Recommandations - Consensus
Publié le 14 avr 2013Lecture 11 min
Recommandation de bonne pratique HAS - « Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2 »
V. KERLAN, CHU Cavale Blanche, Brest
La Haute Autorité de Santé vient de publier une recommandation de bonne pratique sur la « Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2 ». Une prise de position des sociétés américaine (ADA) et européenne (EASD) de diabétologie avait été publiée début 2012 et la Société francophone du diabète (SFD) les avait reprises à son compte en assurant sa traduction et sa diffusion sur le site de la SFD pendant l’été 2012. S’il existe de nombreux points de convergence entre les recommandations de la HAS et le consensus international, sont apparues également des divergences, qui animent le milieu de la diabétologie.
Comme d’habitude, les recommandations de bonne pratique ont été rédigées par un groupe de travail multiprofessionnel ; elles sont basées sur l’analyse de la littérature, avec des niveaux de preuve différents, impliquant des recommandations de grade différent. Le groupe fait état d’un manque d’études cliniques réalisées sur la morbi-mortalité et un faible nombre d‘études comparant les différentes stratégies médicamenteuses. En conséquence les recommandations sont essentiellement fondées sur un consensus d’experts pour lequel on peut remarquer, d’une part, que le nombre de spécialistes en diabétologie dans le groupe de rédaction était très restreint et, d’autre part, que parmi le comité de lecture, un tiers des diabétologues retenus par la HAS n’ont pas souhaité endosser cette recommandation.
L’objectif de la recommandation est de définir des objectifs glycémiques simples, une stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique et la place de l’autosurveillance glycémique. Ni l’éducation thérapeutique, ni les mesures hygiénodiététiques, ni le traitement des autres facteurs de risque cardiovasculaire et des complications du diabète ne sont envisagés dans ces recommandations. Quatre situations particulières sont abordées : le patient âgé, le patient insuffisant rénal, le patient avec antécédent cardiovasculaire connu et la patiente enceinte ou envisageant de l’être.
Objectif glycémique
Celui-ci est défini par le niveau d’HbA1c (dont le dosage est recommandé 4 fois par an) optimal pour prévenir les complications liées à l’hyperglycémie et aux effets secondaires des traitements.
Un message important est celui de l’individualisation de l’objectif glycémique selon le profil du patient, et la réévaluation de cet objectif si le profil du patient se modifie ou si des effets secondaires, dont la prise de poids ou les hypoglycémies, apparaissent.
• Pour la plupart des patients diabétiques de type 2, une cible d’HbA1c ≤ 7 % est recommandée. Le traitement médicamenteux doit être instauré ou réévalué si l’HbA1c est > 7 %.
• Pour les patients diabétiques de type 2 dont le diabète est nouvellement diagnostiqué et dont l’espérance de vie est > 15 ans et sans antécédent cardiovasculaire, un objectif ≤ 6,5 % est recommandé, sous réserve d’être atteint par des mesures hygiénodiététiques puis, en cas d’échec, par une monothérapie orale.
• Fait nouveau, l’objectif a été assoupli, avec une cible d’HbA1c ≤ 8 % dans la population des patients diabétiques de type 2 avec une comorbidité grave avérée et/ou une espérance de vie limitée (< 5 ans) ou avec des complications macrovasculaires évoluées (infarctus du myocarde avec insuffisance cardiaque, atteinte coronarienne sévère, atteinte polyartérielle, artériopathie oblitérante des membres inférieurs symptomatique, accident vasculaire cérébral de < 6 mois) ou ayant une longue durée d’évolution du diabète (> 10 ans) et pour lesquels la cible de 7 % s’avère difficile à atteindre car l’intensification médicamenteuse provoque des hypoglycémies sévères. En cas de difficulté à définir l’objectif glycémique, un avis de diabétologue ou de gériatre peut être recommandé.
Cas particuliers
Parmi les personnes dites « âgées », > 75 ans, trois sous-groupes de patients ont été retenus : les personnes âgées dites « vigoureuses » et dont l’espérance de vie est jugée satisfaisante, dont l’objectif glycémique est le même que dans la population jeune, les personnes âgées dites « fragiles », où l’objectif retenu est de 8 % et les sujets dits « malades » où la tolérance est une HbA1c < 9 %, l’objectif étant d’éviter les complications aiguës du diabète.
Pour les patients ayant une insuffisance rénale modérée, définie par un débit de filtration glomérulaire estimé > 30 ml/min/1,73 m2, une cible < 7 % est recommandée. En cas d’insuffisance rénale sévère ou terminale, la cible est < 8 %.
