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Publié le 15 juin 2020Lecture 9 min

Rôle d’une unité transversale de diabétologie en unité de soins intensifs de cardiologie après un SCA

Véronique KERLAN, CHU Cavale Blanche, Brest

Parmi les patients présentant un syndrome coronarien aigu (SCA) et hospitalisés dans les unités de soins intensifs de cardiologie, il existe une forte prévalence de sujets diabétiques, entre 23 et 30 % selon les études. Un avis diabétologique rapide peut être tout à fait utile pour étiqueter l’hyperglycémie, typer le diabète, mettre en route l’insulinothérapie, participer à l’éducation du patient, déterminer l’objectif glycémique à la fois en soins intensifs et à l’extérieur et choisir le traitement approprié en tenant compte du profil métabolique du patient. L’existence d’une unité mobile transversale de diabétologie permet de répondre à ces objectifs. 

Intérêt de typer le diabète Que le diabète soit connu ou non connu, il est important de typer l’hyperglycémie, de distinguer le type de diabète pour adapter le traitement. Il peut s’agir d’un diabétique de type 1 dont la découverte peut survenir à n’importe quel âge et pour lequel le risque d’acidocétose est élevé. Une étude récente au Royaume-Uni a mis en évidence que 4,3 % des patients hospitalisés avec un diabète de type 1 développent une acidocétose diabétique pendant leur séjour hospitalier. Un message important à faire passer en cas diabète de type 1 est qu’il ne faut jamais arrêter l’insuline chez ces patients. Le diabétologue aide également à mieux typer le diabète parmi les patients diabétiques de type 2 qui peuvent avoir un profil plus insulinorésistant ou plus insulinopénique, ce qui orientera le choix thérapeutique. Enfin, il peut déterminer des contre-indications à certains antidiabétiques : en dehors de rares cas de diabète mitochondrial qui contre-indiquent la metformine, les diabètes monogéniques qui relèvent des sulfamides, il faut insister sur les antécédents pancréatiques qui constituent une contre-indication aux analogues du GLP1. Intérêt pour l’éducation du patient Le diabétologue pourra sensibiliser le patient au fait que le diabète est en soi un facteur de risque cardiovasculaire en dehors de l’hypercholestérolémie et du tabac qui sont souvent mieux connus par les patients. Il pourra leur expliquer l’impact d’un bon contrôle glycémique sur les autres complications du diabète. Le diabétologue pourra participer au diagnostic d’annonce pour un diabète non connu, élément très important dans l’acceptation de la maladie et l’observance ultérieure. Le diabétologue et/ou l’infirmière de l’unité mobile transversale pourront expliquer les contrôles glycémiques et, si nécessaire, le traitement insulinique, comprenant la technique d’injection et surtout l’adaptation des doses. Des recommandations communes ont été établies en 2012 par les sociétés savantes, la Société francophone du diabète et la Société française de cardiologie(1). À l’arrivée aux soins intensifs de cardiologie, la glycémie à l’admission reste un élément déterminant pour décider du traitement. Une glycémie supérieure à 1,80 g/l justifie la mise en route d’une insulinothérapie, que le patient ait été préalablement traité à l’insuline ou non. Il en est de même si sa glycémie préprandiale est supérieure à 1,40 g/l. Ce seuil d’1,80 g/l est aussi celui qui est adopté par la Société européenne de cardiologie et l’American Diabetes Association. Dans les recommandations il est clairement écrit que le traitement du diabète ou de l’hyperglycémie de stress qui requiert de l’insuline doit être prescrit par une équipe expérimentée qui comprend un diabétologue. Dans le cas du diabète connu, si la glycémie à l’admission est < 1,80 g/l et que le patient était traité à l’insuline, il faut bien sûr poursuivre le traitement ; s’il n’était pas sous insuline, il faudra prendre une décision d’adaptation du traitement, ce qui relève du diabétologue. La situation est plus complexe en cas de diabète non connu, où il faut distinguer l’hyperglycémie de stress et le vrai diabète ; là encore, le seuil de 1,80 g/l est celui pris en compte pour débuter une insulinothérapie ; dès que ce seuil est dépassé, ce sera sous la forme d’une insuline