Publié le 31 mar 2015Lecture 6 min
Sexualité féminine et diabète
B. BAUDUCEAU, L. BORDIER, Service d’endocrinologie, Hôpital d’Instruction des Armées Bégin, Saint-Mandé
Si le thème de la dysfonction érectile est fréquemment abordé dans les revues de diabétologie ou lors des congrès, celui des perturbations de la sexualité féminine est rarement traité. D’ailleurs, très peu de travaux dans la littérature se sont attachés à explorer ce qui constitue une véritable complication largement méconnue du diabète. Ce fait conduit à une sousestimation et à mauvaise prise en charge de ces problèmes qui retentissent sur la qualité de vie des malades.
Les raisons de la mauvaise connaissance du problème
La question de la sexualité fait toujours l’objet d’un tabou. Chez les hommes diabétiques, des progrès ont été faits ces dernières années et les malades exposent plus facilement leurs problèmes de dysfonction érectile. Bien informés sur la fréquence de ces troubles, leur retentissement sur la qualité de vie et les possibilités thérapeutiques, médecins généralistes et diabétologues n’hésitent plus à aborder directement cette question avec leurs malades.
En revanche, le fossé n’a pas été franchi chez les femmes et tout particulièrement chez les diabétiques. Ce fait tient à une plus grande pudeur chez de nombreuses femmes, à la complexité de la sexualité féminine et au manque de solutions thérapeutiques aussi efficaces et nombreuses que chez les hommes.
Évaluation
Les difficultés dans l’exploration des troubles de la sexualité féminine ne facilitent pas leur évaluation. Celle-ci repose sur un questionnaire portant sur 19 items et sur les 4 dernières semaines, permettant de déterminer le « Female Sexual Function Index » (FSDI). Ce questionnaire, qui a été élaboré à partir d’un échantillon de femmes indemnes de pathologie, fournit un score explorant 6 domaines de la sexualité féminine :
• Désir et libido
• Excitation sexuelle
• Lubrification
• Orgasme
• Satisfaction
• Douleur
Le score maximum est de 36 et une anomalie (Female Sexual Disorder) est avérée pour un chiffre inférieur à 26(1).
Épidémiologie
Ces dysfonctions sexuelles ne sont pas rares puisqu’elles intéresseraient 18 à 27 % des diabétiques de type 1 et 42 % des diabétiques de type 2. Globalement, le diabète majore d’un facteur 2 les troubles sexuels chez les femmes. La prévalence augmente avec l’âge, l’existence de complications cardiovasculaires ou neurologiques et la présence de facteurs psychologiques défavorables(2). Ainsi, la dépression, les problèmes familiaux et les divorces sont à la fois les causes et les conséquences de ces troubles sexuels féminins.
La prévalence des dysfonctions sexuelles et leurs conséquences varient selon les pays en fonction des habitudes et des cultures. Toutefois, les études menées en Turquie, en Chine ou en Asie du Sud-Est concluent globalement à une majoration des troubles sexuels chez les femmes dia-bétiques et soulignent l’importance de l’IMC, de la durée du diabète et de la qualité de son équilibre.
Les différents troubles de la sexualité chez les femmes diabétiques
Les mycoses vaginales sont fréquentes chez les diabétiques et entraînent prurit, oedème vulvaire et leucorrhées. Elles ont donc pour conséquence de gêner les rapports et de les rendre fréquemment impossibles. La survenue de ces mycoses est corrélée à l’équilibre du diabète et est favorisée par une antibiothérapie. Cette infection mycosique répond bien au traitement local et à une amélioration de l’équilibre du diabète. Elle constitue un inconvénient essentiel à la prise des SGLT2 inhibiteurs chez les femmes puisque le risque de mycose génitale est globalement multiplié par 3 avec cette classe médicamenteuse.
La sécheresse vaginale, qui rend les rapports difficiles, est fréquente chez les diabétiques et entraîne gêne et dyspareunie. Cette symptomatologie est améliorée lorsque le diabète est bien équilibré mais s’aggrave avec l’âge et après la ménopause du fait de la carence hormonale. Ce trouble est majoré par certaines contraceptions progestatives. L’utilisation de lubrifiants est susceptible d’améliorer les symptômes.
