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Études

Publié le 14 fév 2013Lecture 7 min

FREEDOM - Quels enseignements pour les patients diabétiques coronariens en 2013 ?

P. SABOURET, Institut du Cœur, Pitié-Salpêtrière, Paris

Il est admis que les patients diabétiques constituent souvent des patients à risque cardiovasculaire élevé, ainsi que l’atteste leur pronostic, dominé par la survenue d’événements cardiovasculaires majeurs, infarctus du myocarde (IDM), accidents vasculaires cérébraux (AVC), le plus souvent de nature ischémique, et artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI). La présence d’un diabète majore également le risque des patients en prévention secondaire, malgré les progrès thérapeutiques réalisés au cours des dernières années.  

La prise en charge du patient diabétique ne se conçoit actuellement que dans une approche pluridisciplinaire, impliquant différents professionnels de santé avec pour objectif la diminution du risque cardiovasculaire des patients.  Les objectifs tensionnels, lipidiques et glycémiques sont à présent mieux cernés sur la base des études récentes (ACCORDBP, CARDS, HPS-Diabetes, ACCORD-Lipid, etc.), même si des discussions restent ouvertes sur les objectifs glycémiques, et surtout sur la stratégie pour y parvenir suite aux données de l’étude ACCORD.  Concernant les patients diabétiques coronariens, malgré les résultats de l’étude BARI, qui plaidaient en faveur des pontages coronaires chez les patients diabétiques multitronculaires, de nombreux patients diabétiques coronariens tritronculaires continuent à « bénéficier » d’une revascularisation coronaire percutanée (RCP). Cette attitude pouvait se justifier par les progrès accomplis depuis l’étude BARI dans la prise en charge des patients coronariens diabétiques : amélioration de la filière de soins, apparition de nouveaux antiagrégants plaquettaires, amélioration significative du critère primaire combiné (IDM, AVC, mortalité CV) des patients diabétiques revascularisés sous prasugrel versus clopidogrel pour un suivi supérieur à 1 an, sans surcroît hémorragique dans ce groupe de patients, et avènement des stents coronaires dits de « nouvelle génération ». Pontage ou stent ? Valentin Fuster a donc présenté l’étude FREEDOM, publiée simultanément dans le New England Journal of Medicine, et a laissé l’auditoire pantois devant les résultats(1).  L’étude FREEDOM est une étude prospective, randomisée comparant une stratégie de revascularisation par pontages coronaires à une stratégie de revascularisation coronaire par stents actifs (RCP), chez des patients diabétiques coronariens pluritronculaires.  Le design de l’étude était basé sur une supériorité des pontages comparativement à la RCP sur un suivi de 5 ans (suivi minimal de 2 ans).  La taille de l’effectif calculé pour avoir une puissance suffisante était de 1 900 patients (950 randomisés dans chaque bras, recrutés par 150 centres).  Le critère primaire composite associait la mortalité totale, les IDM et les AVC non mortels.  Le critère secondaire était composé des éléments suivants :  - ECM (événements cardiovasculaires majeurs : IDM, AVC, décès, revascularisation répétée) à 1 an ;  - Taux de survie à 1, 2 et 3 ans ;  - ECM au 30e jour suivant la procédure de revascularisation coronaire ;  - Calcul des coûts et réévaluation du rapport coût/efficacité ;  - Qualité de vie à J30, 6 mois, puis à 1, 2 et 3 ans.    La puissance définie était ≥ 85 % pour détecter une réduction du risque relatif de 18 % sur le critère primaire, avec un risque α de 5 %.  Au total, 1 900 patients ont été randomisés entre 2005 et 2010 entre les deux stratégies ; 83 % des patients étaient tritronculaires, et il était recommandé de n’utiliser qu’un seul type de stent actif dans le groupe RCP. Pour le groupe « pontages », il était évidemment recommandé d’utiliser préférentiellement des greffons artériels, notamment sur l’IVA.  La décision de la réalisation des pontages à « cœur battant » ou non était laissée à la discrétion des chirurgiens. Critères d’exclusion de l’étude FREEDOM Étaient exclus les patients avec STEMI et ceux en état de choc cardiogénique, les insuffisants cardiaques classe III ou IV de la NYHA, la nécessité d’une chirurgie simultanée, des pontages ou une RCP avec stent(s) dans les 6 mois précédents, un antécédent de chirurgie cardiaque valvulaire, la présence de > 2 occlusions coronaires sur les données de coronarographies, un taux de CPK > 2 fois la normale et/ou une élévation des CPK-MB, un AVC dans les 6 mois précédents, ou plus ancien mais avec des séquelles.    Les patients bénéficiaient par ailleurs de l’ensemble des traitements validés disponibles (antiagrégants, anticoagulants, statines, IEC, bêtabloquants, autres antihypertenseurs, antidiabétiques oraux ± insulinothérapie) dans les deux groupes randomisés. Les objectifs thérapeutiques étaient une PA < 130/80 mmHg, un LDL-C < 0,70 g/l, une HbA1c < 7 % en appliquant le protocole d’ACCORD.  