Congrès
Publié le 31 mar 2015Lecture 9 min
Le holter glycémique ou MCG en temps réel
CODIA
La mesure continue du glucose (MCG) peut être schématiquement utilisée de deux manières principales : en mode diagnostique (MCG masquée de type holter), ou en mode thérapeutique (mise à disposition des mesures de glucose en temps réel pour le patient afin d’adapter au fil de l’eau son traitement insuline/glucides en fonction des variations de glucose).
La MCG est considérée depuis 2006 par la HAS comme indiquée « dans l’identification des variations glycémiques en vue d’un ajustement thérapeutique » et pourrait concerner « environ 25 % des patients sous insuline et 5 % des patients sous traitement antidiabétique oral ». Pour autant, elle n’est toujours pas prise en charge. Le groupe de travail SFD/EVADIAC/SFE a précisé par ailleurs en 2012 les indications de la MCG en temps réel. Malgré ces recommandations des sociétés savantes basées sur des niveaux de preuve acquis, la MCG n’est toujours pas remboursée en France, alors qu’elle l’est dans 13 autres pays proches de l’espace européen.
Que peut-on en attendre aujourd’hui ?
La mesure continue du glucose (MCG) utilise un capteur de glucose implanté sous la peau qui détermine la quantité de glucose dans le liquide interstitiel. Cette mesure rend probablement mieux compte du glucose présent dans les cellules que celle du glucose capillaire en raison de la proximité du milieu interstitiel avec les cellules. Dans son principe, le glucose passe sur une membrane semi-perméable ; il subit une réaction d’oxydoréduction sous l’effet d’une glucose-oxydase, et libère de l’acide gluconique et du peroxyde d’hydrogène ; en passant sur une électrode de platine, le peroxyde d’hydrogène libère deux électrons, ce qui permettra d’extrapoler à partir de ce courant électrique émis, la valeur du glucose interstitiel par calibration sur la glycémie capillaire.
Apport de la MCG comparativement à la glycémie
La MCG est reconnue depuis 2006 par la HAS comme un acte diagnostique des variations glycémiques (hypoglycémies essentiellement) suspectées ou asymptomatiques, quoique cet acte ne soit réellement ni inscrit ni remboursé à ce titre, ce qui limite la possibilité de recours à ces dispositifs.
Trois outils de MCG de type « holter » ou « temps réel » sont disponibles qui permettent une mesure « masquée » ou « démasquée » : FreeStyle Navigator II, Dexcom G4 Platinium et Medtronic ENlite/iPro. La durée et la fréquence de recueil des données de ces trois outils de MCG varient un peu ; tous nécessitent une calibration, variable selon le dispositif (figure 1). Une fois les calibrations effectuées, entre 250 et plus de 750 mesures du glucose interstitiel sont ainsi disponibles par jour d’enregistrement.
Figure 1. Les outils de MCG à disposition : « holter » ou « temps réel ».
Le capteur de glucose peut aussi être couplé à une pompe à insuline, assurant la distribution de l’insuline de base et des bolus, formant un système en « boucle ouverte ». Le grand challenge aujourd’hui consiste à développer des algorithmes permettant de réguler la perfusion d’insuline à partir des résultats enregistrés par le capteur de glucose.
Un dernier outil vient d’être mis à disposition, le FreeStyle libre qui réalise une mesure en continu, dont les données doivent être consultées par le patient en scannant le capteur au moins toutes les 8 heures pour un enregistrement complet. En d’autres termes, il s’agit d’une lecture discontinue d’une mesure continue du glucose, et il n’y aura pas, à la différence des autres capteurs de glucose présentés, d’alarmes ou d’alertes en cas d’hypoglycémie par exemple. Le capteur, de petite taille (une pièce de 2 euros), est facile à poser et reste en place pour une durée de 14 jours. Il n’est pas nécessaire de réaliser une calibration (réalisée et préétablie en usine). Le lecteur fournit trois informations principales : le dernier taux de glucose enregistré en scannant le capteur, les courbes des 8 dernières heures et des tendances de baisse ou d’augmentation du glucose (flèches) (figure 2). Les premières études réalisées montrent que les patients sont très satisfaits de ce nouveau dispositif qui leur permet de réaliser, sans calibration préalable donc sans piqûre au doigt, autant de mesures qu’ils le souhaitent.
Figure 2. Le FreeStyle Libre : consultation discontinue d’une mesure, interprétation a posteriori.
