Publié le 30 nov 2006Lecture 6 min
Comment déterminer une microalbuminurie : sur un échantillon plutôt que sur les urines de 24 h ?
R. ROUSSEL, Hôpital Bichat, Paris
Que représente l’albuminurie ?
Cher confrère,
Un de mes patients diabétiques de type 2 me pose problème pour ses bilans annuels : s’il fait bien les prises de sang, et presque régulièrement le fond d’œil, je n’ai jamais pu avoir un recueil correct des urines pour déterminer sa microalbuminurie. Faut-il se contenter d’un échantillon et de la concentration de l’albumine ? Alors à quel moment de la journée faut-il prélever l’échantillon sur les urines du matin ou celles recueillies au laboratoire ? Quelle valeur a ce dosage, dans la mesure où il n’est pas diabétique depuis longtemps ?
Que représente l’albuminurie ?
Environ 1 000 mg d’albumine (protéine d’environ 67 kDa) sont filtrés chaque jour chez un sujet adulte sain, après avoir franchi le filtre glomérulaire, composé de trois tuniques : l’endothélium, la membrane basale glomérulaire et les cellules épithéliales, les podocytes. Environ 98 % de cette quantité est réabsorbée par le tubule. C’est donc normalement moins de 30 mg/24 h d’albumine qui sont excrétés. Si ce chiffre est dépassé, on parle de microalbuminurie (jusqu’à 300 mg/24 h, au-delà il s’agit de macroalbuminurie ou de protéinurie). Cette microalbuminurie traduit presque systématiquement une souffrance du filtre glomérulaire, qui peut être fonctionnelle (élévation de la pression intraglomérulaire) ou déjà s’accompagner de lésions histologiques (épaississement le la membrane basale, prolifération des cellules mésangiales et accumulation de la matrice extracellulaire).
Recueil des urines sur 24 heures ou non ?
Il s’agit de la méthode de référence, à partir de laquelle ont été conduits les grands essais thérapeutiques démontrant le bénéfice sur le pronostic des atteintes rénales diabétiques des contrôles glycémiques et tensionnels, en particulier par les IEC. Cependant, deux inconvénients majeurs apparaissent : ce recueil est contraignant et quasiment impossible à réaliser correctement les jours travaillés, et surtout il est mal réalisé par défaut ou par excès, les sujets y intégrant souvent les urines du matin du début et de la fin du recueil, ou oubliant l’une ou l’autre des mictions de la journée. Un recueil sur une plus courte période ne présente pas ces inconvénients.
Recueil minuté ?
En recueillant une seule miction, et en ayant mesuré le temps écoulé depuis la dernière miction (complète), on simplifie la procédure. L’albuminurie est alors exprimée en µg/min, et le seuil est de 20 µg/min (jusqu’à 200 µg/min ; au-delà, il s’agit d’une macroalbuminurie). Un inconvénient persiste : la précision dépend de l’aptitude du patient à mesurer le délai écoulé rigoureusement.
Échantillon ? Mais à quelle heure ?
La détermination de l’albuminurie (simplement de sa concentration ici) sur un échantillon a le mérite de la simplicité. Si, en moyenne sur une population, cette mesure est très bien corrélée à l’albuminurie des 24 h (le seuil est fixé à 20 mg/l), individuellement, la précision est mauvaise en raison de la dilution très variable en fonction de l’eau ingérée dans les heures précédentes. Cela est moins vrai si on se restreint aux urines du lever, plus concentrées chez tout le monde. Dans ce cas, la reproductibilité chez un même individu est meilleure, mais la variabilité à travers la population reste élevée.
Échantillon du matin, avec mesure du rapport albuminurie/créatininurie
Il est courant de rapporter les différents composés urinaires à la créatininurie, afin de minimiser la variabilité des mesures liées à la dilution imprévisible des urines. Cela est souvent réalisé pour la calciurie par exemple. La quantité de créatinine excrétée par un individu varie peu d’un jour sur l’autre, car elle est proportionnelle à sa masse musculaire. Cette correction améliore la précision du dosage d’albumine dans les urines. Le mieux est de pratiquer le dosage sur les urines du matin. Le seuil de la microalbuminurie est alors de 20 mg/mmol (mg d’albumine/mmol de créatinine) ; le seuil de la macroalbuminurie est de 200 mg/mmol (tableau 1).
