Publié le 31 mar 2015Lecture 10 min
Avancées technologiques au service des diabétiques
C. BAILY, Hôpital Cochin, Paris
L’ATTD a réuni pour la huitième fois ce que le monde compte de chercheurs et cliniciens dédiés aux avancées technologiques dans le traitement du diabète. Plus de 2 500 participants de 85 pays se sont retrouvés à Paris.
Cette conférence permet de faire le point sur la recherche, mais aussi de « prendre le pouls » de ce qui se passe dans ce cercle restreint. Si les années précédentes l’emphase était portée sur la faisabilité et la sécurité, en particulier de la mesure continue, des pompes et de leur association, communément désignée sous le nom de pancréas artificiel, cette année, beaucoup de communications exploraient le vécu et les attentes des patients. Comme si la technologie étant suffisamment avancée (bien qu’encore améliorable), la faisabilité et la sécurité prouvée dans des études sur quelques patients, il fallait maintenant envisager la mise à disposition pour le maximum de patients. Il semble donc logique de s’adresser à eux, de préciser leurs attentes et les difficultés rencontrées lors d’études dans la vraie vie. L’utilisation des applications et des outils connectés est, elle aussi, en plein développement et de nombreuses communications en sont le reflet. Quelques nouveautés ont été présentées ainsi que le résultat d’études non encore publiées.
Quoi de neuf sur l’insuline ?
La recherche se fait à la fois vers des insulines plus rapides pour les repas et des insulines plus longues et au profil plus stable pour les besoins de base.
Deux candidats pour l’insuline ultra-lente
La glargine titrée à 300 U/ml (Toujeo®), vise à prolonger sa durée d’action et à rendre son profil plus stable. Sa titration plus élevée entraîne un dépôt sous-cutané plus dense lors de l’injection, sur une petite surface, ce qui entraîne une libération plus progressive et prolongée qu’avec la titration à 100. Les résultats des études EDITION 1, 2 et 3 ont été présentées et confirment la non-infériorité de la glargine 300 par rapport à la glargine 100, avec moins d’hypoglycémies nocturnes et sans prise de poids supplémentaire. Le profil glycémique sur 24 heures semble également plus stable et n’est pas influencé par l’heure de l’injection (matin ou soir). La variabilité intra-individu est également réduite. Sans être une révolution, cette nouvelle glargine peut être intéressante chez les patients nécessitant de très fortes doses d’insuline basale. L’approbation par l’EMA et la FDA vient d’être accordée.
Degludec (Tresiba®) est déjà commercialisée dans certains pays d’Europe ; elle a reçu l’AMM en France mais n’est pas encore commercialisée. Son action prolongée est liée à la diffusion lente et régulière de monomères à partir du dépôt de multi-hexamères solubles en sous-cutané lors de l’injection. Elle serait une bonne alternative pour les patients chez qui la glargine 100 est trop courte. Son profil semble également diminuer le nombre d’hypoglycémies nocturnes vs glargine 100 (diminution des hypoglycémies sur la journée, seulement chez les DT2). Son utilisation 3 fois par semaine chez les DT2 a montré un moins bon contrôle et davantage d’hypoglycémies qu’avec la glargine 100 quotidienne. Elle doit donc être injectée quotidiennement, même si la souplesse de l’horaire est probablement plus grande qu’avec la glargine, ce qui peut être intéressant dans la population des adolescents par exemple.
Un troisième candidat est l’insuline PEG lispro, mais aux dernières nouvelles, le dépôt du dossier par la firme Lilly est retardé à cause de possibles effets hépatiques délétères (élévation des transaminases et possible stéatose), ce qui retarderait sa possible mise sur le marché. À suivre…
Insulines analogues ultra-rapides
Celles dont nous disposons sont encore trop lentes avec trop d’inertie. Une insuline plus rapide dans son démarrage et à plus courte durée d’action est nécessaire pour les bolus de repas, surtout en cas de consommation de glucides à faible index glycémique, pour les bolus de correction, et aussi pour le futur pancréas artificiel, en particulier lors des repas. Deux pistes pour l’instant :
L’ajout aux insulines analogues existantes de hyaluronidase humaine recombinante (rHuPH20). Un essai clinique (Garg) a comparé l’insuline lispro et une insuline humaine + rHuPH20 lors des bolus du repas. Cette étude conclut à la non-infériorité de l’insuline humaine + rHuPH20. L’étape suivante est l’ajout de rHuPH20 aux insulines analogues existantes qui devraient alors agir plus rapidement. Quelques tests sur des volontaires sains vont dans ce sens et seraient prometteurs. À noter que des essais préliminaires dans la boucle fermée (Cengiz) montrent que l’injection de rHuPH20 juste avant un bolus de repas améliore le profil postprandial lors de repas non annoncés en boucle fermée.
