Publié le 15 juin 2019Lecture 5 min
Du nouveau dans le traitement oral du diabète de type 2
Michèle DEKER, Paris
Congrès de la SFD
Concernant la place des inhibiteurs de SGLT2, il existe une vraie divergence d’idées entre l’avis de la SFD, qui rejoint celles de la plupart des experts mondiaux, et celui de la HAS. Malgré les bénéfices cardiovasculaires et rénaux bien démontrés par les études de sécurité, la commission de transparence a, en effet, rendu en mars 2019 un avis négatif pour l’un de ces inhibiteurs SGLT2.
Quoi de neuf dans les recommandations ?
La notion de décision médicale partagée a été introduite dans les recommandations ADA/EASD en 2018. Ces recommandations se distinguent surtout des précédentes par le choix thérapeutique après la metformine fondé sur l’existence ou non d’une maladie cardiovasculaire ou rénale. Les recommandations de la SFD 2017 avaient déjà anticipé ce mouvement en identifiant des populations particulières, notamment en prévention cardiovasculaire ou chez les patients obèses, en donnant une préférence aux agonistes du GLP-1 dès la 2e ligne de traitement.
Ces recommandations sont très comparables à celles d’autres sociétés savantes ; les experts canadiens considèrent même qu’il peut être intéressant de prescrire un inhibiteur SGLT2 chez les patients ayant un débit de filtration glomérulaire abaissé, en dépit d’une perte d’efficacité antihyperglycémique, afin de réduire la progression de la maladie rénale ou d’assurer une cardioprotection. Aujourd’hui, les sociétés de cardiologie font aussi des propositions thérapeutiques dans le diabète, selon un modèle proche de celui de l’ADA/EASD, basé sur le risque cardiovasculaire et rénal pour l’ACC. L’ESC a même formulé un avis positionnant les iSGLT2 et les GLP-1 RA en 1re intention. Encore plus récemment, l’ACC/AHA a préconisé en prévention primaire cardiovasculaire l’introduction d’un iSGLT2 ou d’un GLP-1 RA (grade IIb) après la metformine chez les patients à haut risque.
En France, les recommandations de la HAS sont toujours attendues. La SFD va actualiser sa prise de position avant la fin de l’année.
Dernières données sur les iSGLT2
La dernière nouveauté concerne, bien sûr, l’appréciation de la commission de transparence sur la place des iSGT2 et notamment le bénéfice/risque, jugé défavorable. D’où l’intérêt de rappeler quels sont les effets indésirables liés au traitement et leur mécanisme de survenue. Parmi ces derniers, trois font l’actualité : la céto-acidose, les amputations et les infections. Selon les rapports de la base de pharmacovigilance des États-Unis, le signal de risque concernant la céto-acidose est limité quand on ne considère que les indications dans le DT2. Dans 15 à 20 % des cas, ces épisodes nécessitent une hospitalisation. En vie réelle, il ne semble pas y avoir de sur-risque de céto-acidose chez les patients nouvellement traités comparativement à d’autres antidiabétiques oraux. Dans les cas rapportés, la céto-acidose a la particularité de se manifester pour une hyperglycémie moins franche que lors des cétoses du DT1. Les facteurs favorisants sont la faible réserve fonctionnelle bêta, le traitement insulinique associé, la diète notamment cétogénique, la restriction des apports alimentaires, les situations de stress, de déshydratation, etc. Le protocole proposé consiste à arrêter l’iSGLT2, faire un bolus d’insuline, administrer des hydrates de carbone et réhydrater. Le mécanisme de la céto-acidose fait intervenir la sécrétion de glucagon par les cellules alpha pancréatiques qui comportent des récepteurs des SGLT. Il s’ensuit une inversion du rapport glucagon/insuline et une déviation du métabolisme vers la production de corps cétoniques. Concernant les amputations, dans les données de pharmacovigilance américaines, il n’a pas été observé de signal avec la dapagliflozine, un petit signal avec l’empagliflozine, équivalent à celui observé avec les autres ADO et une augmentation du risque d’amputation d’orteil avec la canagliflozine. Dans l’étude CANVAS, le risque d’amputation a été corrélé au sexe masculin, à la durée du diabète, aux complications microvasculaires, à la préexistence d’une artériopathie périphérique ou d’un antécédent d’amputation. En revanche, il n’a pas été trouvé de mécanisme spécifique à l’origine de cette complication. Néanmoins le traitement par diurétique est associé à une augmentation du risque d’amputation.
Sur une période de 2,5 ans, la FDA a signalé 12 cas de gangrène de Fournier associés à la prise d’iSGLT2 (6 cas sur les 34 années précédentes). Les mécanismes en jeu sont liés à la glycosurie chez des sujets à risque.
Des preuves de la protection cardiovasculaire et rénale des iSGLT2 ?
Les bénéfices cardiaques et rénaux des iSGLT2 sont attestés par les résultats des grandes études. La métaanalyse des trois grandes études des iSGLT2 (> 34 000 patients, principalement des hommes, âgés en moyenne de 63 ans, 60 % en prévention secondaire) en témoigne. À l’inclusion 11 % des patients avaient une insuffisance cardiaque. Une réduction très significative, mais non homogène, de 11 % du MACE est observée, significative uniquement chez les patients en prévention secondaire. Le critère combinant les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et la mortalité cardiovasculaire est significativement réduit de 23 %, chez les patients en prévention primaire et secondaire, que les patients aient ou non une insuffisance cardiaque à l’inclusion dans l’étude. La réduction de 45 % des événements rénaux sur le critère composite, progression de l’insuffisance rénale, insuffisance rénale terminale et décès de cause rénale, est encore plus impressionnante, observée chez les patients en prévention primaire ou secondaire. L’étude VERTIS CV, évaluant l’ertugliflozine, est assez semblable à EMPA-REG puisqu’elle ne comporte que des patients en prévention secondaire. Cette étude de non-infériorité vs placebo pour le MACE comporte trois bras : ertugliflozine 15 ou 5 mg et placebo. Les critères secondaires préspécifiés sont notamment la mortalité cardiovasculaire et l’hospi talisation pour insuffisance cardiaque. La population de l’étude inclut principalement des hommes âgés de 63-64 ans, avec une HbA1c 8,3 % et IMC 30-32 kg/m2. La proportion de patients avec insuffisance cardiaque est plus importante, 22,4 % environ : 75 % de FE renseignées, FEp (80 %) ou FEa (20 %). Cette étude permettra de dire s’il existe un effet classe, car il existe des différences entre les études ; notamment, seule EMPAREG a montré un bénéfice significatif de 38 % sur la mortalité cardiovasculaire.
Les hypothèses sous-tendant les bénéfices cardiovasculaires et rénaux sont multiples et mettent en jeu des mécanismes hémodynamiques et métaboliques.
M. DEKER
D’après un symposium MSD, avec la participation de P. Darmon, S. Hadjadj et L. Bordier
SFD 2019
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