Quelles précautions sont à prendre ?
L’excrétion urinaire d’albumine chez un même individu est assez variable d’un jour sur l’autre (de 25 à 50 %).
Les facteurs qui peuvent l’augmenter sont l’orthostatisme prolongé, l’activité physique, le tabagisme, la variation de la pression artérielle (notamment son rythme nycthéméral). Ces facteurs sont difficilement contrôlables dans le contexte d’un test de dépistage, largement prescrit.
En revanche, il convient de garder à l’esprit que certaines situations pathologiques peuvent être également associées à une élévation anormale, et potentiellement transitoire, de l’albuminurie : il s’agit de la fièvre, de la poussée d’insuffisance cardiaque, de l’hyperglycémie marquée, de l’infection urinaire (tableau 2).
Quoiqu’il en soit, il est de bonne pratique de confirmer sur un deuxième prélèvement, à quelques semaines du premier, que l’albuminurie est supérieure à la normale. Autrement dit, une mesure normale est suffisante, une mesure anormale doit être confirmée.
Comment l’interpréter ?
La réponse doit être nuancée selon le type et l’ancienneté du diabète.
Si le diabète, quel que soit son type, est ancien et surtout s’il est chroniquement mal équilibré (hyperglycémie marquée depuis plus de 10 à 15 ans, souvent révélée indirectement par une rétinopathie diabétique), le point commun est que la présence d’une microalbuminurie affirme un très fort risque d’évolution en quelques années vers la néphropathie diabétique avec protéinurie et ultérieurement vers l’insuffisance rénale. La conséquence d’une microalbuminurie confirmée est alors d’enclencher une stratégie thérapeutique de prévention de la progression vers des stades plus sévères. Les objectifs thérapeutiques sont une amélioration durable de la glycémie (HbA1c < 7 %, voire 6,5 %), de la pression artérielle (objectif 130/85 mmHg), en privilégiant les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, souvent rapidement combinés à un thiazidique, et en préconisant l’arrêt du tabagisme, s’il y a lieu.
Dans le diabète de type 2, une microalbuminurie est très fréquemment mise en évidence au diagnostic du diabète, ou précocement au cours du suivi, alors même qu’il n’y a pas de rétinopathie, suggérant que le déséquilibre glycémique n’a pas été majeur les années qui précédaient. La microalbuminurie est alors un stigmate de dysfonction endothéliale, c’est-à-dire de souffrance vasculaire diffuse, présente dans le glomérule (d’où l’albumine dans les urines) mais aussi dans tous les autres territoires vasculaires. Dans ces conditions, il faut la considérer comme un facteur de risque cardiovasculaire à part entière, conférant au sujet diabétique de type 2 microalbuminurique un risque vasculaire élevé, qui doit faire l’objet d’une réduction de tous ses facteurs de risque : pression artérielle et dyslipidémie avant tout (IEC ou sartan en premier lieu, thiazidique quasi-systématiquement associé, statine et aspirine également quasi systématiques), mais aussi bien sûr tabac, hyperglycémie, activité physique, contrôle pondéral, etc.
Les recommandations officielles (ANAES 2000)
Il convient de pratiquer une fois par an chez le diabétique de type 2, la recherche d’une protéinurie par la bandelette urinaire standard.
Ce test a aussi pour but de rechercher une hématurie et/ou une infection urinaire qui demandent des explorations spécifiques et qui peuvent fausser l’interprétation de l’albuminurie.
Il convient de mesurer une fois par an la microalbuminurie, si le test par la bandelette urinaire standard est négatif.
Cette mesure de la microalbuminurie peut se faire sur un échantillon urinaire au hasard (exprimé en rapport de concentration albumine/créatinine) ou sur les urines de la nuit et/ou des 24 h. Le résultat sera considéré comme pathologique s’il est confirmé à deux reprises (un dépistage, deux confirmations).
Une microalbuminurie et/ou une protéinurie confirmées devront être quantifiées sur les urines des 24 h.
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