Congrès
Publié le 31 mai 2012Lecture 5 min
Impact cardiovasculaire des anciens antidiabétiques
M. DEKER, Paris et P. MOULIN, Lyon
Cœur et diabète
Il ne faut pas s’attendre à pouvoir mettre en évidence des bénéfices cardiovasculaires d’une grande amplitude grâce à la normalisation de la glycémie chez les diabétiques de type 2, si l’on considère que le risque macrovasculaire est multiplié par 2 seulement pour une variation de 6 à 11 % de l’HbA1c. Le gisement de bénéfice est bien moindre que pour les complications microvasculaires. Certaines données sur des critères combinés, issues des études d’intensification du traitement, laissent cependant espérer un bénéfice qui peut a contrario se muer en effet délétère comme dans l’étude ACCORD.
Il faut remonter à l’étude UGDP(1) pour trouver l’origine de la controverse sur les risques cardiovasculaires des antidiabétiques oraux (ADO). Le tolbutamide avait été associé à un risque cardiovasculaire doublé comparativement au placebo ou à l’utilisation de l’insuline. Depuis sa publication, cette étude a été largement critiquée en raison d’un déséquilibre des facteurs de risque au détriment du groupe tolbutamide, si bien qu’après réajustement, le surrisque du tolbutamide pourrait ne pas être aussi important.
Les signaux de risque cardiovasculaire sont analysés par les pharmacologues à partir des données des registres ; les différences entre groupes peuvent toutefois traduire non pas un risque lié à la thérapeutique mais le risque de populations présentant une maladie plus sévère.
De nouvelles recommandations sur l’utilisation des traitements antidiabétiques dans le syndrome coronaire aigu (SCA) ont été émises par un groupe d’experts SFD/SFC sur la base des études publiées(2).
Glitazones
Nous disposons de métaanalyses qui montrent une tendance à une augmentation du risque liée à l’utilisation de la rosiglitazone, qui augmentait le LDL-C de 15 à 25 %, alors que l’emploi de la pioglitazone, dénuée d’effet sur le LDL-C, était plutôt associé à une diminution du risque cardiovasculaire.
Acarbose
Quelques données expérimentales sur des modèles animaux montrent que l’acarbose s’accompagne d’une diminution de la taille de l’infarctus chez les animaux traités. Une petite étude chez 30 diabétiques ayant évalué la fonction endothéliale montre que la prise d’acarbose entraîne une amélioration significative de la dysfonction endothéliale en postprandial, comparativement aux témoins et à la prise de natéglinide (p < 0,00001 et p < 0,05, respectivement)(3). La principale étude à l’appui des bénéfices potentiels de l’acarbose est l’étude STOP-DNID(4) qui a constaté, chez des patients ayant une intolérance au glucose, une tendance à un moindre risque cardiovasculaire comparativement au placebo. Une métaanalyse des essais de l’acarbose suggère une diminution du risque cardiovasculaire chez les patients diabétiques ou intolérants au glucose, comparativement au placebo(5).
Le groupe de travail SFD/SFC a conclu à une absence de contre-indication manifeste à l’utilisation de l’acarbose chez un patient insuffisant coronarien dans les suites d’un syndrome coronaire aigu (SCA).
Metformine
Des effets potentiellement bénéfiques sur des critères intermédiaires de risque cardiovasculaire ont été mis en évidence : inhibition de la peroxydation, effets antiagrégants et anti-inflammatoires. Des études expérimentales chez l’animal ont aussi été réalisées, en particulier dans l’insuffisance cardiaque expérimentale montrant une amélioration chez des chiens prétraités par la metformine(6).
Dans le plus important des registres, REACH, sur près de 20 000 sujets en prévention secondaire, les patients traités par la metformine, y compris ceux ayant une insuffisance cardiaque, ont une mortalité cardiovasculaire moins élevée(7). Deux autres registres dans l’insuffisance cardiaque montrent que les malades traités par metformine ont moins de réhospitalisations et de poussées d’insuffisance cardiaque(8,9).