Pour les femmes enceintes ou envisageant une grossesse, une HbA1c < 6,5 % est recommandée. Pendant la grossesse, les glycémies capillaires doivent être < 0,95 g/l en préprandial et < 1,20 g/l en postprandial à 2 heures.
Stratégie médicamenteuse
Elle repose sur un critère original par rapport aux recommandations internationales et aux données de la littérature : l’écart entre l’HbA1c actuelle et l’objectif d’HbA1c. Sont également à prendre en compte l’efficacité attendue des traitements, leur tolérance, leur sécurité et leur coût, mais aussi l’environnement social, familial et culturel du patient. Les traitements sont débutés aux doses minimales recommandées qui sont ensuite augmentées jusqu’aux doses maximales tolérées ou jusqu’à ce que l’objectif d’HbA1c soit atteint. Le patient doit être informé des avantages et inconvénients des traitements et éduqué en cas de prescription d’un médicament susceptible d’induire des hypoglycémies.
En dehors de diabète très déséquilibré (glycémies répétées > 3 g/l ou HbA1c > 10 %), où une bithérapie voire une insulinothérapie d’emblée, parfois transitoire, pourra être instaurée, le traitement est débuté par une monothérapie.
Monothérapie
Elle repose de façon consensuelle non surprenante sur la metformine en première intention. En cas d’intolérance ou de contre-indication à la metformine, l’utilisation d’un sulfamide hypoglycémiant est préconisée. Ce n’est qu’en cas d’intolérance ou de contre-indication à la metformine et aux sulfamides que pourront être prescrits le répaglinide ou un inhibiteur des alphaglucosidases, ou en dernier recours après avis du diabétologue, par un inhibiteur de la DPP-4, non remboursé en monothérapie.
Après échec de la monothérapie, un arbre décisionnel a été élaboré. Sur le site de la HAS, en fonction de quelques critères que tout prescripteur peut cocher, supposés établir le profil du patient, une proposition thérapeutique est énoncée. Cet algorithme, un peu rigide, est conçu comme une aide à la prescription des médecins généralistes.
Bithérapie
Si l’objectif glycémique n’est pas atteint malgré une monothérapie par metformine, l’association metformine + sulfamide hypoglycémiant est recommandée sous surveillance de la prise de poids et des hypoglycémies.
En cas d’intolérance ou de contre-indication aux sulfamides hypoglycémiants, des alternatives peuvent être proposées, en fonction du niveau de l’écart à l’objectif et des préoccupations vis-à-vis du poids ou des hypoglycémies.
Si l’écart à l’objectif d’HbA1c est < 1 %, peuvent être utilisés en association à la metformine, le répaglinide en cas de prise alimentaire irrégulière, les inhibiteurs des alphaglucosidases ou les inhibiteurs de la DPP-4 si la survenue d’hypoglycémie est préoccupante ou, pour ces derniers, si la prise de poids est préoccupante.
Si l’écart à l’objectif d’HbA1c est > 1 %, ou bien en cas d’intolérance ou de contre-indication aux sulfamides hypoglycémiants et d’échec de la bithérapie orale, en association à la metformine peuvent être prescrits soit l’insuline, soit les analogues du GLP-1 en cas d’IMC ≥ 30 ou si une prise de poids ou des hypoglycémies sous insuline sont préoccupants.
En cas de monothérapie par sulfamide hypoglycémiant, quand la metformine est contre-indiquée ou mal tolérée, peuvent être associés au sulfamide, si l’écart à l’objectif est < 1 %, un inhibiteur des alphaglucosidases ou un inhibiteur de la DPP-4. Si l’écart à l’objectif est > 1 %, ou en cas d’échec de la bithérapie orale, en association au sulfamide peuvent être prescrits soit l’insuline soit les analogues du GLP-1 en cas d’IMC ≥ 30 ou si une prise de poids ou des hypoglycémies sous insuline sont préoccupants.
En cas de monothérapie par répaglinide ou inhibiteurs des alphaglucosidases ou de la DPP-4, si l’objectif glycémique n’est pas atteint, il est recommandé d’introduire l’insuline.
Un message important est celui de la nécessité de réévaluer le traitement après un intervalle de 3 à 6 mois, ou plus rapidement en cas d’intolérance au traitement ou de signes cliniques d’hyperglycémie. Un traitement ne doit pas être maintenu chez un patient non répondeur, c’est-à-dire si l’objectif n’est pas atteint ou que l’HbA1c n’a pas diminué d’au moins 0,5 % au bout de 6 mois à la dose maximale tolérée et sous réserve d’une bonne observance.
