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Études

Publié le 30 sep 2012Lecture 7 min

Prise en charge de la neuropathie douloureuse

H. GIN, Bordeaux

La Société française de diabétologie (SFD) a émis récemment des recommandations pour la prise en charge de la neuropathie douloureuse (Diabetes and Metabolism, Médecine et Maladies Métaboliques 2011). Ceci est un résumé de ces recommandations.

La prévalence de la neuropathie douloureuse est variable ; elle concerne environ 20 % des patients diabétiques de type 2 et 5 % des patients diabétiques de type 1. Ces chiffres sont à relativiser car ils dépendent des séries. Un diagnostic d’interrogatoire, à rechercher systématiquement La neuropathie douloureuse ne peut être diagnostiquée que par l’interrogatoire, elle doit donc être systématiquement recherchée car les patients ne s’en plaignent pas toujours spontanément. Cette neuropathie doit être prise en compte car elle est largement susceptible d’altérer la qualité de vie sans que le patient s’en plaigne vraiment. Les facteurs de risque sont l’âge du patient, la durée du diabète, l’existence d’une hypertension. Le rôle de l’hyperglycémie dans l’exacerbation ou l’amélioration de la douleur n’est pas franchement démontré. D’authentiques neuropathies douloureuses sont associées à de simples intolérances au glucose. En termes de neuropathie, il importe de bien se souvenir que la fibre nerveuse est constituée de différents types de fibres, les unes de bonne taille et myélinisées, les autres de petite taille et, soit myélinisées pour les fibres A, soit non myélinisées pour les fibres C. Ce sont les petites fibres qui sont concernées par la neuropathie douloureuse, ainsi que la neuropathie végétative. Ces petites fibres ne sont pas analysables en électromyographie. Il s’agit donc d’un point important : l’atteinte des petites fibres ne peut être retrouvée que par la clinique, un électromyogramme normal ne permettant pas d’exclure une douleur neuropathique.   Deux sympto-matologies extrêmes De la même manière, on peut avoir une atteinte des grosses fibres myélinisées, sans atteinte des petites fibres, et réciproquement. Cela signifie que la neuropathie sensitive peut être dissociée, touchant les petites fibres et engendrant une neuropathie douloureuse, touchant les grosses fibres et engendrant alors une perte de sensibilité. Il y a donc les deux extrêmes de la symptomatologie : • la symptomatologie pour laquelle le patient se plaint d’une douleur, il s’agit d’atteinte des petites fibres ; • l’absence de symptomatologie où le patient ne se plaint de rien et pour laquelle on trouve une perte de sensibilité, soit insensibilité superficielle soit insensibilité profonde qui correspond à une atteinte des autres fibres. La neuropathie touchant les pertes de sensibilité superficielle et profonde est celle qui fait le lit des lésions cutanées plantaires et du mal perforant. La neuropathie qui touche les petites fibres est celle qui engendre les douleurs et altère la qualité de vie. Il importe bien sûr que ces deux types de neuropathies ne soient pas confondus. Dans l’esprit du médecin on doit donc opposer les polynévrites diabétiques qui se caractérisent par une perte bilatérale et symétrique du sens vibratoire du diapason et de la sensibilité superficielle testée par le neurofilament. C’est cette perte de sensibilité qui va conduire au mal perforant plantaire. Ne pas confondre douleur neuropathique et douleur artérielle De l’autre côté, il faut avoir une analyse sémiologique de l’ensemble des éléments devant conduire à un diagnostic de neuropathie douloureuse. Il s’agit de l’allodynie qui est le symptôme le plus souvent retrouvé, caractérisé par une douleur déclenchée par le contact avec les vêtements, ou mieux avec le drap la nuit. Il s’agit d’une hyperesthésie douloureuse pouvant être décrite sous forme de décharge électrique, sous forme de brûlure. La douleur engendrée par le contact avec le drap la nuit impose au patient de mettre ses jambes hors du drap, ce qui est parfois confondu avec le syndrome des jambes pendantes de l’artérite ; de la même manière la douleur à la marche peut être déclenchée par le frottement des vêtements, ce qui peut être confondu avec la notion de périmètre de marche ; en fait, il s’agit d’une notion totalement différente qui doit relever d’une analyse sémiologique, d’interrogatoire précis. Il y a, en effet, à ce niveau-là, un risque : confondre une douleur neuropathique avec une douleur artérielle. Si le diagnostic de douleur artérielle est évoqué, un Doppler sera demandé, lequel risque de trouver des petites lésions, sous forme de surcharge athéromateuse diffuse. Il ne faudrait pas attribuer ces douleurs à une surcharge athéromateuse diffuse, et il ne faudrait pas non plus induire un trouble dans l’esprit du patient à qui on aurait demandé un Doppler qui montrerait des lésions et pour lequel nous dirions ensuite que ces lésions ne sont pas en cause dans sa pathologie douloureuse. Il y a donc à ce niveau-là un effort médical d’une réflexion sémiologique importante avant toute demande d’examen complémentaire. Pour aider à cette réflexion sémiologique le test d’interrogatoire DN4 (Douleurs neuropathiques en 4 questions) a été mis au point (tableau). Ce test permet de manière simple d’arriver à un diagnostic de