Publié le 20 déc 2021Lecture 7 min
Comment l’écosystème FreeStyle® Libre 2 modifie les standards de prise en charge ?
Michèle DEKER, Neuilly
Congrès SFE
Le nouveau dispositif FreeStyle® Libre 2 est admis au remboursement depuis le 1er juin 2021. Il est à la fois plus précis et doté d’alarmes permettant de détecter les hypo- et les hyperglycémies. Il fournit une évaluation de l’équilibre glycémique basée sur un indicateur de gestion du glucose (GMI) dont l’algorithme utilise les mesures du glucose interstitiel des 14 jours précédents. Les nouvelles potentialités de FreeStyle® Libre 2 ouvrent la voie à une meilleure gestion du diabète.
| HbA1c, eHbA1c et GMI : comprendre les discordances
Les nouveaux systèmes d’enregistrement en continu du glucose interstitiel (CGM) proposent une modalité d’estimation de l’HbA1c, le GMI (glucose management indicator ou indicateur de gestion du glucose), qui diffère de l’HbA1c estimée (eHbA1c) et de l’HbA1c mesurée par le laboratoire. En 2018, R. Bergenstal a proposé, à l’initiative de la FDA, d’abandonner l’eHbA1c au profit du GMI, en raison de discordances avec la mesure de l’HbA1c réalisée en laboratoire (Diabetes Care 2018 ; 41 : 2275-80).
Chez les utilisateurs de FreeStyle® Libre, la comparaison entre le GMI et l’eHbA1c montre des différences significatives lorsque la glycémie moyenne est élevée, l’eHbA1c donnant des valeurs plus élevées. Toutefois, il existe aussi des discordances entre le GMI et l’HbA1c mesurée au laboratoire chez les sujets utilisant un CGM : la concordance des mesures n’est retrouvée que dans 20 % des cas ; chez 30 % des patients il existe une différence > 0,5 % entre ces deux mesures (Leelarathna L et al. Diabetes Care 2019 ; 42 : e60- e61). Cette discordance varie selon la population étudiée. Une étude réalisée dans une population de patients âgés (71 ans en moyenne) a montré une différence absolue de plus de 0,5 % chez 46 % des patients : l’HbA1c du laboratoire est supérieure au GMI dans 63 % des cas, la différence étant corrélée à la durée des hypoglycémies ; l’inverse est moins fréquent (47 %) et corrélé à la durée des hyperglycémies (Toschi E et al. Diabetes Care 2020 ; 43 : 2349-54).
Les résultats de l’HbA1c mesurée en laboratoire peuvent varier pour une même exposition au glucose en fonction de certains facteurs, tels que la durée de vie des globules rouges ou les capacités de glycation. Concernant le GMI, l’algorithme a été établi à partir d’une cohorte limitée à quelques centaines de patients, principalement diabétiques de type 1 et exclusivement à partir des données de CGM. Les deux types de mesure peuvent être en défaut en cas de modification récente de l’équilibre glycémique, ce qui a été bien démontré par Louis Monnier (Quantifier l’exposition chronique au glucose. Diabétologie Pratique 2019 ; n° 69) : chez un patient dont la glycémie s’améliore rapidement, l’HbA1c diminue entre deux mesures réalisées à 3 mois d’intervalle, mais moins que le GMI dont la valeur s’appuie sur un recueil des valeurs sur 14 jours. Par ailleurs, les situations cliniques liées à une sous-estimation ou une surestimation de l’HbA1c sont bien identifiées (tableau 1).
En pratique, R. Bergenstal et coll. ont proposé d’identifier trois situations cliniques :
• HbA1c = GMI.
• HbA1c < GMI. La question se pose de savoir si l’HbA1c reflète bien l’exposition au glucose et, si oui, s’il faut fixer un seuil plus bas d’HbA1c pour minimiser le risque d’hypoglycémie. Mais peutêtre s’agit-il de patients protégés qui, pour un même niveau de glucose, ont une glycation diminuée.
• HbA1c > GMI. Il faudra vérifier le temps passé en hypoglycémie (qui va davantage affecter le GMI que l’HbA1c). Faut-il se fixer un seuil d’HbA1c plus élevé (7,5 % au lieu de 7,2 %) ? Ces patients ont-ils un taux de glycation augmenté avec un risque de complications augmenté ? Cette situation renvoie à un paramètre, l’index de glycation de l’hémoglobine (glycation gap) = HbA1c mesurée – HbA1c prédite. L’utilisation de cet index dans la cohorte DCCT a permis de catégoriser les patients en 3 groupes ; ceux qui avaient la plus grande différence entre HbA1c observée et prédite avaient un risque de rétinopathie x 3 et de néphropathie x 6.
Afin de réconcilier HbA1c et GMI, Y. Xu et coll. ont cherché à modéliser la relation entre le CGM et l’HbA1c en utilisant les données de 120 sujets diabétiques suivis pendant un an (Xu Y et al. J Diabetes Sci Technol 2021 ; 15 : 294- 302). Leur étude a permis d’établir un algorithme permettant de passer d’une discordance moyenne de 0,47 à 0,27.
