Publié le 15 avr 2018Lecture 6 min
Congrès IDF 2017 : que retenir ?
Michèle DEKER, Paris
Comme chaque année, la traditionnelle Journée Post-IDF organisée par les Laboratoires Servier a permis à un groupe de jeunes rapporteurs encadrés, pour cette édition, par P. Gourdy et R. Roussel de présenter une synthèse des communications du dernier congrès de l’International Diabetes Federation qui s’est tenu à Abu Dhabi du 4 au 8 décembre 2017.
La 8e édition de l’Atlas du diabète offre une projection épidémiologique du diabète à l’échelle mondiale : en 2017, on estime à près de 425 millions le nombre de personnes souffrant de diabète ; ce chiffre pourrait grimper à près de 630 millions en 2045. Chez les 20 à 79 ans, 8,8 % des individus seraient diabétiques, avec de grandes disparités selon les zones géographiques. Dans les pays à haut revenu, le diabète de type 2 représente 87 à 91 % des cas, le diabète de type 1 de 7 à 12 % des cas.
DT1 : plus précoce et plus tardif
L’épidémiologie du diabète de type 1 est caractérisée par un âge de début de la maladie de plus en plus précoce et par des diagnostics à la hausse chez les sujets adultes. Le gradient de prévalence Nord-Sud demeure, mais a tendance à s’atténuer depuis 2005. Bien que le nombre de diagnostics ait notablement augmenté en Asie (x 2-3), le diabète de type 1 demeure largement plus fréquent en Europe qu’en Asie ou en Amérique du Sud. Les recherches visent à établir la responsabilité de facteurs déclenchants en présence d’un terrain génétique prédisposant à la maladie auto-immunitaire. Les infections à entérovirus sont ainsi fortement corrélées au risque de diabète. Par ailleurs, le microbiote intestinal est caractérisé chez les patients diabétiques de type 1 par une expression génétique différente avec une réduction des bactéries synthétisant le butyrate, qui pourrait refléter une fragilité intestinale. Parmi les pistes de traitement, on citera outre les modifications du microbiote intestinal, l’utilisation de « lactobiotics » (bactéries à Gram+ génétiquement modifiées, capables de délivrer des molécules dans l’intestin) et l’immunothérapie au moyen d’hybrides contenant un peptide de pro-insuline couplé à un antigène leucocytaire humain, dans le but d’induire une immunotolérance.
DIRECT : des résultats impressionnants
Les régimes hypocaloriques font un come back remarqué avec les résultats de l’étude DiRECT, qui a évalué l’effet d’un régime drastique chez des patients ayant un diabète de type 2 diagnostiqué depuis moins de 6 ans, non insuliné, et un IMC compris entre 27 et 45 kg/m2. Le régime consistait durant une première période de 3 à 5 mois, à substituer les repas par une formule diététique (sachets) apportant 825 à 853 kcal/j, puis à réintroduire progressivement dans une deuxième période une alimentation plus palatable, tout en supprimant les traitements du diabète et de l’hypertension. Les objectifs étaient une perte de poids d’au moins 15 kg et la rémission du diabète (HbA1c £ 6,5 %) après arrêt du traitement hypoglycémiant. Les résultats concernent 149 patients dans le groupe d’intervention versus 149 dans le groupe témoin, analysés en intention de traiter. À 1 an, 24 % des patients du groupe d’intervention (vs 0 %) ont perdu ³ 15 kg et 46 % d’entre eux (vs 4 %) étaient en rémission de leur diabète. À noter une forte corrélation entre le poids perdu et la rémission du diabète. Toutefois 15 % des patients sont sortis de l’essai et toute la question est de savoir si les bénéfices de ce régime se maintiendront à long terme.
De nouveaux résultats de l’étude SOS
Une analyse post-hoc de l’étude SOS (Swedish Obese Subjects) a évalué l’incidence à long terme de complications microvasculaires chez 4 032 patients ayant participé à l’étude (IMC ³ 34 kg/m2 chez les hommes ou ³ 38 kg/m2 chez les femmes), comparant la chirurgie bariatrique à un groupe contrôle. Les patients étaient initialement répartis en quatre groupes selon le statut glycémique : normoglycémie, prédiabète, nouveau diabète, diabète connu et traité. Le suivi varie de 16 à 21 ans. Il a été observé 374 cas incidents de complications microvasculaires dans le groupe témoin, comparativement à 224 chez les patients opérés (HR 0,56 ; IC : 0,48-0,66, p < 0,0001). Tous les patients opérés, quel que soit leur statut glycémique, ont présenté moins de complications microvasculaires, le bénéfice étant néanmoins plus élevé chez les patients du groupe prédiabète, et ce même s’ils ont développé un diabète durant le suivi.