probabilité de douleur neuropathique si le score est ≥ 4/10, avec une sensibilité de 83 % et une spécificité de 90 %. Une fois le diagnostic de douleur neuropathique posé, le diabète est la cause la plus probable mais n’est pas la cause unique. Il faut savoir penser aux autres causes de mononévrite, aux atteintes radiculaires, au canal lombaire étroit, au syndrome canalaire et au syndrome des jambes sans repos. Quelles possibilités thérapeutiques ? Une fois le diagnostic établi avec certitude, les propositions thérapeutiques sont actuellement relativement claires : Les analgésiques de niveau 1 (paracétamol, salicylés, anti-inflammatoires non stéroïdiens) sont quasiment inefficaces voire très peu efficaces. Les tricycliques antidépresseurs ont un effet analgésique indépendant de leur effet antidépresseur. L’efficacité des produits comme l’amitriptyline, l’imipramine, le clomipramine a été démontrée dans des études contre placebo. Ces produits ont cependant des effets secondaires. Pour les minimiser, il est proposé d’avoir une posologie faible au départ et prescrite le soir ; à titre d’exemple, 10 mg pour l’amitriptyline, en augmentant de 10 mg tous les 7 jours pour essayer d’atteindre une dose efficace. Les effets secondaires majeurs sont : l’effet sédatif et les effets anticholinergiques. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la norépinéphrine. Il s’agit essentiellement de la duloxétine qui a fait preuve de son efficacité dans les différents essais ; parmi les effets secondaires, à noter une amélioration des troubles du sommeil. La dose efficace thérapeutique est généralement de 60 mg. Des doses plus élevées peuvent être efficaces mais avec une augmentation des effets secondaires. Le début de la thérapeutique par une titration plus faible, à 30 mg, peut réduire les effets secondaires. À noter, des hépatites sévères ont été rapportées avec ces médicaments. Dans la même catégorie, la venlafaxine a aussi été rapportée comme efficace, en débutant à une posologie de 37,5 mg/j, augmentée progressivement jusqu’à des doses de 150 à 225 mg. Les anticonvulsivants Il s’agit des dérivés de la gabapentine, qui, malgré leur nom, n’ont pas une action directe sur le système gabaergique. Les concentrations plasmatiques ne sont pas directement liées aux posologies données du fait d’une absorption digestive saturable. Cela explique pourquoi il est souvent recommandé de donner ces médicaments en 3 à 4 prises par jour, pour obtenir un taux plasmatique suffisant et constant. - La gabapentine est faiblement métabolisée et éliminée par voie rénale, ce qui justifie une adaptation thérapeutique en cas d’insuffisance rénale. Il est recommandé de démarrer à des doses de 300 mg avec une augmentation régulière tous les 7 jours, pour atteindre des posologies efficaces de 1 200 à 3 600 mg. - La prégabaline, d’apparition plus récente, est elle aussi efficace à des doses de 300 à 600 mg éventuellement. Ces médications ont aussi un effet sur l’anxiété et les troubles du sommeil. - La carbamazépine a en France l’indication pour les douleurs neuropathiques ; il faut cependant noter que cette médication induit de nombreux effets secondaires dose-dépendants incluant les problèmes d’hépatite, de rash cutané, de syndrome de Steven Johnson et de complications hématologiques sous forme d’agranulocytose. Il semble donc que cette médication doive être utilisée avec beaucoup de précautions. Le clonazépam, largement utilisé en France, n’a en fait aucun effet thérapeutique de qualité pour pouvoir lui attribuer un effet réel et il est hautement probable que les effets rapportés soient davantage des effets hypnotiques ou anxiolytiques plutôt que des effets antalgiques réels. Le clonazépam est une benzodiazépine, ce qui implique donc un risque de dépendance. Les opioïdes ne trouvent leur indication que chez les patients en échec d’une prise en charge conventionnelle. Le tramadol, qui possède des propriétés agonistes au niveau des récepteurs, inhibe aussi la recapture des monoamines. Son efficacité a été prouvée sur les allodynies pour des posologies de 200 à 400 mg. Comment choisir le traitement et qu’en attendre ? La comparaison des différents traitements dans des essais comparatifs, a montré des niveaux d’effets assez proches les uns des autres. Les symptômes accompagnant la douleur neuropathique permettent donc de présider au premier choix initial, en fonction de l’altération du sommeil ou de l’anxiété. À noter par ailleurs, que leur association peut exercer des effets additifs. Par ailleurs, il importe d’informer le patient que la disparition totale de la douleur n’est pas l’effet attendu, que ces médicaments agissent au long cours, et qu’une diminution de 30 % de la douleur est déjà considérée comme un effet médicamenteux. Le patient doit dont être prévenu que l’objectif thérapeutique est d’atténuer sa sensation douloureuse mais pas de la faire disparaître immédiatement. Ce n’est que pour les améliorations inférieures à 30 % qu’il faut changer de classe thérapeutique. Les comorbidités sont donc l’élément initial décisionnel pour le choix de première intention. Enfin, ces médicaments exercent leurs effets au long cours et non au coup par coup comme pour n’importe quel antalgique de consommation courante.

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