Les blocages psychologiques et la diminution de la libido sont d’origine multiple. Ils entraînent une disparition des orgasmes et rendent les rapports sexuels difficiles ou douloureux. L’existence d’un état dépressif joue un rôle majeur dans lequel une mauvaise acceptation du diabète est susceptible d’entrer en ligne de compte. En revanche, la crainte d’une hypoglycémie est infondée et il convient de rassurer la patiente sur ce dernier point.
L’altération de la qualité de vie est la conséquence de ces problèmes sexuels et provoque ou aggrave un syndrome dépressif.
Les facteurs influençant la qualité de la sexualité
La neuropathie
Les conséquences d’une neuropathie peuvent être illustrées par les résultats d’une étude portugaise portant sur 94 femmes non ménopausées, 51 présentant une neuropathie amyloïde familiale et 43 constituant le groupe contrôle. Une dysfonction sexuelle était observée chez 42 % des femmes avec amylose, contre 12 % dans le groupe témoin (p < 0,03). Les anomalies les plus souvent rencontrées étaient une baisse de la libido ou de la satisfaction sexuelle et une anorgasmie(3).
Au cours du diabète, le rôle de la neuropathie végétative est bien connu chez l’homme dans la dysfonction érectile. Sa responsabilité est moins établie chez la femme mais elle semble à l’origine d’une diminution des sécrétions vaginales et d’une disparition des orgasmes qui peuvent être liés à une neuropathie clitoridienne. La recherche d’une dysautonomie passe naturellement par l’exploration d’organes plus accessibles comme le système cardiovasculaire.
L’obésité
Dans une étude portugaise portant sur des femmes obèses d’âge moyen 44 ans, 78 % d’entre elles avaient une dysfonction sexuelle évaluée par FSDI qui entraînait un retentissement psychologique. Les patientes avec dysfonction sexuelle étaient diabétiques dans 22 % des cas(4).
La grossesse
L’évaluation des anomalies sexuelles au cours du diabète gestationnel a été menée au cours d’une étude au Brésil. Aucune différence n’a été notée entre les patientes présentant un diabète gestationnel et la population témoin. La baisse du désir est l’anomalie la plus souvent rencontrée dans les 2 groupes et intéresse une femme sur 2(5).
L’utilisation des pompes
Les conséquences de l’utilisation d’une pompe externe ont été appréciées à l’aide d’un questionnaire chez 271 diabétiques comportant 51 % de femmes traitées par pompe depuis 4,2 ans en moyenne. La fréquence de l’activité sexuelle est corrélée à l’âge et à la vie en couple mais ni à l’ancienneté ni aux complications du diabète. Pour 90 % des malades, la pompe est sans conséquence sur la sexualité mais, pour 10 % d’entre eux, elle constitue un obstacle notamment à cause du cathéter. La possibilité de déconnecter la pompe est alors un avantage essentiel(6).
Les traitements disponibles
Ces anomalies nécessitent une meilleure prise en charge et donc un dépistage plus rigoureux au regard de ce qui est fait actuellement. Un équilibre aussi satisfaisant que possible du diabète permet d’améliorer un bon nombre des symptômes.
Les possibilités thérapeutiques sont fonction d’une bonne analyse des troubles et de leur origine. Un traitement symptomatique spécifique pourra alors être prescrit de façon adaptée et l’intervention d’un psychologue est fréquemment nécessaire.
Le sildénafil à la dose de 100 mg (la dose habituelle est de 50 mg chez l’homme) présente une efficacité controversée. Dans la littérature, 8 études montrent un effet possible portant sur l’amélioration de la libido et la désinhibition, mais 4 études ne montrent aucun effet. Toutefois, les études sont de petite taille et ne sont pas toujours menées de façon parfaitement fiable.
En définitive, la communication dans le couple est fondamentale, portant sur la compréhension du partenaire et les problèmes générés par le diabète.
Conclusion
Les troubles de la sexualité féminine sont fréquents mais largement méconnus et négligés. De nombreux symptômes peuvent être améliorés par un meilleur équilibre du diabète et par un traitement symptomatique, ce qui sous-entend qu’ils doivent être connus, reconnus et dépistés. Les médecins devraient donc aborder ce sujet avec leurs malades car il est rare qu’elles le fassent spontanément elles-mêmes.
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