intraveineuse. Dans les autres cas, la décision dépend de l’hémoglobine glyquée, à condition que celle-ci ait bien été prescrite dès l’admission. Si le seuil de 6,5 % d’HbA1c est dépassé, un diabétologue doit-être contacté pour le traitement, mais aussi pour la prise en charge globale du diabète(1). Protocole d’insulinothérapie Le traitement par insulinothérapie repose sur l’administration intraveineuse de l’insuline, insuline rapide ou analogue rapide, associée à une perfusion concomitante de glucose. Bien sûr si le patient mange, il faut lui faire des bolus préprandiaux au moment des repas. Il faut totalement abandonner un schéma, qui a encore cours, d’insulinothérapie en fonction des glycémies à n’importe quel moment la journée. La glycémie capillaire doit être surveillée toutes les heures initialement puis toutes les deux heures. Il existe des protocoles d’adaptation de doses d’insuline qui sont à afficher dans toutes les unités de soins intensifs. Objectif glycémique Le niveau glycémique au moment du SCA est positivement corrélé avec la mortalité post- SCA, que ce soit chez un patient diabétique ou en cas d’hyperglycémie de stress(2). Dans une étude suédoise portant sur 713 patients, la mortalité à 30 jours ou à 2 ans est significativement plus élevée chez les patients ayant des glycémies plus élevées à l’admission. Néanmoins, le niveau de preuve qu’un contrôle strict de la glycémie après un syndrome coronarien aigu améliore le pronostic reste insuffisant. Les études disponibles sont insuffisantes. L’étude DIGAMI avait apporté des arguments en faveur du traitement intensif ; DIGAMI 2 n’a pas confirmé ce résultat, mais il y avait eu moins d’inclusions que prévu, moins d’évènements qu’attendu et le contrôle glycémique n’était pas meilleur dans le groupe intensif, ce qui limite les conclusions de l’étude. L’essai HI-5, qui évaluait un contrôle glycémique très strict durant les 24 premières heures post-SCA n’a pas été concluant. De plus ces études, comprenaient à la fois des patients diabétiques et des patients avec une hyperglycémie de stress, ce qui rendait leur interprétation plus difficile. Il n’y a pas actuellement d’argument pour exiger un contrôle glycémique strict qui pourrait même avoir des inconvénients du fait des hypoglycémies. En effet, il faut absolument éviter les hypoglycémies dont le seuil est défini comme inférieur à 0,70 g/l. Lors des séjours hospitaliers de façon générale, une étude réalisée en 2017 au Royaume-Uni a montré qu’1 patient ayant un diabète sur 5 aura un épisode d’hypoglycémie pendant son séjour hospitalier, 1 sur 4 s’il est diabétique de type 1 ; 1 sur 14 a présenté un épisode sévère. Un traitement insulinique intensif favorise des hypoglycémies qui exposent aux risques de convulsion, d’arythmie cardiaque, de décès. Les hypoglycémies sont associées à un taux de mortalité plus élevé. Dans une étude avec un suivi de 24 mois après un SCA, le fait d’avoir présenté une hypoglycémie lors de l’hospitalisation pour SCA multiplie par presque 2 le risque de mortalité à 2 ans. En post-SCA, il existe des données dans la littérature rapportant une courbe en U entre mortalité et glycémie. Dans l’étude de Pinto, sur 4 224 patients, classés en 3 groupes en fonction de leurs glycémies en soins intensifs de cardiologie au moment du SCA en < 0,80 g/l, 0,80 à 1,99 g/l et > 1,99 g/l, la mortalité respective à 30 jours est 4,6 %, 1 % et 4,7 %(3). L’association entre hypoglycémie et augmentation du risque de mortalité est également retrouvée en dehors de la population présentant un syndrome coronarien. Des recommandations ont été émises par les sociétés savantes (SFD, SFC, ADA) qui fixent un objectif de glycémies compris entre 1,40 à 1,80 g/l. Compte tenu des données assez pauvres de la littérature dans le post- SCA, ces recommandations ont été basées davantage sur des recommandations internationales existantes concernant la prise en charge glycémique des patients dits « en état critique » ; cependant, les patients ayant un SCA ne sont pas le plus souvent dans un état aussi sévère ; donc, l’objectif peut donc être ramené dans certains cas entre 1,10 et 1,40 g/l. Traitements non insuliniques Il est recommandé d’arrêter tout traitement antidiabétique autre que