La modification de l’insuline aspart, avec ajout d’une nicotinamide et L-arginine accélère son action avec une exposition à l’insuline plus précoce dans les 15 à 30 premières minutes, sans augmentation de l’exposition totale. Il s’agit donc d’une insuline plus rapide qui diminue le pic d’hyperglycémie postprandial. Les essais de phase 3 sont en cours.
La recherche sur les autres voies d’administration de l’insuline semble marquer le pas
L’insuline orale semble quasi abandonnée et seule la firme Novo continue de travailler dans ce domaine, avec quelques résultats prometteurs chez le rat. Si cette insuline voit le jour, ce sera de toute façon une insuline d’action prolongée.
L’insuline inhalée est une insuline d’absorption ultra-rapide, destinée à couvrir les besoins des repas. Néanmoins, il existe de nombreuses restrictions d’utilisation (patient fumeur, asthmatique) et l’obligation de faire des tests spirométriques au début et à 6 mois. Les résultats d’Afrezza® (commercialisé depuis peu aux États-Unis) devraient faire l’objet de communications l’an prochain, en particulier sur sa cinétique et les risques pulmonaires lors d’études cliniques réclamées par la FDA car il persiste des questions concernant les risques potentiels sur les poumons à court et long terme. À suivre…
Pompes à insuline externes
Nouvelles pompes
Deux nouveaux modèles de pompe (Medtronic 640G et Accu-Chek Insight) ont été présentés, dont la caractéristique commune est d’être plus accessibles pour un utilisateur non versé dans la technologie. La connectivité avec un appareil qui sert à la fois de pilote pour la pompe, de lecteur de glycémie et de calculateur de bolus (entre autres) est destinée à faciliter la vie des patients. La transmission des données aux professionnels de santé est également plus simple, ce qui risque en revanche de leur compliquer la vie et de les submerger de données. Une de ces nouvelles pompes (non encore disponible en France) a également une possibilité d’utiliser des cartouches préremplies ce qui peut être intéressant pour certains patients, même si cela rend captif d’un certain type d’insuline et de cathéter. Le design de ces pompes est également amélioré, plus compactes, avec un écran couleur, elles semblent suivre l’évolution des smartphones.
Les pompes dites patch (parce que sans tubulure), dont certaines sont déjà commercialisées aux États-Unis, alors qu’elles visaient surtout le marché des patients DT1, se tournent à présent également vers les besoins spécifiques des patients diabétiques de type 2. Leur mise en place et leur utilisation sont facilitées à l’extrême (Jewel 2 et PaQ) ; certaines ne nécessitent pas de programmation, une fois le débit de base choisi. Leur contenance permet une utilisation sur 3 à 7 jours sans remplissage et elles ne nécessitent pas de dextérité particulière, ni d’éducation spécifique en dehors de la mise en place. Leur mise sur le marché français n’est pas encore d’actualité, mais les dossiers sont en cours.
Fonction « arrêt hypo »
Le Low Glucose Suspend (LGS) de la pompe Veo couplée à une mesure continue avait montré son efficacité sur la diminution des hypoglycémies tant sévères que modérées chez des patients ne ressentant pas leurs hypoglycémies, sans augmentation de l’HbA1c ni cétose(1,2).
La nouveauté est la suspension de la délivrance de l’insuline, non plus lors de la survenue d’une hypoglycémie, mais lors de la prédiction de la survenue d’une hypoglycémie dans les 30 prochaines minutes (Pompe Medtronic 640G). Une première étude « in silico » (étude PILGRIM)(3) montre la supériorité de ce système prédictif sur le LGS, chez de jeunes patients pratiquant une activité physique. Des études randomisées et dans la vraie vie seront nécessaires pour confirmer cet avantage. À noter que ce système nécessite que la pompe soit couplée à une mesure continue de la glycémie. Ce système n’est pas remboursé en France, ce qui en limite pour l’instant la portée.
Qu’en est-il de la boucle fermée (PA) ?
Celle-ci comprend une pompe à insuline, un système de mesure continue (MCG) et un système basé sur un algorithme qui calcule la dose d’insuline à délivrer selon les données de la MCG. Trois algorithmes sont actuellement utilisés sur différents systèmes de boucle fermée. Tous les trois donnent de très bons résultats, toujours en voie de perfectionnement.
