Publié le 25 juin 2021Lecture 2 min
Médecine de précision, médecine de masse
Pierre-Yves BENHAMOU, service d’endocrinologie, CHU de Grenoble-Alpes, Grenoble
La formation de la plupart des diabétologues est passée par l’école de l’endocrinologie, où la prise en charge coche de longue date de nombreuses cases de la médecine personnalisée, la discipline se prêtant bien à l’exquise expertise des orfèvres de l’hormonologie
Par contraste, en matière de maladies métaboliques, les impératifs épidémiologiques et démographiques ne laissent guère de latitude au diabétologue, qui doit intégrer en peu de temps des données cliniques, biologiques, pharmacologiques, d’imagerie pour une file active de plusieurs centaines de patients, sans négliger la veille des réseaux sociaux et autres messageries devenue une part substantielle de notre temps médical. Sommes-nous condamnés à renoncer à une médecine de précision, valorisante sur le plan intellectuel mais consommatrice de ressources désormais largement scrutées sur le plan comptable, pour une médecine de masse (terme inélégant s’il en est) ?
L’avènement des technologies d’intelligence artificielle (IA) apparaît comme une évolution incontournable de la diabétologie, susceptible de rendre compatibles la volonté du médecin d’offrir des soins de qualité et l’exigence éthique de répondre « quoi qu’il en coûte » à une demande submergeante. Un article de ce numéro consacré au dépistage de la rétinopathie montre la convergence très pertinente de technologies de télémédecine, permettant le recueil délocalisé de données médicales, et d’approches de deep learning, permettant l’exploitation intelligente et apparemment artificielle de ces immenses bases de données. Car il subsiste une part essentielle d’intelligence humaine dans l’IA qui repose sur la qualité initiale de la base de données d’apprentissage, et c’est là que l’expertise du diabétologue trouve toute sa place. Il faut militer pour que les diabétologues investissent ce champ nouveau de notre spécialité, qui est une véritable planche de salut. Si le dépistage de la rétinopathie est l’étendard d’une approche technologique d’un problème évident de santé, il faut susciter la recherche et la validation d’outils diagnostiques et thérapeutiques dans d’autres domaines de la diabétologie, et ils sont très nombreux : gradation pronostique du pied diabétique, identification précoce de l’insuffisance cardiaque, de la NASH, dépistage du diabète gestationnel, orientation de la stratégie de traitement pharmacologique, etc. Si plusieurs grands journaux scientifiques anglo-saxons (Lancet, JAMA, PLOS, etc.) éditent désormais chacun un volume consacré à la médecine digitale, on fait le vœu d’y lire les productions d’équipes françaises où les diabétologues se seront investis. Un défi passionnant pour la décennie en cours.
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