Nutrition
Publié le 31 oct 2008Lecture 6 min
Le sel chez le diabétique - Quel impact sur les maladies cardiovasculaires ?
B. BOUHANICK, S. BOUSQUEL, A. TONNELE, M. BERRY, B. CHAMONTIN, Service d’HTA et de Médecine interne, CHU Rangueil, Toulouse
Qui dit diabète dit régime diabétique, plutôt évocateur d’une réduction des apports caloriques, peut-être de certains glucides et souvent des lipides. Alors, pourquoi compliquer la donne en modifiant de surcroît les apports sodés ? Comment faire en pratique clinique quotidienne ? Si le patient du cardiologue, du néphrologue, du diabétologue ou du médecin généraliste est bien souvent le même à quelques nuances près, l’approche diététique peut notoirement diverger en fonction des croyances et des réalités de chacun, le néphrologue s’attachant, par exemple, à limiter les apports en potassium, le cardiologue axant ses conseils sur l’arrêt du tabac et la limitation des apports sodés, l’endocrinologue centrant son discours sur le régime diabétique. Le médecin généraliste, quant à lui, doit prôner le tout à la fois, message guère aisé à faire passer, tant pour le médecin que pour le patient.
Mais y a-t-il un rationnel derrière tout cela ?
Le sel
Un rapport très complet de l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) publié en 2002 faisait le point. Ainsi, le sel de table ou sel alimentaire est en quasi-totalité constitué de chlorure de sodium. Il contient également, en faible proportion, des oligoéléments comme le fluor ou l’iode. Il est utilisé depuis des millénaires.
Au Moyen Âge, il servait à augmenter la conservation des aliments et à limiter la multiplication des micro-organismes mais aussi à soigner diverses blessures. Au xixe siècle, d’autres procédés sont utilisés et remplacent le salage pour conserver les aliments et c’est durant la deuxième moitié du XXe siècle que le sel devient largement utilisé par l’industrie agroalimentaire. Le sodium est nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme et une consommation quotidienne d’au moins 2 g de sel est indispensable.
Le sel est d’origine marine (obtenu par évaporation d’eau de mer) ou fossile (présent dans le sol sous la forme de gisements : il est alors dit « gemme »). Il n’y a pas de différence entre le sel marin et le sel gemme lorsqu’ils sont purs, mais ils ne le sont que rarement. Le sel marin s’accompagne de chlorures de potassium et de magnésium, de sulfates de calcium et de magnésium et d’iode. Le sel gemme est un mélange de chlorure de sodium et de sulfate double de sodium et de calcium.
La consommation moyenne de sel chez les Français est estimée entre 9 à 10 g/j. Les femmes consommeraient un peu moins de sel que les hommes mais l’apport devient comparable quand il est rapporté à la masse corporelle. Il n’y a en revanche que peu de différence en fonction de l’âge après 25 ans ou de la région ; 8 à 10 % des gens consommeraient plus de 12 g/j : ils sont appelés les gros consommateurs de sel.
Le sel naturellement présent dans les aliments ou les boissons représente environ 20 % des apports totaux, le sel ajouté à la cuisson et aux plats représente 10 à 20 % des apports quotidiens (soit 1 à 2 g/j) tandis que 70 % du sel consommé est dû aux aliments manufacturés. L’apport en sel est directement corrélé à la prise énergétique totale. D’après l’enquête Inca, les produits les plus contributeurs sont le pain et les biscottes (qui apportent 25 % du sel), la charcuterie (13 %), les soupes (10 %), les fromages (9 %), les plats cuisinés, quiches, pizzas et sandwiches (16 %), puis viennent les condiments et sauces ainsi que les pâtisseries. Les 10 % plus gros consommateurs de sel ont les mêmes postes de consommation qui représentent 80 % des apports sodés totaux.
Le sel et les maladies cardiovasculaires
Aussi surprenant que cela puisse paraître, différents spécialistes s’opposent depuis fort longtemps sur la nécessité ou non d’une réduction de l’apport alimentaire en sel et des points de vue radicalement opposés s’expriment. Les implications financières d’une modification de la quantité de sel des aliments sont, en effet, majeures pour l’industrie et l’économie de la santé. Toutefois, la plupart des agences de santé suivent les recommandations allant dans le sens d’une réduction des apports sodés, les points de vue opposés restant minoritaires.
