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Obésité

Publié le 24 fév 2023Lecture 8 min

Rémission du diabète de type 2 après chirurgie de l’obésité

Patrick RITZ, Hélène HANAIRE, CHU et CIO de Toulouse

La chirurgie de l’obésité s’est avérée une révolution dans la prise en charge des personnes atteintes de diabète de type 2 (DT2). Aujourd’hui, il y a des preuves fortes de l’efficacité de cette stratégie thérapeutique. Dans une métaanalyse au sujet de la survie à long terme des patients traités par chirurgie, sur plus de 170 000 personnes diabétiques ou non, le hazard ratio de décès est réduit de 49,2 % et l’espérance de vie est augmentée de 6,1 années par rapport aux personnes non opérées. Chez les personnes atteintes de DT2, le ratio est réduit de 59 %, et l’espérance de vie est augmentée de 9,3 années. Il suffit d’opérer 8,4 personnes diabétiques pour prévenir un décès(1). Dans l’essai randomisé de Mingrone, à 10 ans de la chirurgie, le taux de rémission est de 37,5 %, mais 93 % des complications chroniques du DT2 ont été évitées(2).

Cet article fait la synthèse au sujet de la rémission du diabète. Nous parlerons peu de l’intensité de l’effet métabolique (A1c), ou de l’effet sur les complications du diabète.   Point de la situation en 2020-2021   Une métaanalyse initiale concernait 17 études, dont un essai randomisé, et 7 110 patients(3). Le pourcentage de rémission du DT2 sur une durée moyenne de 5 ans de suivi était de 63 % (0,55- 0,72). Le taux de récidive était de 30 % après cette rémission (0,26-0,34). Les critères de rémission sont très variables d’une étude à l’autre ; ils font l’objet d’une discussion (voir chapitre ci-dessous). Dans cette métaanalyse, quel que soit le critère de rémission, le pourcentage de récidive restait le même. Nous avions publié dans le même temps les pourcentages de rémission et de récidive dans deux cohortes françaises (système national des données de santé) ; entre 4 et 10 ans de suivi, 50 % des personnes opérées entraient en rémission et 12 à 20 % récidivaient leur diabète(4). Notons que dans une étude de registre sur plus de 11 000 patients les deux tiers arrêtent l’insuline au bout de 1 an(5).   Que sait-on de plus aujourd’hui des facteurs de rémission ?   De nombreuses publications concernent les facteurs de rémission, favorables ou défavorables.   Effet du type de chirurgie Sans ambiguïté, la diversion biliopancréatique est plus efficace que toutes les autres chirurgies(2). Les preuves se sont accumulées que le by-pass en Y est supérieur à la sleeve gastrectomie ou à l’anneau gastrique (RR entre 1,17 et 1,57), y compris pour l’arrêt de l’insuline(5). Ce sont des essais randomisés, ou des cohortes parfois et des revues systématiques avec métaanalyses incluant des milliers de patients(5-11). Il reste un petit doute quant au bénéfice du by-pass en oméga (qui n’est plus pris en charge par la Sécurité sociale en France), mais dont une revue systématique suggère la plus grande efficacité(6) quand une autre ne montre pas de différence par rapport au by-pass en Y(11). L’intervention de type SADI (en cours d’évaluation dans plusieurs essais) n’est pas plus efficace que le by-pass en Y(12). Enfin, dans une métaanalyse des études randomisées, la longueur de l’anse bilio-pancréatique, autour de 50 cm en moyenne et pouvant aller de 15 à 75 cm, ne fait aucune différence sur le taux de rémission entre 1 et 6 ans, de même que cela ne change pas l’efficacité sur le poids(13).   