MCG « masquée » ou « démasquée » ?
Le choix d’une MCG « masquée » (holter), en insu du patient, s’inscrit dans une démarche diagnostique. Elle permet au professionnel une analyse des profils de glucose. Inversement, la MCG « démasquée » est mieux adaptée à des patients ayant déjà bénéficié d’une éducation thérapeutique, dans une optique d’auto-apprentissage ou à titre thérapeutique en permettant de mieux ajuster les doses d’insuline en fonction de ses repas et de son activité physique.
Quels que soient le capteur et la méthode suivie, l’analyse des données de la MCG doit être réalisée avec ordre et méthode :
- évaluation globale de l’équilibre : variabilité ? moyenne ? temps passé en hypo- ou hyperglycémie ?
- en période préprandiale : recherche d’un phénomène de l’aube, d’un déséquilibre glycémique en fin d’action d’insuline lente, d’hypoglycémie par surdosage en insuline lente, d’hyperglycémie réactionnelle à des hypoglycémies (resucrage intempestif) ;
- en période postprandiale : recherche d’hyperglycémies traduisant une mauvaise adaptation des bolus ;
- en période nocturne : recherche d’hypo- et hyperglycémies en 1re et en 2e partie de nuit ;
- les données sont confrontées avec la feuille de route où le patient aura consigné les informations concernant les doses d’insuline, les oublis de doses, son activité physique et son alimentation, les rattrapages et resucrages.
La MCG à visée diagnostique
La MCG « masquée » autorise une lecture différée des résultats des mesures en mode « holter » par le médecin. Elle permet, généralement après 6 jours d’enregistrement, une adaptation a posteriori du traitement, des habitudes alimentaires et des comportements (sport, horaires d’injection). Son rôle est double : éducatif et aide à la décision thérapeutique, chez le patient diabétique de type 1 et de type 2, y compris sous traitement antidiabétique oral. La qualité de l’enregistrement (calibrations, horaires, durée de port du capteur, etc.) est très importante.
Les informations fournies par les logiciels des capteurs sont plus ou moins sophistiquées. Au minimum, ils fournissent de multiples tracés enchevêtrés difficiles et longs à analyser. Le système FreeStyle Libre fournit un « profil de glucose ambulatoire » (Ambulatory Glucose Profile : AGP) qui intègre les données enregistrées durant 14 jours de port du capteur (figure 3).
Ce profil fournit plusieurs renseignements :
- la valeur médiane de glucose sous la forme d’une courbe ;
- l’exposition au glucose (mesure de l’aire sous la courbe médiane) ;
- la variabilité estimée par une analyse mathématique, entre les 25e et 75e percentiles, et les 10e et 90e percentiles (valeurs extrêmes indiquant un risque d’hypo- ou d’hyperglycémie).
L’analyse du rapport permet d’évaluer le risque d’hypoglycémie et d’ajuster le traitement au profil de glucose. L’interprétation des tracés est ainsi beaucoup plus facile pour le médecin. Ce nouveau système répond aux recommandations de standardisation de l’analyse des résultats des MCG afin d’aider à l’analyse rétrospective des données.
Figure 3. Quelles données et interprétation avec l’Ambulatory Glucose Profile (AGP) ?
La MCG à visée thérapeutique
Une dizaine d’études ont évalué l’efficacité de la MCG en temps réel utilisée sur des périodes prolongées de 3 à 12 mois, en termes d’HbA1c et de survenue des hypoglycémies. Une réduction significative de l’HbA1c est observée, qui varie de -0,27 % pour les valeurs de base les plus faibles à -1,23 % pour les plus élevées. Cette amélioration de l’équilibre glycémique s’associe, chez les patients traités par pompe à insuline, avec une diminution significative du temps passé en hypoglycémie. J. Pickup a regroupé 6 de ces études dans une métaanalyse qui objective ces bénéfices que les patients soient traités par pompe ou multi-injections (BMJ 2011 ; 343 : 3 805).
Une nouvelle fonction d’arrêt automatique, « arrêt hypo », est disponible sur les nouvelles pompes. Lorsque le capteur détecte une valeur trop basse de glucose préspécifiée, il va signifier un arrêt de la pompe pendant 2 heures, permettant d’éviter la survenue ou la prolongation d’une hypoglycémie. Ce système d’arrêt automatique a fait l’objet d’un travail chez des patients diabétiques de type 1 ayant eu au moins 2 hypoglycémies nocturnes décelées par MCG durant 2 semaines (Bergenstal RM et al. NEJM 2013). Après 3 mois d’utilisation de cette fonction, le temps passé en hypoglycémie a été significativement réduit de 38 % dans le groupe MCG + pompe + arrêt hypo, alors que 4 hypoglycémies sévères ont été notées dans le groupe MCG + pompe sans la fonction arrêt hypo.