l’insuline pendant le séjour en hospitalisation en unité de soins intensifs. Ultérieurement, d’autres traitements pourront être prescrits. La metformine peut être prescrite après un SCA à condition qu’il n’y ait pas d’insuffisance rénale justifiant sa contre-indication. Après une coronarographie, il faut attendre 48 heures avant de reprendre la prescription de metformine. Les sulfamides n’ont pas vraiment de place dans le traitement du diabète après un SCA et surtout pas le glibenclamide. Pourront être utilisés les inhibiteurs de DPP4 et, bien sûr, les analogues du GLP1, en particulier en prévention secondaire, et depuis qu’elles sont disponibles en France d’autres thérapeutiques. Quelle est exactement la place du diabétologue ? Les recommandations stipulent que le diabétologue doit être sollicité avant la sortie du patient en cas de diagnostic de diabète inconnu, ou en cas de diabète connu, mais avec mise en route de l’insulinothérapie, ou si l’hémoglobine glyquée est ≥ 8 %, ou en cas d’hypoglycémies soit sévères sont répétées. Si un diabétologue n’a pas pu se rendre disponible, il est recommandé que le cardiologue contacte une équipe de diabétologie pour organiser une prise en charge. La sortie de l’unité de soins intensifs avec le relais de l’insuline IV est une période où l’avis du diabétologue est particulièrement important. Ce dernier devra prendre en considération le type de diabète, le profil métabolique insulinorésistant ou insulinopénique, la sévérité du diabète, les complications éventuelles, les capacités du patient et ses préférences, pour déterminer la thérapeutique la plus adaptée. Il faudra aussi réaliser une éducation appropriée aux hypo- et hyperglycémies, conseiller la diététique et l’activité physique, et organiser le suivi médical diabétologique. Nouvelles technologies De plus en plus de patients hospitalisés en unité de soins intensifs sont équipés dans leur prise en charge préalable de pompe à insuline, de capteur de glycémies et, bientôt, d’insulinothérapie en boucle fermée. Les équipes des unités de soins intensifs de cardiologie sont souvent désarmées devant ces patients, majorant le stress du patient ; l’équipe de diabétologie pourra jouer un rôle. Surtout on peut penser que très prochainement ces équipements pourront être mis en place en soins intensifs de cardiologie pour améliorer le contrôle glycémique en diminuant l’incidence des hypoglycémies. Le suivi à distance par le diabétologue pourra être réalisé grâce à la télémédecine, qui assure déjà une partie du suivi intrahospitalier. Unité spécialisée mobile transversale de diabétologie (encadré ci-dessus) De plus en plus d’hôpitaux sont équipés de ces unités dédiées, qui permettent une réactivité et une intervention précoces du diabétologue auprès du patient ainsi que son éducation par une infirmière ; toutefois, ce type d’activité a été assez peu évalué. Dans une étude rétrospective portant sur 392 patients qui ont été pris en charge pour un SCA en unité de soins intensifs et qui ont eu affaire soit à l’unité mobile soit à la prise en charge classique dans le service de cardiologie, on constate une réduction de 30 % du taux de rémission à 30 jours malgré la prise en charge de patients plus complexes dans le groupe unité transversale comparativement au groupe de prise en charge classique ; en outre, la durée de séjour a été diminuée de façon significative à condition que le patient soit vu très rapidement lors de son admission en unité de soins intensifs. Parallèlement, les coûts ont effectivement été aussi réduits grâce à la prise en charge par l’équipe mobile(4). Conclusion En post-SCA, il est important d’obtenir un bon contrôle glycémique avec une faible variabilité et d’éviter les hypoglycémies dans la prise en charge diabétologique, qu’il s’agisse d’un diabétique connu ou d’une hyperglycémie de stress. La place du diabétologue, reconnue par les sociétés savantes, est essentielle pour typer le diabète, choisir le meilleur traitement individualisé et participer à l’éducation. Pour ce faire, le mieux est une équipe mobile de diabétologie qui doit donc être développée dans tous les hôpitaux et qui doit intervenir le plus rapidement possible.

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