Même si les discordances entre GMI et HbA1c sont reconnues et en partie explicables, il reste à déterminer si elles sont constantes dans le temps et s’il existe alors un rationnel physiologique, et par ailleurs si ces discordances pourraient être considérées comme prédictives du risque de complications.
| FreeStyle® Libre 2 : retour d’expérience
Le nouveau dispositif FreeStyle® Libre 2 a obtenu son remboursement le 1er juin 2021. Sont concernés les patients ayant un diabète de type 1 ou 2, adultes et enfants âgés de ≥ 4 ans, traités par insulinothérapie intensifiée. Comparativement à FreeStyle® Libre, la réalisation d’au moins 3 contrôles glycémiques capillaires au préalable n’est plus une condition nécessaire. En revanche, la prescription d’un lecteur FreeStyle® libre 2 ne peut se faire que si lecteur FreeStyle® Libre de 1re génération a été prescrit il y a plus de 4 ans. Toutefois, les patients peuvent dès à présent bénéficier des alarmes en scannant les capteurs FreeStyle® Libre 2 avec l’application FreeStyle LibreLink. Une évolution de l’algorithme permet la détection des hypoglycémies et hyperglycémies sans nécessiter de se scanner, avec la communication en Bluetooth de cette information, ainsi que des alarmes optionnelles en temps réel signalant les hypo- et hyperglycémies et la perte de signal éventuellement.
La précision des mesures est améliorée. Comparativement au FreeStyle® Libre, la variabilité MARD est améliorée chez l’adulte (9,2 %) et l’enfant (9,7 %) obtenue sans calibration pendant 14 jours (Alva S et al. J Diabetes Sci Technol 2020 sept 19).
La satisfaction des patients a été évaluée par une enquête auprès de 196 patients inclus par 70 diabétologues. La perception du paramétrage de FreeStyle® Libre 2 est très positive (supérieure à 9/10 pour le paramétrage du lecteur, de l’activation/désactivation des alarmes, en particulier). Les trois quarts des patients ont utilisé les trois types d’alarme et plus de 90 % les alarmes hypo/hyper. L’équilibre glycémique s’est amélioré, selon l’évaluation des médecins. Les éléments de satisfaction des patients ont été analysés et sont tous positifs, la satisfaction globale étant de 8,6/10.
Optimisation de la glycémie postprandiale
La glycémie postprandiale connait un regain d’intérêt, surtout depuis l’utilisation du CGM. Il n’existe pas cependant d’objectifs pour la période postprandiale en CGM, alors que cette période GPP est un vrai challenge pour le patient et le médecin.
• Avant le repas, le patient apprend à ajuster la dose selon la sensibilité et la glycémie préprandiale, en tenant compte de l’insuline active pour les patients munis d’un assistant bolus. Le CGM affiche des flèches de tendance qui peuvent servir à ajuster l’insulinothérapie, bien que cela soit difficile à maitriser en pratique. Un algorithme a été élaboré, efficace mais très complexe (Bruttomesso D et al. Diabetes Ther 2021 ; 12 : 1313- 24). Le moment de l’injection est très important ; en effet, l’hyperglycémie postprandiale est nettement améliorée lorsque l’injection est faite avant le repas plutôt qu’après ou au moment du repas. Mieux vaut anticiper plutôt qu’injecter selon la consommation de glucides. Il faut aussi traquer les bolus retardés/oubliés. Les outils technologiques (stylos connectés, pompes, alertes CGM ou FGM, rappels de bolus oubliés sur la pompe, télésurveillance) facilitent l’observance thérapeutique.
• Pendant le repas, on apprend au patient à ajuster la dose d’insuline. Il est plus délicat d’ajuster l’insuline en fonction de l’index glycémique, des protéines et des lipides. Le pic glycémique est décalé et l’hyperglycémie est prolongée après un repas hyperprotéiné. Plusieurs études ont testé des doses d’insuline supplémentaires pour les lipides avec un succès mitigé, d’autant plus que la variabilité est importante entre les individus. Une étude chez 26 DT1 a testé 3 types de bolus : bolus glucides duo 50/50 sur 4 h ; bolus glucides duo 50/50 sur 8 h + bolus FPU 100 % ratio glucide sur 8 h ; bolus duo 50/50 + bolus PFU 50 % ratio glucides sur 8 h (Haïk T et al. Exp Clin Endocrinol Diabetes 2021) : la seule stratégie efficace consiste à ne pas compenser les lipides et les glucides au risque d’augmenter les hypoglycémies à distance.
• Après le repas, la cinétique de l’insuline est importante, d’où l’intérêt des ultra-rapides dont la cinétique se rapproche des données physiologiques. Il faut aussi tenir compte de la vidange gastrique qui est altérée chez 40-50 % des DT1 (surtout retardée, rarement accélérée et le plus souvent de façon asymptomatique), de la résorption sous-cutanée de l’insuline et des lipodystrophies, ainsi que de l’activité physique PP (le CGM peut être une véritable aide à cet égard).
On doit au CGM d’avoir mis en évidence les excursions postprandiales dont la gestion est néanmoins difficile en raison des multiples facteurs qui modulent la glycémie postprandiale. Les nouvelles technologies sont indéniablement facteurs de progrès dans la compréhension du métabolisme des patients diabétiques et leur prise en charge.
D’après la conférence-débat Abbott avec la participation de G. Prévost, P. Gourdy et C. Bures
SFE 2021
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