Pourquoi une amélioration de l’HbA1c avec la MCG ?
L’étude Switch, réalisée chez 153 enfants et adultes traités par pompe à insuline, avec un cross-over MCG on/off pendant 6 mois, sans protocole de traitement ni algorithme spécifique, suggère que les bénéfices de la MCG sur l’équilibre glycémique passent par l’autoapprentissage des patients : programmation de bolus supplémentaires (6,8 vs 5,8/j) ; utilisation renforcée des débits de base temporaires (1,11 vs 0,5/j) et des arrêts manuels de la perfusion (0,91 vs 0,70/j) ; augmentation de l’utilisation des calculateurs de bolus (3,82 vs 3,14/j) (Battelino T et al. Diabetologia 2012). A contrario, les patients habitués à la MCG compensent par un nombre incalculable de glycémies capillaires quand ils en sont privés. En l’absence d’informations fournies par le capteur, certains n’osent plus adapter le traitement par des bolus supplémentaires et retournent à une adaptation classique de l’insulinothérapie par pompe.
Le temps de port du capteur est une des clés de la réussite : l’amélioration de l’HbA1c est dépendante du pourcentage de temps passé sous capteur avec une baisse de 0,5 à 1,2 % selon les études et le niveau initial d’HbA1c pour ≥ 70 % du temps de port du capteur.
Les algorithmes proposés aux patients pour adapter le traitement participent également à la réussite. Les professionnels trouveront sur le site http//:www.diabetesccre.unimelb. edu.au des conseils d’adaptation du traitement à donner aux patients qui utilisent la MCG en temps réel.
Limites et barrières de la MCG
Tous les patients diabétiques n’adhèrent pas à la MCG et certains l’abandonnent pour diverses raisons, comme l’a analysé une étude de « vraie vie » chez 150 diabétiques de type 1 traités par pompe, dont 50 % ont arrêté la MCG au bout de 1 à 2,5 ans d’utilisation (Halford. Diab Technol Ther 2010). Les causes d’arrêt rapportées dans ce travail étaient par ordre de fréquence décroissante : le système ne fonctionne pas à la hauteur des attentes ; problème d’adhésif du capteur, de tolérance cutanée ; encombrement du système ; alarmes trop bruyantes, trop fréquentes ; difficultés d’utilisation ; et enfin le coût, cause unique invoquée par 30 % des patients. Un mauvais paramétrage des alarmes du capteur de glucose peut générer des alertes inappropriées et perturber l’adaptation du traitement, et donc être source de désillusion pour le patient sur l’amélioration du service attendu avec la MCG.
Inversement, cette étude a montré que les patients les plus convaincus de l’intérêt de la MCG sont des patients plus âgés, souvent sous pompe à insuline, aguerris à cette technologie ou adeptes de l’autosurveillance glycémique. Pour eux, le bénéfice se mesure par une réduction de la peur des hypoglycémies et une amélioration de la qualité de vie.
Plusieurs facteurs prédictifs de l’utilisation efficace de la MCG ont été identifiés : le nombre d’autocontrôles glycémiques avant l’utilisation de la MCG ; la fréquence d’utilisation du capteur durant le 1er mois ; le temps passé avec une glycémie entre 0,71 et 1,80 g/l durant le 1er mois (The JDRF Continuous Glucose Monitoring Group. Diabetes Care 2009). Il est probable que les autorités de tutelle s’appuieront à terme sur la fréquence d’utilisation de la MCG pendant une période probatoire de 4 à 6 semaines pour décider de son remboursement sur le long cours en ambulatoire. Un apprentissage technique au maniement du système de MCG est nécessaire pour le patient. Pour le médecin, si la MCG fournit une image plus fidèle du profil glycémique chez le diabétique traité, elle implique aussi du temps : celui passé à l’apprentissage du patient, à télécharger les données et à les interpréter, outre l’acquisition de la maîtrise des logiciels de lecture spécifique des appareils. Il reste des progrès à faire sur le plan de l’analyse des données pour simplifier la tâche des patients comme celle des médecins.
D’après une communication de B. GUERCI
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