30 ans de Cardiologie
Publié le 03 mar 2020Lecture 4 min
Troponine hypersensible : 10 ans d’une révolution en cardiologie
G. LAMBERT, Paris
La troponine hypersensible a permis un diagnostic plus rapide et une prise en charge améliorée des patients présentant un SCA, mais elle contribue aussi à l’identification et au dépistage des situations à risque.
Dès l’ouverture de sa communication, Christophe Meune (Hôpital Avicenne, Bobigny) a affirmé que les troponines Hs sont l’aboutissement d’une révolution en cardiologie. La critique souvent adressée à ce biomarqueur est l’existence d’une zone grise, qu’il ne faut cependant pas voir comme un inconvénient, mais comme l’opportunité d’orienter le diagnostic au-delà de l’infarctus du myocarde (IDM), vers d’autres cardiopathies. De plus, la troponine T hypersensible (TnT Hs) est un outil intéressant, avec les peptides natriurétiques, de dépistage de la maladie coronaire chez des patients à risque tels que les diabétiques, évitant ainsi la réalisation d’examens inutiles.
Intérêt des concentrations très faibles de TnT Hs
Avant la survenue d’un IDM, il est établi que plus de la moitié des patients ont présenté un épisode ischémique d’une moindre intensité dans les jours ou les semaines précédentes. En cas de consultation à ce moment, le taux de troponine libéré dans la circulation est faible et il ne sera pas systématiquement détecté avec une valeur seuil au 99e percentile (figure). D’où l’intérêt d’utiliser des concentrations très faibles comme outil de détection et d’alerte avant la survenue d’événements ischémiques graves. On ne peut plus interpréter aujourd’hui le résultat d’un dosage de troponine en termes de positif ou négatif. La valeur obtenue doit être analysée en sachant que plus elle est élevée et plus le risque d’IDM est important. À l’inverse, plus elle est basse et plus la probabilité d’un épisode coronarien aigu diminue.
Parmi les patients se présentant aux urgences avec une douleur thoracique, plus d’un tiers d’entre eux présentent des taux très faibles de TnT Hs à l’arrivée(1). La valeur prédictive négative (VPN) de ces très faibles concentrations au regard du diagnostic d’IDM est de 100 %, avec une mortalité nulle à un mois de suivi et de 1 % à 1 an, ce qui équivaut à la mortalité dans une population saine. Ces valeurs confortent l’algorithme d’exclusion du diagnostic H0-H1 proposé dans les recommandations européennes(2). Ce gain en sensibilité permet d’obtenir une VPN de 100 %, mais il s’accompagne nécessairement d’une perte de spécificité. Celle-ci est compensée par la répétition du dosage à H1 qui permet d’obtenir une valeur prédictive positive (VPP) de 70,2 %, justifiant alors l’orientation dans une filière cardiologique. Cependant, chez un tiers des patients, il n’est pas possible de conclure avec cette procédure accélérée.
Choix de l’algorithme
Au cours de ces dernières années, de nombreux autres algorithmes de diagnostic ont été proposés. Dès lors, lequel utiliser ? Une étude récente(3) a comparé les performances de 14 algorithmes d’exclusion très variés : un ou deux marqueurs (avec la copeptine), limite de détection, 99e percentile ou autre seuil, protocole rapide ou en 3 heures, etc. Il ressort de ce travail que tous ces algorithmes donnent d’excellents résultats, sauf lorsqu’on a recours à deux biomarqueurs. De même, le protocole anglais NICE qui définit sa stratégie en intégrant une dimension économique, ne donne pas de bons résultats. Du point de vue de l’efficacité, ce sont les algorithmes en 1 heure et en 2 heures qui ont les meilleures performances.
Une étude de registre suédoise(4) a comparé les caractéristiques de 36 000 patients hospitalisés pour un SCA avant et après l’implémentation des troponines hypersensibles. Il apparaît que le recours à ce biomarqueur n’a pas augmenté le nombre de coronarographies normales, il l’a même diminué de façon significative. Le nombre d’IDM diagnostiqués a augmenté tout comme les insuffisances cardiaques, ce qui est un reflet de l’épidémiologie actuelle. En revanche moins de patients hospitalisés avec une douleur thoracique présentaient des maladies non cardiovasculaires. En pratique, l’utilisation des troponines Hs permet donc une meilleure sélection des patients orientés vers un service de cardiologie.
Par ailleurs, l’accroissement de la sensibilité n’a pas diminué la valeur pronostique du dosage de troponine.
Une occasion de diagnostiquer d’autres cardiopathies
Une étude(5) a analysé le pronostic des patients se présentant aux urgences et ayant une élévation faible et stable de la TnT Hs. Dans les 2 mois qui ont suivi la sortie de ces patients, un seul décès a été observée, celui d’une patiente en soins palliatifs présentant une fibrillation atriale. En revanche à plus long terme, le pronostic de ces patients est beaucoup plus sombre. Ces malades ne présentent donc pas un SCA qui nécessite une hospitalisation en urgence, mais ils doivent être revus en consultation car ils sont porteurs de cardiopathies nécessitant une prise en charge adaptée.
Pour le dépistage des populations à risque comme les diabétiques, une troponine Hs < 14 ng/l et/ou un NT-proBNP < 125 pg/ml indique que ce risque n’est pas augmenté et qu’il n’est pas nécessaire de programmer d’autres examens à visée cardiologique.
Conclusion
La TnTHs permet de détecter plus d’IDM avec une très bonne VPN. Le dosage permet également une stratification du risque et une amélioration du pronostic de ces patients. La VPP > 70 % est une performance qui n’avait encore jamais été atteinte jusqu’alors et aboutit à une réduction du nombre des coronarographies inutiles.
D'après la communication de Christophe Meune (Bobigny) dans le cadre de la journée "30 ans d'innovation en cardiologie", organisée par Roche Diagnostics France
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