De plus en plus d’études confirment la faisabilité d’une boucle fermée pendant la nuit avec moins de variabilité glycémique, plus de temps passé dans la cible et moins de temps en hypoglycémie, parfois au prix d’une glycémie plus élevée le matin par rapport à la pompe sans boucle fermée. On est passé des études in silico puis en structure médicalisée à des études dans la vraie vie. Les données préliminaires d’une étude multicentrique en cours montrent que sur des patients, sans contraintes de repas ou d’activité particulières, décidant eux-mêmes de choisir ou non la boucle fermée pour la nuit, le temps passé sous le seuil de 70 mg/dl est significativement diminué les nuits où la boucle fermée est utilisée. Si on étudie 860 nuits d’une boucle fermée la nuit, à domicile, regroupant 5 centres et 40 patients de 26 à 70 ans, le temps passé dans la cible est augmenté et la variabilité, diminuée. Les résultats les meilleurs sont obtenus chez les adolescents et les sujets ayant l’HbA1c la plus basse (Tauschmann).
La boucle fermée poursuit son avancée et la période diurne est maintenant à l’étude, avec des repas (annoncés ou non) ou une activité physique. De nouveaux systèmes sont envisagés, comme la mesure de la fréquence cardiaque pour indiquer à la pompe qu’une activité physique démarre, ou une possibilité d’implémenter les données d’un capteur sur le suivant, lui permettant « d’apprendre » des données passées. Il reste que des capteurs plus fiables et des insulines plus rapides sont nécessaires, mais les progrès sont flagrants et on peut espérer une mise à disposition au moins sur la période nocturne avant la prochaine décennie. Reste à en évaluer le coût et surtout l’acceptabilité par les patients et leur entourage (parents ou conjoint).
Applications et objets connectés
Ils sont en plein développement. Ils sont sous-utilisés par les soignants, et les patients naviguent au petit bonheur la chance pour trouver une application qui leur convient. Une journée du JETD est d’ailleurs consacrée à l’éducation 2.0 en mai prochain. La plupart des applications présentées à l’ATTD concernaient le public américain. Plusieurs applications européennes ou japonaises en développement s’intéressent à l’aide au comptage des glucides lors des repas chez les patients DT1 via une photo de l’assiette, ce qui répond à une demande des patients qui pratiquent l’insulinothérapie fonctionnelle.
L’aide aux changements de comportement via Internet et surtout les smartphones est avancée, mais les études sont très peu nombreuses ; le design classique des études randomisées est probablement à modifier pour l’adapter à l’étude de ces nouveaux outils qui se modifient très rapidement et donnent peu de prise à des études au long cours telles qu’elles sont conçues pour le moment. La présence d’applications podomètres gratuites, téléchargeables sur quasiment tous les smartphones, pourrait être plus utilisée, par exemple pour motiver les patients à l’activité physique.
Une autre aide concerne la gestion du diabète et de son traitement, avec des carnets de glycémie électroniques, des aides au calcul d’insuline du repas ou à la prise de médicaments. Ici encore, il est difficile de conseiller les patients, une métaanalyse(4) montre que très peu d’entre elles sont multifonctionnelles, la plupart se contentant de proposer un carnet de glycémie ou un journal de pas ou de poids. Il faudra donc probablement attendre les communications de l’année prochaine pour connaître l’impact d’applications plus complètes dédiées à l’aide à la prise de décision par exemple. L’immense majorité (85 %) de ces applications est en anglais et il faut probablement que les professionnels de santé s’impliquent davantage dans la création d’outils en français pour nos patients.
Réseaux sociaux
Enfin, l’utilisation des réseaux sociaux (Facebook et Tweeter) est en expansion. Une étude (G. Petrovski) montre une amélioration de l’HbA1c de 0,7 % chez des adolescents sous pompe ou basal-bolus, après 3 mois d’utilisation de Facebook pour communiquer avec les professionnels de santé. Une métaanalyse(5) montre que des effets sur la modification comportementale sont possibles, mais rarement étudiés spécifiquement. De façon intéressante pour les futurs programmes, plus une intervention est personnalisable, plus elle est efficace.
Il est trop tôt pour mesurer l’impact futur de ces nouvelles technologies, mais il faut les considérer comme des outils qui viennent enrichir les outils éducatifs dont nous disposons, permettant ainsi aux patients de choisir celui qui est le plus adapté à leurs besoins du moment.
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