’adulte ; il reste donc encore beaucoup à faire en ce domaine pour que l’adolescent s’approprie cette modalité de prise en charge.
Le principal message est que le déséquilibre du diabète à l’adolescence n’est pas seulement lié à des problèmes d’acceptation de la maladie et d’observance du traitement, mais qu’il est aussi sous-tendu par des perturbations métaboliques.
... et de soins
Il est déjà difficile pour un adolescent en bonne santé de réussir la transition à l’âge adulte. Pour celui qui souffre d’une maladie chronique comme le diabète, avec ses exigences de soins, la tâche est encore plus ardue. S’y ajoute la transition dans les soins qui implique le passage d’une prise en charge par les pédiatres spécialisés à celle de services de diabétologie pour adultes. Quelques travaux se sont penchés sur la question, qui ont montré la faiblesse de l’organisation de cette transition. Pourtant, la transition des soins gagnerait à être coordonnée afin de permettre au patient de franchir ce cap en évitant la rupture de suivi, dommageable pour l’équilibre du diabète et génératrice de complications à court et long termes, et en allégeant le mal-être de l’adolescent.
Afin d’optimiser les modalités et l’efficacité du transfert des jeunes diabétiques des structures pédiatriques aux structures d’adultes, une étude en trois phases a été mise en place en région Ile-de-France :
– analyse de la situation actuelle par le suivi d’une cohorte ;
– élaboration d’une nouvelle stratégie ;
– évaluation de cette stratégie.
L’étude PASSAGE a été réalisée au moyen d’auto-questionnaires et d’entretiens semi-directionnels auprès de 61 patients inclus sur une période d’un an (âge moyen 18,5 ans, suivis depuis 8,5 ans en moyenne). À noter que la moitié d’entre eux gèrent leur stock de médicaments et que 17 % ne pratiquent pas seuls leurs injections d’insuline. L’HbA1c est en valeur médiane de 8,9 % (± 1,8) ; 77 % d’entre eux ont une valeur > 7,5 %. Si le passage de la pédiatrie à la médecine d’adulte est perçu comme effectué au bon moment par la majorité des adolescents, 20 % estiment ne pas y avoir été préparés.
Une fraction importante de ces adolescents reconnaît des conduites à risque, comme dans une population témoin d’adolescents tout-venant : 20 % fument, 20 % fument du tabac et du cannabis, 10 % évoquent une tentative de suicide, 18 % se disent déprimés.
Un an après le début de la prise en charge en service d’adultes, l’équilibre glycémique (HbA1c) est équivalent, malgré une intensification du traitement et on note une recrudescence des épisodes d’acidocétose après la transition. Six patients très mal équilibrés ont développé une rétinopathie diabétique après la transition. Enfin, il y a eu 23 % de ruptures de suivi parmi cette cohorte, qui sont intervenues soit au moment du passage, soit après la transition.
C’est dire qu’il faudrait développer des structures de soins et des stratégies de prise en charge mieux adaptées à cette période de transition à l’adolescence, ce qui inclut de rappeler les patients et de savoir identifier les sujets les plus à risque de rupture de soins.
Comment motiver un adolescent diabétique ?
La finalité de l’éducation thérapeutique chez l’adolescent est différente de celle de l’adulte ; pour lui, il est crucial de s’occuper du présent, ce qui implique pour le thérapeute de travailler sur le vécu, le sens, les projets, de définir ses besoins, de savoir négocier avec son patient. Le soignant doit donc s’adapter et conduire le changement souhaité chez l’adolescent sans le brusquer.
Il est nécessaire d’explorer la représentation que l’adolescent a de la maladie et les freins à se soigner, d’analyser avec lui les avantages et les désavantages qu’il y a à ne pas se soigner puis, dans un deuxième temps, à se soigner. Pour avoir une chance de réussite, la négociation des objectifs thérapeutiques doit débuter modestement et progresser lentement. Une fois ces premières étapes franchies, il faut positiver les bénéfices pour renforcer la motivation. Le succès de l’entreprise se construit sur la durée et pas à pas.
XXe Journées Lilly Diabète (Paris 27-28 janvier 2011).
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