Trithérapie
Si l’objectif d’HbA1c n’est pas atteint malgré une bithérapie, une trithérapie peut être proposée, en associant :
- metformine + sulfamide hypoglycémiant + inhibiteur des alphaglucosidases ou inhibiteur de la DPP-4 si l’écart à l’objectif d’HbA1c est < 1 % ;
- metformine + sulfamide hypoglycémiant + insuline ou metformine + sulfamide hypoglycémiant + analogue du GLP-1 (si IMC ≥ 30 ou si prise de poids ou hypoglycémie préoccupante) si l’écart à l’objectif d’HbA1c est > 1 %.
Insulinothérapie
L’instauration d’une insulinothérapie doit être accompagnée ou au mieux précédée d’une autosurveillance glycémique et faire l’objet d’une éducation thérapeutique. Il est préconisé de commencer par une insuline intermédiaire au coucher (NPH) ou un analogue lent de l’insuline si le risque d’hypoglycémie nocturne est préoccupant.
Les traitements antidiabétiques non insuliniques associés à l’insuline doivent être réévalués : maintien de la metformine, adaptation éventuelle des posologies du sulfamide et du répaglinide, arrêt des inhibiteurs des alphaglucosidases et des inhibiteurs de la DDP-4. L’association insuline et analogue du GLP-1 relève d’un avis diabétologique.
Le recours à l’endocrinologue est de toutes façons envisagé pour instaurer ou optimiser le schéma insulinique en cas de difficulté à atteindre les objectifs glycémiques fixés.
Si l’objectif glycémique n’est pas atteint malgré l’insulinothérapie, celle-ci sera intensifiée.
En cas de diabète très déséquilibré (glycémies > 3 g/l répétées et/ou HbA1c > 10 %), un schéma insulinique intensifié peut être prescrit d’emblée après avis d’un endocrinologue.
Cas particuliers
Chez les patients de plus de 75 ans, doivent être pris en compte la fonction rénale, la polymédication, le risque d’hypoglycémie. Si la metformine et les sulfamides peuvent être utilisés avec précaution dans cette population, l’alternative des inhibiteurs de la DPP-4, en bithérapie avec la metformine est possible et quand les antidiabétiques oraux ne peuvent pas être utilisés, l’insulinothérapie est recommandée. Une surveillance accrue de la glycémie et un recours éventuel à une insulinothérapie transitoire sont préconisés en cas de situation aiguë contre-indiquant transitoirement les antidiabétiques oraux.
Pour les patients avec antécédents cardiovasculaires connus, une vigilance particulière est requise vis-à-vis des hypoglycémies. Une coordination médecin généralise, cardiologue et endocrinologue est recommandée.
Chez le patient ayant une insuffisance rénale chronique modérée (DFG entre 30 et 60 ml/min/1,73 m2), l’utilisation de la metformine, à posologie maximale de 1 500 mg/j, est possible mais avec prudence, sous surveillance trimestrielle de la fonction rénale et grande vigilance en cas de situations d’hypoxie ou de situations altérant la fonction rénale, et en particulier de prise médicamenteuse (AINS), du fait du risque d’acidose lactique. Toutes les molécules à élimination rénale doivent être utilisées avec précaution, surtout si elles exposent aux hypoglycémies.
Au stade de l’insuffisance rénale sévère, les seules classes thérapeutiques autorisées sont l’insuline, le répaglinide, les inhibiteurs des alphaglucosidases et les inhibiteurs de la DPP-4 à posologie adaptée.
Les femmes enceintes ou envisageant une grossesse doivent être traitées par un schéma insulinique optimisé et la prise en charge optimisée associant médecin généraliste, endocrinologue et gynéco-obstétricien doit débuter avant la conception.
Place de l’autosurveillance glycémique
Elle s’inscrit dans une démarche d’éducation. Si son utilisation est indispensable chez tout patient traité par insuline et toutes les femmes enceintes ou envisageant de l’être, elle est considérée comme utile chez les patients traités par sulfamides et glinides du fait du risque d’hypoglycémies, mais non systématique chez des patients ayant des molécules n’entraînant pas d’hypoglycémies, en dehors de situations où les résultats glycémiques sont susceptibles d’entraîner une modification des mesures hygiénodiététiques ou des traitements médicamenteux. Il est reconnu une place pour l’autosurveillance lors des modifications de traitement ou de style de vie ou en cas de déséquilibre aigu.
Conclusion
Ces recommandations de la HAS, qui ne concernent que le traitement médicamenteux de l’hyperglycémie ne font état que d’une partie de la prise en charge des diabétiques, qui est beaucoup plus globale.
En faisant la part belle aux molécules anciennes, ces recommandations de prudence et de compromis, prennent aussi en compte la considération économique.
Elles devront être actualisées à la lumière des publications, en particulier sur la tolérance des nouveaux traitements et les effets sur la morbimortalité des molécules et des stratégies.
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