Congrès
Publié le 31 mar 2015Lecture 5 min
Utilisation de l’insuline en France : les chiffres clés
CODIA
La progression des montants remboursés pour la prise en charge du diabète de type 2 va de pair avec celle de la prévalence du diabète de type 2. En revanche, les remboursements par patient diabétique même lorsque ces derniers sont traités par insuline n’évoluent pas à un rythme supérieur à celui de l’ensemble des dépenses de soins de l’Assurance maladie. Ce résultat global cache des disparités car certains postes de dépense augmentent fortement (soins infirmiers, transports, etc.) alors que d’autres se signalent par leur modération (médicaments).
Les estimations de prévalence du diabète traité reposent principalement sur les données de l’Assurance maladie et, en particulier, les données de remboursements de médicaments antidiabétiques. Au cours du temps, les populations d’étude, les populations de référence ainsi que les méthodes de sélection des échantillons et d’exploitation des données ont varié et continuent d’évoluer, ce qui complique l’analyse tendancielle des informations publiées.
Épidémiologie du diabète traité en France
Deux publications récentes proposent des estimations de la prévalence du diabète traité pharmacologiquement :
- le Rapport au ministre chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et produits, établi par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés au titre de 2015 : le taux de prévalence du diabète est estimé à 4,9 % de la population du seul régime général de l’Assurance maladie en 2012 et le taux de croissance annuel moyen entre 2006 et 2012 à 3,6 %/an ;
- l’étude réalisée par L. Mandereau- Bruno et coll. (BEH 2014 ; 30-31 : 493-9) qui a pris en compte les remboursements de traitements antidiabétiques sur une seule année mais pour l’ensemble des régimes d’Assurance maladie. Le taux de prévalence est estimé à 4,58 %, soit près de 3 millions de personnes et le taux de croissance moyen est de 2,5 %/an. Pour le seul régime général, ces taux sont de 4,45 % et 2,8 %/an, respectivement.
La prévalence du diabète continue de progresser, mais apparemment à un rythme plus lent, si l’on se réfère à la période 2006-2009 où le taux de croissance était de 4,7 %/an.
En combinant les informations disponibles sur l’année 2012 et en extrapolant ces résultats, on peut estimer la prévalence du diabète traité pharmacologiquement en France métropolitaine fin 2013 à 3 180 000 patients, soit 2 950-2 980 000 diabétiques de type 2 et 150-180 000 diabétiques de type 1.
Derrière ces chiffres se cachent de grandes disparités régionales, les prévalences les plus élevées se situant dans un grand quart nord-est de la France et deux départements du sud, ainsi que dans les départements d’outremer.
Comparativement à d’autres pays, la prévalence du diabète traité en France semble plus faible (6 % au Royaume-Uni, 6,7 % aux États-Unis) de même que le taux de croissance annuel moyen (5,3 % et 4,7 %/an, respectivement).
Quelle est la part de l’insuline dans les traitements ?
Environ 20 % des malades diabétiques de type 2, soit 550 000 patients, sont traités par insuline, dont la moitié reçoivent une insuline basale (± antidiabétique oral ± analogue GLP1), selon les données EGB (échantillon généraliste des bénéficiaires) pour l’année 2013. En ajoutant les 180 000 patients diabétiques de type 1, ce sont donc 730 000 patients diabétiques qui bénéficieraient d’un traitement par insuline, soit un peu moins de 25 % de l’ensemble des diabétiques traités pharmacologiquement en France métropolitaine. Considérant la croissance du marché des antidiabétiques, dont le chiffre d’affaires est passé de 892 à 1 029 millions d’euros de 2011 à 2014, portée par l’augmentation de prévalence de la maladie, il n’est pas surprenant que ce secteur focalise l’attention des autorités de santé. En montants remboursés, certaines classes augmentent fortement : l’insuline qui compte pour plus d’un tiers, mais aussi les inhibiteurs de DPP4 associés ou non à la metformine et les agonistes du GLP1, d’autres classes sont stables (biguanides, sulfamides) ou diminuent nettement (inhibiteurs de l’alpha-glucosidase, glinides) (figures).