Après la réalisation de la coronarographie, la présence d’une sténose serrée du tronc commun gauche (TCG) constituait une exclusion de l’étude.     En cas de RCP, la revascularisation par stents actifs portait préférentiellement sur les lésions jugées responsables de l’ischémie myocardique. De l’aspirine 325 mg, associée à une dose de charge d’au moins 300 mg de clopidogrel, étaient administrés, associés à de l’héparine non fractionnée ou de la bivalirudine. L’abciximab était systématiquement introduite (sauf contre-indication), et une bithérapie par aspirine-clopidogrel 75 mg était poursuivie pendant au mois 1 an, avec relai au long cours par l’aspirine seule.  Parmi 32 966 patients consécutifs, 3 309 patients (10 %) étaient éligibles. Un consentement éclairé a été obtenu pour 1 900 d’entre eux (57 %) : 953 étant randomisés dans le bras « RCP » et 947 dans le bras « pontages ».  Les caractéristiques cliniques des patients, les traitements avant inclusion, et les lésions coronaires observées correspondent à celles rencontrées en pratique courante par les cardiologues. Des résultats sans équivoque  (figures 1 à 5) Les pontages coronariens permettent, par rapport à la RCP par stents actifs, chez les patients diabétiques coronariens bi- ou tritonculaires (83 % des patients) :  - une réduction significative du critère primaire composite reposant sur des « critères durs » : mortalité, IDM et AVC non mortels (p = 0,05) avec une réduction de risque absolu (RRA) de 7,93 % (p < 0,001) ;  - une réduction de la mortalité totale (p = 0,049) avec une RRA de 7,93 % (p = 0,007) ;  - une réduction des IDM (p < 0,001) ; - une réduction des procédures de revascularisation à 1 an (p < 0,001) ;  - une réduction des ECM à 1 an (p = 0,004).    Le prix à payer pour les patients bénéficiant de pontages est constitué par un surcroît d’AVC (5,2 vs 2,4 % à 5 ans ; p = 0,034). Les bénéfices observés par la réalisation des pontages coronaires étaient indépendants du score Syntax des patients, de l’atteinte bi- ou tritronculaire, de la FEVG (< 40 % ou non), du sexe, de l’origine ethnique, de l’atteinte ou non de l’IVA, du degré d’insuffisance rénale et du taux d’HbA1c. Seule note d’espoir pour nos angioplasticiens, le bénéfice des pontages sur la RCP avec stents actifs n’a pas été observé pour les centres investigateurs non américains (l’interaction étant avec un p = 0,049).    Figure 1. Résultats sur la mortalité, les AVC et les IDM.  Figure 2. Résultats sur les IDM.  Figure 3. Résultats sur le mortalité totale. Figure 4. Résultats sur les AVC. Figure 5. Résultats sur les revascularisation.  En conclusion L’étude FREEDOM a l’immense mérite de comparer, à l’ère des stents actifs et des nouveaux antiagrégants plaquettaires, les deux techniques de revascularisation coronaire.  Il est important de noter que les patients diabétiques étaient revascularisés en dehors de la période aiguë de l’IDM, puisque les patients avec STEMI (IDM avec sus-décalage du segment ST), étaient exclus. Par conséquent, la revascularisation coronaire percutanée (PCI) conserve toute sa place dans la prise en charge des syndromes coronariens aigus.  On connaît également la variabilité des résultats en termes de morbi-mortalité entre les centres, et l’importance de la valeur individuelle du cardiologue interventionnel ou du chirurgien cardiaque à qui l’on adresse les patients pour revascularisation.  On constate également que les nouveaux antiagrégants plaquettaires n’ont pas été utilisés, alors que l’étude TRITONTIMI 38 avait montré une réduction significative de 30 % du critère primaire combiné du prasugrel 10 mg versus clopidogrel 75 mg. Il eût été opportun de donner toutes ses chances à la revascularisation coronaire percutanée en l’évaluant dans le contexte où elle apporte le plus de bénéfices cliniques.  Ces remarques étant soulignées, on constate que la conclusion logique de l’étude FREEDOM est que les pontages coronariens doivent constituer l’option préférentielle chez les patients diabétiques coronariens, principalement tritronculaires, avec ischémie myocardique documentée, en dehors de la phase aiguë. On retrouve également l’importance que doit prendre la Heart Team pour décider de façon consensuelle avec le patient la revascularisation coronaire optimale, notamment pour les patients bitronculaires, pour lesquels une collaboration étroite entre le cardiologue clinicien, le diabétologue, l’angioplasticien et le chirurgien cardiaque doit permettre de décider la meilleure option thérapeutique, dans l’intérêt du patient, au centre de toute décision.

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