Il faut admettre que le taux de sel optimal dans la population générale, s’il y en a un, n’est pas connu. Toutefois, depuis 10 ans, de très nombreuses études, essentiellement épidémiologiques, ont établi un lien direct entre la quantité de sel et la santé.
Sel et pression artérielle
De nombreux travaux ont montré qu’une réduction de l’apport sodé jusqu’à ± 100 mmol/j réduit la PAS de 5 à 7 mmHg et la PAD de 1 à 4 mmHg chez l’hypertendu. Elle peut faciliter le contrôle tensionnel d’un hypertendu et contribuer à la diminution d’un traitement antihypertenseur. Les réponses interindividuelles, tributaires d’influences environnementales, comportementales et génétiques, varient cependant avec parfois une tendance à un épuisement de l’effet. Néanmoins, en dépit de réponses hétérogènes, une réduction des apports sodés à l’échelon d’une population permet de diminuer les pressions artérielles de façon dose-dépendante, chez l’hypertendu (étude DASH) comme chez le « pré-hypertendu ».
La baisse des apports sodés est efficace chez le diabétique et chez le sujet noir en raison de la faible activation du système rénine angiotensine chez eux et potentialise l’efficacité des antihypertenseurs comme les diurétiques, les IEC ou les sartans.
À noter que l’apport en potassium pourrait réduire la PA de façon modérée même si cet élément n’est pas confirmé par tous les essais.
Le groupe de travail « Sel : valeur repère », présidé par J. Ménard, conclut « qu’une diminution d’au moins 50 mmol de sel par jour s’accompagne d’une baisse des PA susceptible de diminuer l’incidence des accidents vasculaires cérébraux (AVC ; 30 à 40 % de réduction de risque pour une baisse de 5 à 10 mmHg de PAS ou PAD) et des accidents coronaires (20 % de réduction de risque pour les mêmes baisses de pression) ».
Apports sodés et événements cardiovasculaires
Au début des années 1990, étonnamment une seule étude associant les apports sodés aux événements cardiovasculaires était publiée, étude internationale japonaise qui n’a d’ailleurs pas retrouvé d’association entre les deux.
Depuis, plusieurs études d’observation ont été publiées, certaines d’entre elles montrant une association entre apports élevés de sel et AVC. Dans des populations très consommatrices de sel, une relation causale continue, indépendante et directe, entre apport sodé et événements cardiovasculaires est démontrée. Mais la relation entre apports sodés (dont l’évaluation reste difficile) et augmentation du risque d’événements cardiovasculaires, AVC ou atteinte coronaire peut, certes, être directe, mais aussi absente voire inversée.
Plusieurs raisons sont évoquées pour tenter d’expliquer ces apparentes discordances : difficulté à estimer avec précision les apports sodés, populations d’âges et de poids différents, quantités de sel différentes, problèmes d’ordre méthodologique dans la mesure où il ne s’agit pas d’essais randomisés. Par exemple, dès lors que les apports sodés n’excédent pas 3 g/j, les résultats sont contrastés avec soit une absence de relation avec la survenue des événements cardiovasculaires, soit une relation directe entre apports sodés et événements, soit même une relation inverse, ce qui fait dire à certains que la relation entre les apports sodés et le risque cardiovasculaire n’est pas linéaire mais adopte plutôt une courbe en J.
Il est important de relever qu’aucune de ces études n’a évalué l’impact d’une modification des apports sodés sur la survenue des événements cardiovasculaires. En avril 2007, le suivi observationnel des patients issus des études TOHP I et II, études randomisées regroupant 744 et 2 382 adultes « préhypertendus » soumis à une réduction des apports sodés de 25 à 35 % a montré qu’outre la baisse des PA, on assiste à une réduction de la survenue des événements cardiovasculaires de 30 % (RR = 0,70 ; 0,53-0,94) après ajustement sur les facteurs confondants durant les 10 à 15 années de suivi.
Conclusion
Ainsi et pour simplifier à l’extrême, la concordance des résultats entre morbimortalité cardiovasculaire et les apports sodés excessifs (le cas de populations occidentales ou asiatiques) au travers d’études épidémiologiques soutiennent l’hypothèse qu’une intervention diététique soit susceptible de réduire la survenue de ces événements. Il n’en serait toutefois peut-être pas de même dans les populations très peu consommatrices de sel…
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