Les facteurs avérés de rémission Les facteurs classiques de rémission sont la durée du DT2. Il est considéré que si elle est de moins de 2 à 5 ans la rémission est plus probable(10,14-16). Il en est de même de l’âge, avec une rémission plus probable chez les personnes de moins de 45 ou de 60 ans selon les études(10,14,15). L’équilibre métabolique, évalué par l’HbA1c, est un facteur important et toutes les études convergent vers un seuil discriminant de 7 %, au-dessous duquel la rémission est plus probable(10,14,15). Le fait de ne pas être traité par insuline est un facteur majeur favorisant la rémission(10,14,15). Il en va de même d’une concentration plasmatique de C peptide à jeun > 3 ng/ml(10,14). De nombreuses études montrent que plus les patients sont insulinorésistants (indice HOMA-IR élevé par exemple) plus la probabilité de rémission est élevée(2,10,17). Enfin, un indice de masse corporelle supérieur à 40, une adiposité plus importante sont des facteurs favorables à la rémission(10,14) (tableau).   Un facteur original et qui n’est pas expliqué est la présence d’un traitement hypolipémiant qui serait associé dans deux études à une moindre probabilité de rémission(10,15). Le délai après la chirurgie est un facteur important à considérer. D’une part, plus on s’éloigne de la date de la chirurgie, plus le risque de récidive du diabète est important. Par conséquent, la proportion de personnes en rémission diminue. Ainsi dans l’étude de Pessoa et coll., avec 621 personnes suivies jusqu’à 24 ans, le pourcentage de rémission est de 74 % après 1 an et de 47 % au-delà de 10 ans(18). D’autre part, au-delà de 2 ans après la chirurgie, la rémission devient peu probable quand elle n’est pas apparue(2,10). La contribution d’un registre suédois à cette connaissance est importante(15). En effet, elle porte sur plus de 8 000 patients, suivis jusqu’à 10 ans (médiane 2 ans). Autrement dit, passé ce délai, il faut considérer que la chirurgie n’entraînera pas de rémission, mais permettra un allégement du traitement, un meilleur équilibre métabolique, une réduction des complications… Un facteur important émergeant dans la littérature de ces deux dernières années est l’importance de la perte de poids postopératoire(10,15,19). Dans les études avant 2021, ce n’était pas un facteur de rémission. Aujourd’hui, c’est le cas dans plusieurs études et en particulier dans celle de Barthold et coll.(19) (figure) où il apparaît clairement qu’au-delà d’une perte de poids supérieure à 20 % (exprimée en pourcentage du poids de départ), le pourcentage de rémission ne progresse plus, mais qu’il augmente pour les différentes catégories de cette perte de poids jusqu’à 20 %. Après ajustement pour les autres facteurs, il apparaît qu’une perte de 20 %, même avec un traitement par insuline, a plus de probabilité de s’accompagner d’une rémission qu’une perte de 5 % sans traitement par insuline. Une classification originale des DT2 est apparue en 2018(20) séparant 5 types de diabète, les autoimmuns, ceux associés à l’âge, ceux associés à l’obésité (Mild obesity diabetes), les DT2 très sévèrement insulinodéficients, et les DT2 très insulinorésistants. L’équipe de François Pattou à Lille, sur leur cohorte (ABOS) et sur une cohorte brésilienne, montre que les personnes du groupe avec une insulinorésistance très importante ont une probabilité élevée de rémission (81 %) alors que ceux dont le diabète est associé à l’obésité (Mild obesity diabetes) ont une probabilité de 55 %, et que les personnes avec une insulinodéficience sévère ont une probabilité de 13 %(17).   D’autres facteurs plus originaux ont été identifiés. Dans le registre suédois(15), le genre, la comorbidité d’une dépression, d’un syndrome des apnées du sommeil, d’une hypertension artérielle ou d’une maladie cardiovasculaire ne modifient pas la probabilité de rémission. Le niveau socioéconomique n’est pas non plus un facteur prédictif, mais les personnes vivant dans des villes de plus de 200 000 habitants ou les migrants de la première génération ont moins de probabilité de rémission en Suède. L’équipe de la Pitié montre que la composition du microbiote influe sur le pourcentage de rémission(21). Ainsi, la présence de Bacteroidia dans le microbiote réduit les chances d’amélioration du diabète après by-pass à 5 ans.   