Publié le 22 déc 2022Lecture 8 min
Organisation et parcours de soins lors de l’initiation d’une boucle fermée chez l’adulte
Sandrine LABLANCHE, Clinique d’endocrinologie-diabétologie-nutrition, Grenoble Pôle DIGIDUNE, CHU Grenoble-Alpes
En septembre 2021, avec le remboursement du dispositif DBLG1 (Diabeloop), suivi en avril 2022 par le remboursement du dispositif Minimed 780G, la boucle fermée (BF) a fait une entrée attendue dans le parcours de soins du patient vivant avec un diabète de type 1. Ce nouveau mode de traitement requiert une organisation et un parcours de soins spécifiques dont l’objectif est de garantir au patient les meilleures chances de succès de ce traitement.
Centres initiateurs et centres de suivi des patients sous boucle fermée possèdent une organisation et des missions propres à chacun.
Les mots-clés de l’organisation des soins lors de l’initiation d’une boucle fermée sont « pluriprofessionnalité », « expertise » et « sécurité ». L’organisation des soins déployée au moment de l’initiation d’une boucle fermée a pour objectif de garantir la sécurité et la qualité de la formation et de l’accompagnement dispensés au patient avec pour unique but de permettre au patient d’atteindre le meilleur équilibre glycémique et la meilleure qualité de vie possible. L’organisation des soins pour l’initiation et le suivi du patient sous boucle fermée a été définie par une prise de position de la Société francophone du diabète en septembre 2020(1) et repose sur une structuration et une labélisation des centres en deux catégories : centres initiateurs et centres de suivi.
Vous imaginez vous positionner en tant que centre initiateur ? Quels en sont les prérequis ?
Les prérequis et missions du centre initiateur sont résumés dans le tableau 1. Dans la continuité des organisations de soins telles que nous les connaissons actuellement pour l’initiation de la pompe sous-cutanée à insuline ou de la mesure continue du glucose, l’initiation du traitement par boucle fermée devra être réalisée au sein de centre initiateur animé par une équipe pluriprofessionnelle associant au minimum deux médecins spécialistes en endocrinologiediabétologie, un(e) infirmier (-ière) (IDE ou IPA) et un(e) diététicien(ne) expérimenté(e) en diabétologie. Cette équipe pluriprofessionnelle travaillera en collaboration avec le(s) prestataire(s) de santé à domicile et le(s) fabricant(s) de dispositifs de boucle fermée. Cette notion de centre initiateur peut s’appliquer aussi bien à des équipes hospitalières que libérales sous couvert qu’elles répondent au cahier des charges du centre initiateur.
Pour être labellisée centre initiateur, l’équipe pluriprofessionnelle devra :
– disposer des compétences et connaissances nécessaires à la gestion de la boucle fermée, dont une certification de validation de formation aux dispositifs par les fabricants de boucles fermées et une formation continue annuelle aux systèmes de boucles fermées ;
– être formée à l’éducation thérapeutique (minimum niveau 1 – formation 40 heures ETP) ;
– mettre en place un parcours de soins organisé et structuré pour l’initiation et le suivi initial du patient sous boucle fermée ;
– assurer le suivi d’au moins 80 patients sous pompe et prévoir l’initiation d’au moins 20 patients sous BF au terme de la 1re année d’activité ;
– être en capacité de répondre aux situations d’urgences diabétologiques en assurant une astreinte médicale 24 heures/24 et 7 jours/7.
Les missions du centre initiateur sont de :
• valider, en décision partagée avec le patient, l’indication de boucle fermée ;
• identifier avec le patient le dispositif de boucle fermée le plus adapté à ses besoins ;
• initier le traitement par boucle fermée (en hospitalisation ou en ambulatoire) et suivre le patient dans les 3 mois suivant l’initiation du traitement.