L’étude UKPDS 18 a montré, sur un sous-groupe de 320 diabétiques de type 2 obèses, que la prescription de metformine en monothérapie de première intention s’accompagnait d’un moindre risque de morbi-mortalité cardiovasculaire. Une métaanalyse incluant cette étude a cependant conclu à l’absence de preuve formelle d’un effet significatif de la metformine en prévention cardiovasculaire comme de preuve d’un effet délétère.
Les conclusions du groupe de travail SFD/SFC sont de suspendre la metformine à la phase aiguë d’un SCA. En revanche, il n’y a pas de contre-indication à une restauration ou à une introduction de la metformine dans les suites d’un SCA, chez un coronarien équilibré en l’absence d’insuffisance rénale évoluée.
Sulfamides
La présomption d’un effet délétère des sulfamides est liée à leur effet de fermeture des canaux potassiques KATP. Une des molécules potentiellement les plus impliquées dans le risque car elle se lie plus particulièrement aux canaux myocytaires, le glibenclamide, est paradoxalement celle qui induit le moins de troubles du rythme lors des manœuvres d’ischémie expérimentales. Il faut prendre en compte la variabilité de la sélectivité des différents sulfamides pour les canaux pancréatiques et myocardiques.
Outre ces données pharmacologiques, des données cliniques ont fourni matière à susciter la crainte d’effets potentiellement délétères des sulfamides. Il en est ainsi d’un registre des unités de soins intensifs aux États-Unis dans lequel l’utilisation des sulfonylurées est associée à un risque de morbi-mortalité cardiovasculaire 1,5 fois supérieur(10). En revanche, une compilation de registres cas-témoins montre dans 2 registres une association des sulfonylurées à un sur-risque, dans 2 autres leur neutralité, et dans le dernier une diminution du risque.
Dans les études observationnelles, la bithérapie sulfamide + metformine est associée à un surrisque de mortalité cardiovasculaire, comparativement à l’un ou l’autre de ces traitements en monothérapie, résultat à analyser en fonction d’un probable biais de progression de la maladie.
Toutes ces données doivent être pondérées au regard de nombreux résultats rassurants, notamment les données de registres de PMSI aux États-Unis sur de très grands effectifs : en situation de prévention primaire, il n’y a pas de différence entre les différents sulfamides ; c’est seulement en prévention secondaire que le glyburide et le glipizide semblent s’accompagner chez les diabétiques coronariens d’un surcroît de mortalité comparativement au glimépiride(11). En France, un registre 2005 des données des unités de soins intensifs a montré que l’utilisation des sulfamides est associée à un moindre taux de complications durant l’hospitalisation(12). Une analyse en sous-groupes montre que l’utilisation du glibenclamide serait associée à un surcroît de complications, comparativement aux sulfamides plus récents. Ces données sont confirmées par l’analyse de trois registres récents.
Les métaanalyses des études cliniques d’intervention réalisées avant l’essai ADVANCE sont en faveur d’une tendance à la non-aggravation du risque cardiovasculaire chez les malades traités par sulfamides. La seule étude de grande ampleur disponible est l’étude ADVANCE qui conclut à l’absence d’effet bénéfique ou délétère de l’intensification thérapeutique basée sur l’utilisation du gliclazide sur les événements cardiovasculaires majeurs(13).
Le groupe d’experts SFD/SFC a conclu que les sulfamides doivent être interrompus pendant un SCA, du fait de la fermeture des canaux potassiques et du risque hypoglycémique. Après un SCA, il est préférable d’éviter les sulfamides de 1re génération et le glibenclamide, et de prescrire le glimépiride ou le gliclazide.
Glinides
Les données cliniques sont très limitées. Un essai ayant évalué la progression de l’épaisseur intima-média montre une très légère amélioration sous natéglinide comparativement au glyburide. Par ailleurs, l’essai NAVIGATOR chez les malades prédiabétiques n’a pas montré de surcroit de risque de morbi-mortalité cardiovasculaire(14).
Le groupe d’experts a conclu que les glinides ne sont pas contre-indiqués en post-SCA.
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