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Épidémiologie

Publié le 25 oct 2021Lecture 4 min

Découverte d’un prédiabète chez un sujet âgé : quelle importance faut-il lui donner ?

Louis MONNIER, Institut universitaire de recherche Clinique, université de Montpellier

De manière intuitive, on peut penser que la probabilité d’évolution d’un prédiabète vers un diabète avéré est beaucoup plus faible chez un sujet âgé que chez un adulte jeune ou d’âge moyen parce que la réduction de l’espérance de vie avec l’avancement en âge limite ce type de conversion. Si cette intuition est vraie, la découverte/détection d’un prédiabète chez un sujet âgé devrait être considérée comme un phénomène à relativiser. Toutefois, intuition n’est pas démonstration.

L’étude dont nous rapportons/commentons les résultats est destinée à quantifier le risque d’évolution vers un diabète franc chez des sujets âgés prédiabétiques. Le suivi des sujets a été de l’ordre de 5 ans et les 2 497 participants ont été classés comme normoglycémiques, prédiabétiques ou diabétiques en se basant sur les critères de l’American Diabetes Association. Quand la définition est basée sur l’HbA1c, sont considérés respectivement comme normoglycémiques, prédiabétiques et diabétiques les sujets ayant une HbA1c < 5,7 %, entre 5,7 et 6,4 % et ≥ 6,5 %. Quand la définition est basée sur la glycémie à jeun, sont considérés respectivement comme normoglycémiques, prédiabétiques (anomalie de la glycémie à jeun) et diabétiques les sujets ayant une glycémie à jeun < 1 g/l, entre 1 et 1,25 g/l et ≥ 1,26 g/l. Première constatation Dans cette population dont l’âge moyen était de 75,6 ans, la prévalence du prédiabète est élevée. Si on prend comme critère l’HbA1c, c’est 44 % des sujets qui ont un prédiabète, ce pourcentage étant de 59 % si le critère retenu est la glycémie à jeun. Dans une étude déjà ancienne(1), les taux suivants avaient été rapportés pour la prévalence de l’anomalie de la glycémie à jeun : 2,8 % entre 20 et 39 ans, 7,1 % entre 40 et 49 ans, 8,0 % entre 50 et 59 ans et 14 % entre 60 et 74 ans. Ainsi, il apparaît que l’anomalie de la glycémie à jeun devient un état de plus en plus commun au fur et à mesure que l’on progresse en âge. Deuxième constatation Les résultats évolutifs sont rangés dans 4 rubriques (figure). Chez les sujets étiquetés normoglycémiques à l’état de base à partir du critère HbA1c < 5,7 % Au bout de 5 ans en se basant sur l’HbA1c (figure A1), on constate que : – 64 % restent normoglycémiques ; – 17 % évoluent vers un prédiabète ; – 3 % évoluent vers un diabète franc ; – 16 % décèdent, quelle que soit la cause. Chez les sujets étiquetés prédiabétiques à l’état de base à partir du critère HbA1c 5,7 à 6,4 % Au bout de 5 ans, en se basant sur l’HbA1c (figure B1) on constate que : – 59 % restent prédiabétiques ; – 13 % retournent à une normoglycémie ; – 9 % évoluent vers un diabète franc ; – 19 % décèdent, quelle que soit la cause. Chez les sujets étiquetés normoglycémiques à l’état de base à partir du critère glycémie à jeun < 1 g/l Au bout de 5 ans en se basant sur la glycémie à jeun (figure A2), on constate que : – 70 % restent normoglycémiques ; – 8 % évoluent vers un prédiabète (anomalie de la glycémie à jeun) ; – 3 % évoluent vers un diabète franc ; – 19 % décèdent, quelle que soit la cause. Chez les sujets étiquetés prédiabétiques en se basant sur la présence d’une anomalie de la glycémie à jeun 1 à 1,25 g/l Au bout de 5 ans en se basant sur la glycémie à jeun (figure B2), on constate que : – 44 % retournent à une normoglycémie ; – 32 % restent prédiabétiques ; – 8 % évoluent vers un diabète franc ; – 16 % décèdent, quelle que soit la cause. Interprétation des résultats et conclusions De manière globale, le pourcentage de décès est plus élevé (entre 16 et 19 %) que celui des sujets qui évoluent vers un diabète franc, ce dernier restant faible (entre 3 et 9 %). De plus, la somme des pourcentages de sujets qui restent dans leur condition de départ (normoglycémie ou prédiabète) ou qui retournent vers une normoglycémie est aux alentours de 75 % : 81 % (figure A1), 72 % (figure B1), 78 % (figure A2) et 76 % (figure B2). Le faible taux de conversion du prédiabète en diabète dans cette population dont l’âge moyen est de 75 ans conduit à la conclusion que le prédiabète au-delà d’un certain âge n’est pas une « entité robuste » (terme utilisé par les auteurs de l’article). On pourrait même conclure que le prédiabète est à cet âge-là un état quasi/semi-physiologique dont l’évolution vers la pathologie (diabète franc) reste marginale par rapport à la probabilité de décès dans les années à venir. Cette conclusion n’est évidemment pas applicable aux adultes d’âge moyen. Dans cette dernière population, il a été démontré que le taux de conversion du prédiabète en diabète sur une période de 6 ans est compris entre 17 et 22 %(2). De plus, comme l’espérance de vie de ces sujets s’étale sur quelques décennies, la conversion du prédiabète en diabète laisse la porte ouverte au développement de complications diabétiques à moyen et long terme.

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