Diabète et cancer
De nombreuses études montrent que le diabète est associé à un sur-risque de cancers (de 20 à 25 % chez les patients diabétiques de type 2), au même titre que l’obésité et le surpoids, avec lesquels il partage certains facteurs, tels que l’insulinorésistance et l’hyperinsulinisme. L’indice de masse corporelle est ainsi associé à une augmentation du risque de 13 cancers, au premier rang desquels l’adénocarcinome de l’œsophage, les cancers du foie, du pancréas, de l’intestin et du rein, et plus spécifiquement chez l’homme le cancer du rectum, chez la femme les cancer de l’endomètre et du sein. La fraction attribuable au surpoids et à l’obésité dans le risque de survenue d’un cancer a été estimée à 3,6 %. Une étude a évalué l’association entre le diabète de type 1 et la survenue de cancers, à partir des données des registres nationaux de 5 pays (Australie, Danemark, Finlande, Ecosse et Suède). Au total, 9 149 cancers ont été diagnostiqués au cours du suivi de 3,9 millions de personnes-années. L’âge médian au diagnostic était de 51,1 ans (43,5 à 59,5 ans). Outre l’âge de survenue relativement précoce des cancers dans cette population, cette étude épidémiologique montre une augmentation à la marge du risque de cancers chez les patients diabétiques de type 1 : HR 1,07 (1,04-1,10) chez les femmes ; HR 1,01 (0,98-1,04) chez les hommes. Si certains cancers ont une incidence augmentée (foie, pancréas, rein, endomètre, ovaires), on observe a contrario une moindre incidence du risque de cancer du sein chez les femmes et de la prostate chez les hommes. Par ailleurs, la comparaison avec les données d’incidence dans le diabète de type 2 montre des résultats équivalents. Enfin, le risque de cancer varie en fonction de la durée d’évolution du diabète dans les deux sexes ; il est augmenté durant la première année suivant le diagnostic et diminue à mesure que la durée du diabète augmente chez les hommes alors que chez les femmes, ce risque demeure constant après le pic d’augmentation initial. L’ensemble des données d’incidence des cancers associés au diabète de type 1 et de type 2 ainsi qu’à l’obésité n’est pas en faveur d’un dépistage spécifique des cancers chez ces patients et suggère plutôt la nécessité de lutter contre l’excès pondéral et l’inactivité physique.
TIR, un nouveau critère
Le « time in range », TIR, est proposé comme nouveau critère d’efficacité du traitement du diabète chez les patients bénéficiant du contrôle glycémique continu. Il reste néanmoins à définir des objectifs de TIR individualisés en fonction des patients. Plusieurs seuils sont proposés : 66 % et > 70 % des valeurs dans la cible de glycémie de 0,7 à 1,80 g/L. Certains considèrent que ce critère pourrait à terme remplacer l’HbA1c, mais il n’existe pas de données solides quant à son intérêt dans la gestion du traitement au long cours.
Risque cardiovasculaire lié aux hypoglycémies
Une analyse secondaire de l’étude DEVOTE, essai randomisé en treat-to-target comparant la sécurité cardiovasculaire de l’insuline dégludec et de l’insuline glargine 100 chez des patients diabétiques de type 2 à haut risque, s’intéresse plus particulièrement à la variabilité glycémique à jeun en relation avec les hypoglycémies sévères et les événements cardiovasculaires. La variabilité glycémique est significativement associée aux hypoglycémies sévères, aux événements cardiovasculaires majeurs et à la mortalité toutes causes, les risques étant augmentés d’un facteur 2,7, 1,2 et 1,4 respectivement pour chaque doublement de la variabilité glycémique d’un jour à l’autre. Après ajustement, seules les hypoglycémies sévères et la mortalité toutes causes restent significativement associées à la variabilité glycémique. Par ailleurs, il existerait un lien temporel entre la mortalité et les hypoglycémies, ces dernières pouvant être associées à une augmentation des troubles du rythme ainsi qu’à une majoration de l’inflammation, des troubles de la coagulation et de la dysfonction endothéliale.
Les sessions de l’IDF ont été rapportées par D.-C Gauthier (Paris), M. Jalbert (Grenoble), L. Petri (Marseille), A. Rouland (Dijon), L. Schoumaker-Ley (Nancy) et O. Villard (Montpellier)
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