Évolution des remboursements par classe.
Le coût moyen par patient DT2 en 2013 en montants remboursés… Régime général.
Coût du diabète de type 2 traité par insuline
Les données de l’étude ENTRED 2007 constituent une référence à laquelle il est possible de comparer les coûts actuels de traitement des diabétiques selon les modalités de prise en charge. En 2007, la prise en charge des diabétiques de type 2 sous insuline s’élevait en moyenne à 10 413 €/an versus 3 625 € et 6 927 € pour un patient d’un diabétique de type 2 sans insuline et un diabétique de type 1. En 2013, le montant moyen des remboursements pour les soins aux patients diabétiques de type 2 est évalué en moyenne à 11 892 € par an par patient sous insuline pris en charge par le régime général, dont 3 718 € pour le seul poste hospitalisations. Entre 2007 et 2013, le montant moyen des remboursements par diabétique de type 2 traité par insuline a augmenté de 14 %, soit une progression de 2,2 %/an, en ligne avec le taux de progression de l’ensemble des dépenses de santé.
En revanche, on peut s’interroger sur l’évolution de certains postes de dépenses :
- celui des soins infirmiers, dont le coût est passé de 1 511 € à 2 536 € en moyenne en l’espace de 6 ans, soit une croissance de 9 %/an ;
- ceux des transports, des examens de biologie et des dispositifs médicaux, qui ont augmenté de 5,2 %, 2,7 % et 2,8 %/an, respectivement.
L’évolution des coûts liés aux médicaments a été sur la même période nettement plus modeste, 1,4 %/an en moyenne avec même une baisse observée sur les dernières années.
Ces coûts correspondent à l’ensemble de la consommation de soins des patients diabétiques de type 2. Pour obtenir une estimation du seul coût du diabète et de ses complications, ils doivent être comparés aux remboursements observés dans une population témoin de patients non diabétiques, appariée par sexe, âge et région. Ce calcul montre que les remboursements de soins supplémentaires liés au diabète de type 2 traité par insuline s’élèvent en moyenne à 8 717 € par an par patient. Deux postes représentent plus du quart de ce montant : les soins infirmiers (2 434 €) et les hospitalisations (2 368 €).
L’hôpital reste un poste de dépense important dans la prise en charge du diabétique de type 2 traité par insuline, bien que sa part dans le coût global ait légèrement diminué entre 2007 et 2013. Il représente toujours plus de 30 % des dépenses. Les hospitalisations se justifient par le stade avancé de la maladie lors de la mise sous insuline, déterminant la présence de complications. Une part des motifs d’hospitalisations relève toutefois de pratiques évitables parmi lesquelles les hospitalisations pour bilan, éducation thérapeutique, notamment, que l’on peut considérer comme non justifiées.
Que conclure ?
Le coût élevé des prises en charge des patients diabétiques de type 2 traités par insuline s’explique, certes, par la sévérité de la maladie au stade de la mise sous insuline mais aussi par les choix tarifaires et organisationnels qui ont été faits en France de longue date. Une part substantielle de ces coûts pourrait sans doute être évitée en réduisant les hospitalisations entourant la mise sous insuline. Le recours aux infirmières pour les injections d’insuline pose question, d’autant que cette pratique est éminemment disparate selon les régions, quasiment systématique dans certains DOM. D’autres pistes de réflexion, pourraient concerner les pratiques d’autosurveillance glycémique ou le recours aux transports remboursés.
La question des coûts ne doit toutefois être abordée que si l’on examine dans le même temps l’efficacité des traitements délivrés. À ce niveau, on peut rappeler que près de 40 % des patients traités par insuline ont un taux d’HbA1c > 8 %, ce qui ne peut que susciter des interrogations sur les conditions actuelles d’utilisation de l’insulinothérapie.
D’après une communication de B. Detournay (CEMKA-EVAL)
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