Cette mission comprend :
– la formation technique initiale du patient à son dispositif de BF en collaboration avec le PSAD,
– la formation du patient à la gestion de son diabète avec un dispositif de boucle fermée (comptage des glucides, annonce des repas, gestion de l’activité physique et des situations d’urgence) ;
– la télésurveillance du patient pour la période initiale fixée à 3 mois ;
– la réévaluation précoce de l’usage du dispositif par le patient, de son efficacité et de la sécurité de la boucle fermée 1 mois et à 3 mois après l’initiation ;
• réévaluer l’indication de boucle fermée sur sollicitation du centre de suivi ;
• donner un avis d’expert en cas de persistance d’un déséquilibre glycémique malgré le traitement par boucle fermée via RCP ou téléexpertise.
Les centres initiateurs, au-delà de la période initiale de 3 mois, ont la possibilité de poursuivre le suivi du patient si le patient était initialement suivi au sein du centre initiateur ou peuvent transférer le suivi du patient au centre de suivi dont dépend le patient. Vous ne répondez pas aux prérequis du centre initiateur. Voyons si vous pouvez accompagner votre patient en tant que centre de suivi ? Les prérequis et missions du centre initiateur sont résumés dans le tableau 1. Pour être labellisé centre de suivi, le médecin spécialiste en endocrinologie diabétologie devra :
– disposer des compétences et connaissances nécessaires à la gestion de la boucle fermée dont une certification de validation de formation par les fabricants de boucles fermées et une formation continue annuelle aux systèmes de boucles fermées ;
– assurer le suivi d’au moins 20 patients sous pompe et suivre au moins 5 patients sous BF au terme de la 1re année d’activité ;
– travailler en partenariat avec un centre initiateur auquel le centre de suivi pourra avoir recours en cas de besoin d’avis d’expert ou pour l’accès à une astreinte médicale 24 heures/24.
Les missions du centre de suivi sont les suivantes et sont synthétisées dans le tableau 2 :
– préparer le patient à l’initiation de la boucle fermée : formation du patient au comptage des glucides, gestion de l’insulinothérapie en situation d’urgence, présentation des dispositifs de boucle fermée et principe de fonctionnement, présentation du parcours de soins lors de l’initiation du traitement par boucle fermée. Pour les patients sous multi-injections, cette préparation inclut l’équipement par pompe sous-cutanée et MCG par le centre initiateur en amont de l’initiation du dispositif de BF ;
– assurer le suivi du patient sous BF au-delà de la période initiale de 3 mois : paramétrage régulier du dispositif de boucle fermée, éducation du patient pour le maintien ou le rappel des connaissances et compétences acquises au cours de la période d’initiation ;
– réévaluer régulièrement l’efficacité du dispositif de BF et la sécurité du patient sous BF ;
– renouveler la prescription des patients équipés d’une boucle fermée.
Et le patient dans tout cela ?
La qualité de l’information et de la formation/éducation du patient en amont de l’initiation et lors de l’initiation de la BF conditionne grandement le succès du traitement.
Informer et former le patient : d’accord, mais sur quoi ?
Lorsque le patient est demandeur d’un équipement par boucle fermée, la première étape de la préparation du patient à la boucle fermée est de comprendre ses besoins et attentes vis-à-vis du dispositif. Si c’est le soignant qui est en situation de proposer le dispositif, il faudra alors exposer au patient en quoi le dispositif pourra permettre de répondre à ses difficultés ou besoins. L’information du patient sur ce qu’est (ou n’est pas) une boucle fermée est une étape primordiale de sa préparation. Le patient devra, à l’issue de cette information, avoir bien identifié qu’actuellement tous les dispositifs de boucle fermée sont des systèmes semi-fermés ou semi-automatiques et qu’ils nécessitent une contribution active de sa part sur certains éléments clés tels que :
– la pose et le maintien en fonctionnement de son dispositif (pompe, cathéter de pompe, capteur de glucose et algorithme) ;
– l’annonce des repas (impliquant pour la plupart des dispositifs un comptage des glucides et l’annonce anticipée du repas) ;
– l’annonce de l’activité physique ;
– la réponse aux alertes du dispositif de boucle fermée ;
– la gestion des épisodes métaboliques aigus que l’algorithme ne sera pas parvenu à prévenir et/ou corriger (hypoglycémie, hyperglycémie avec cétose, pathologies intercurrentes) ;
– une confiance dans le dispositif et une acceptation « de principe » à confier la gestion de son équilibre glycémique à « un autre que soi ».