Intérêt des scores de prédiction Les scores de prédiction de la probabilité de rémission ont été testés dans deux grandes études(22,23). Elles montrent l’intérêt du score DIAREM, très simple à calculer (il suffit d’entrer la catégorie d’âge, la présence ou non de traitement par insuline, le niveau d’HbA1c, la présence ou non d’un autre traitement antidiabétique). Dans une étude très originale l’équipe d’Yves Reznick à Caen, a montré l’intérêt de la mesure continue du glucose autour de la chirurgie pour prédire la rémission. Un temps au-dessus de la cible de 140 mg/dL inférieur à 14 %, et un écart-type à la moyenne des concentrations de glucose interstitielles inférieur à 33 % sont des facteurs favorables à la rémission. La combinaison du score DIAREM et de ces deux critères conduit à une prédiction 100 % spécifique, avec une sensibilité de 95 % et une valeur prédictive positive de 100 %(22).   Variabilité de l’incidence de la rémission dans les études Dans la métaanalyse de 2021, le pourcentage de rémission est de 63 %(3). Pourtant, dans toutes les études publiées depuis le pourcentage varie. De grands facteurs de variation sont la définition utilisée pour la rémission et le mélange des typologies de patients. Comme nous l’avons vu, le besoin d’un traitement par insuline, la durée du diabète et beaucoup d’autres facteurs influencent le pourcentage de rémission(9). Les patients inclus dans les études varient beaucoup à tous ces égards, ce qui participe à la variabilité du pourcentage de rémission. La définition de la rémission a été remise en cause dans un article récent(24). Classiquement, la rémission est jugée au bout d’un an, alors qu’il n’y a plus de traitement antidiabétique, et avec un indicateur précis de normalisation de la glycémie ou de l’HbA1c. Dans la définition de l’ADA en 2009, la glycémie devait être inférieure à 1 g/L et l’HbA1c devait être normale. Cependant, cette normalité a été interprétée de façon variable dans les études, certaines la considérant comme normale en dessous de 6,5 %, d’autres en dessous de 6 %, et d’autres encore en dessous de 5,7 %. Évidemment, cela contribue à une variabilité du nombre de personnes en rémission dans les études.   Nouvelle définition de la rémission   Cela a conduit un certain nombre d’experts à proposer une nouvelle définition de la rémission du diabète à la fin 2021(24). L’objectif du travail était de définir les termes de rémission et de récidive, et d’aider au diagnostic. Il ne s’agissait pas de faire des recommandations sur les stratégies favorisant la rémission. Les auteurs ont considéré que le terme de rémission était plus approprié que celui de résolution ou de guérison. Il correspond à la disparition « des signes et des symptômes », difficile à définir, car la glycémie est une variable continue qui ne « disparaît pas ». Cela suppose une amélioration notable, qui n’est pas forcément permanente ou définitive, un monitoring régulier pour identifier et dépister la récidive, et des stratégies pour favoriser la rémission et prévenir la récidive. La nouvelle définition suppose une HbA1c strictement inférieure à 6,5 %, pendant au moins 3 mois, et sans aucun traitement. Si l’hémoglobine A1c n’est pas interprétable, ce qui est fréquemment le cas après une chirurgie de type by-pass (carence en fer, anémie) ou en cas d’hémoglobinopathie, elle est alors remplacée dans la définition par une glycémie après une nuit de jeûne inférieure à 126 mg/dl. Si la personne reçoit un traitement antidiabétique oral pour une autre raison, par exemple la metformine pour un syndrome des ovaires polykystiques, on ne parle plus de rémission. Ce concept de rémission et de récidive suppose un monitoring régulier (HbA1c ou glycémie) pour confirmer ou infirmer la rémission, et de réagir vite en cas de récidive, mais également une surveillance régulière des complications (œil, rein…).

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