Une fois que le soignant et le patient ont validé, en décision partagée, l’indication de boucle fermée, vient alors le temps crucial, pour le patient, du choix du dispositif. Aucun élément scientifique n’ayant démontré la supériorité d’un dispositif de BF par rapport à l’autre, la performance du dispositif n’est actuellement pas un élément fort d’orientation du choix du dispositif pour le couple patient-soignant. Le choix pourra être conditionné par les préférences personnelles du patient en lien avec son image corporelle, sa qualité de vie sous dispositif ou ses habitudes dans la gestion de son insulinothérapie : pompe patch (Omnipod 5 actuellement non disponible en France, semi-patch [DBLG1]) vs pompe à tubulure (Tandem T:Slim X2, Minimed 780G)), capteur à calibration (Guardian 3) vs capteur sans calibration (Dexcom G6 et bientôt Guardian 4), durée de vie du capteur (7 jours pour Guardian 3-Guardian 4, 10 jours pour le Dexcom), nécessité de saisie des glucides lors de l’annonce des repas ou non, tolérance aux alertes du dispositif.
Enfin, un temps sera pris avec le patient pour lui détailler le parcours de soins complet lors de sa préparation à la boucle fermée et lors de l’initiation de la boucle fermée. Le parcours de soins est propre à chaque centre initiateur et devra être adapté aux besoins du patient. Communément, le parcours de soins « minimal » est structuré autour d’un temps de pré-éducation technique à domicile par le PSAD ou au sein du centre initiateur par l’équipe du centre. Vient ensuite l’étape d’initiation de la BF en elle-même, en centre initiateur, suivi d’un temps de réévaluation précoce (télésurveillance minimale d’une semaine pouvant être prolongée au-delà si besoin en fonction des besoins du patient, réévaluation à 1 mois et 3 mois en centre initiateur [tableau 3]).
Les patients déjà équipés d’une pompe sous-cutanée à insuline, d’une MCG, formés et ayant un bon niveau de pratique en insulinothérapie fonctionnelle pourront bénéficier d’un parcours de soins centré « uniquement » sur ces temps d’initiation et de suivi de BF. À l’issue de ce parcours d’initiation et de suivi initial, le patient sera progressivement en mesure de :
– gérer le maniement technique des différents éléments qui composent sa BF (poser et gérer sa pompe, poser et assurer le fonctionnement de son capteur, initialisation de l’algorithme) ;
– comprendre les éléments clés du bon fonctionnement de la BF (comprendre le fonctionnement de l’algorithme, acquérir le concept du « laisser-faire l’algorithme », optimiser le temps passé sous boucle fermée) ;
– collaborer avec son algorithme dans la vie quotidienne (annoncer ses repas, son activité physique, répondre de façon appropriée aux alertes, prévenir la survenue des alertes) ;
– gérer les situations (rares) devant conduire à une sortie temporaire de la régulation glycémique automatique ;
– décharger ses données pour interagir avec son équipe soignante ;
– analyser ses données et adapter en autonomie ses paramétrages de dispositif pour optimiser son temps passé dans la cible glycémique et améliorer sa qualité de vie.
Pour les patients sous multiinjections et/ou non formés au comptage des glucides, à l’insulinothérapie fonctionnelle et/ou avec des connaissances ou compétences minimales quant à la gestion de leur diabète, le parcours de soins ci-dessus sera enrichi par un parcours de soins associant initiation d’une pompe sous-cutanée à insuline et d’une MCG, atelier de formation aux comptages des glucides et/ou formation à la gestion de l’insulinothérapie. Ainsi, quel que soit le parcours de soins construit avec le patient, même chez les patients les plus autonomes et aguerris à la gestion des dispositifs de pompe et capteur, l’initiation d’un traitement par boucle fermée nécessitera un investissement en temps et en énergie de la part du patient. Il est donc nécessaire que le patient en soit préalablement informé et soit pleinement disponible physiquement et psychologiquement pour ces temps de formation, d’éducation et de réévaluation.
L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :