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Neurologie

Publié le 15 oct 2017Lecture 5 min

Incrétinomimétiques et démences

Bernard BAUDUCEAU, Lyse BORDIER-SIRVIN, Service d’endocrinologie, Hôpital Bégin, Saint-Mandé

La majoration du nombre des démences chez les patients diabétiques n’est pas le fruit du hasard. En effet, l’amélioration de la qualité des soins a permis de faire régresser la mortalité précoce laissant le temps à des complications, jusqu’alors considérées comme secondaires, d’occuper le devant de la scène. C’est ainsi que les troubles cognitifs et les démences sont devenues des complications préoccupantes du diabète en termes de santé publique(1).

Fréquence et mécanismes des démences au cours du diabète La maladie d’Alzheimer représente 70 % des cas de démence dans l’ensemble de la population. Les démences vasculaires et les démences mixtes constituent les autres causes les plus communes. Au cours du diabète, la présence de troubles cognitifs est majorée d’un facteur 1,2 en utilisant le MMSE comme référence et celle d’une démence de 1,6. Comme dans l’ensemble de la population la fréquence des troubles cognitifs se majore avec l’âge. Les mécanismes responsables du déclin cognitif chez les patients diabétiques sont multiples et font intervenir l’hyperglycémie chronique, les fluctuations glycémiques et l’insulinorésistance. L’insulinorésistance interviendrait dans la genèse des troubles cognitifs par la dysrégulation de la phosphorylation de la protéine tau et la clairance de la protéine amyloïde. La réponse inflammatoire chronique et le stress oxydatif liés à l’insulinorésistance sont des mécanismes sous-jacents communs au diabète de type 2 et à la maladie d’Alzheimer. L’hyperglycémie chronique est également responsable de l’apparition de la microangiopathie et de la macroangiopathie qui est elle-même favorisée par l’hypertension artérielle (HTA) et la dyslipidémie. Ces facteurs de risque cardiovasculaire interviennent en majorant le risque des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et en conséquence celui des démences vasculaires. C’est ainsi que la prévalence des démences de type vasculaire est multipliée par un facteur 2,38 chez les patients diabétiques alors que la maladie d’Alzheimer ne l’est « que » de 1,39. La survenue d’hypoglycémies sévères constitue également un facteur majeur d’apparition des déficits cognitifs mais ces accidents sont également plus fréquents chez les malades déments en raison des troubles de la mémoire et du comportement qui perturbent les prises médicamenteuses et rendent aléatoire la régularité de l’alimentation. Ce fait constitue un véritable cercle vicieux puisque les hypoglycémies doublent le risque de démence et que les troubles cognitifs multiplient par 3 les accidents hypoglycémiques sévères. Protéger les patients diabétiques du déclin cognitif Les différentes études n’ont malheureusement pas démontré que la normalisation de l’équilibre glycémique permettrait de faire régresser les troubles cognitifs des patients diabétiques, mis à part naturellement au cours des grands déséquilibres responsables de troubles de la vigilance. En revanche, de nombreuses études montrent qu’un équilibre glycémique optimal permet d’éviter la dégradation des fonctions supérieures. L’étude ACCORD MIND n’avait cependant pas montré de différence sur les fonctions psychomotrices entre les bras intensif et conventionnel. En revanche, le volume cérébral estimé par IRM diminuait significativement moins dans le bras intensif. L’étude de suivi dénommée ACCORDION MIND, alors que le taux de l’HbA1c était devenu semblable dans les deux bras, montre que l’évaluation des fonctions cognitives et le volume cérébral ne diffèrent plus significativement. Le cerveau ne semble donc pas avoir de mémoire… glycémique(2). En revanche, la lutte contre les facteurs de risque, notamment l’HTA, intervient de façon déterminante dans la prévention des AVC, permettant de limiter ainsi le nombre des démences vasculaires. En effet, les AVC constituent des complications fréquentes et redoutées du diabète. L’incidence des AVC ischémiques est multipliée par un facteur 2,3 et celle des AVC hémorragiques par un facteur 1,6 chez les patients diabétiques. Les dernières études portant sur les analogues du GLP-1 montrent une diminution des AVC de 11 % (non significative) dans LEADER avec le liraglutide et de 39 % (p = 0,04) dans l’étude SUSTAIN-6 avec le sémaglutide, laissant présager une action bénéfique indirecte sur les démences vasculaires. Action directe du GLP-1 sur les structures cérébrales Des récepteurs au GLP-1 ont été mis en évidence dans les structures cérébrales, en particulier dans la région hypothalamique, ce qui explique l’action sur la modération de l’appétit observée chez l’animal après injection intracérébrale de GLP-1. La prescription des analogues du GLP-1 en pratique clinique a parfaitement confirmé ces données, rendant compte de l’effet favorable sur le poids par une limitation de l’appétit d’origine centrale associée au ralentissement de la vidange gastrique. Les études expérimentales concernant la maladie d’Alzheimer ont montré un effet bénéfique des incrétinomimétiques sur la neurotrophicité et la neuroprotection cérébrale, la plasticité synaptique et le métabolisme des protéines bêta-amyloïde et tau. Contrairement aux inhibiteurs de la DPP4, le GLP-1 endogène ou résultant d’une injection thérapeutique traverse de façon passive la barrière hémato-encéphalique. Une petite partie du GLP-1 peut être synthétisée à partir du noyau du faisceau solitaire qui s’étend depuis le dessous du quatrième ventricule jusqu’à l’extrémité inférieure du bulbe. Le GLP-1 fonctionne alors comme un véritable neurotransmetteur. Les récepteurs du GLP-1 sont retrouvés dans de nombreuses zones du cerveau, notamment le cortex et l’hippocampe qui est une formation très impliquée dans les phénomènes de mémorisation(3). Les analogues du GLP-1 pourraient également exercer un effet bénéfique, indépendamment de l’amélioration du niveau glycémique et de la petite diminution de la pression artérielle, par la protection de la zone de pénombre ischémique lors d’un AVC. Cette zone serait susceptible de retrouver une fonction normale après revascularisation, ce qui limiterait les séquelles des AVC et les conséquences sur la cognition. Cette protection cérébrale induite par les analogues du GLP-1 après une ischémie cérébrale pourrait passer par une limitation de l’inflammation et du stress oxydatif. Conclusion Les médicaments incrétinomimétiques, inhibiteurs de la DPP4 mais surtout analogues du GLP-1, paraissent avoir un effet bénéfique direct ou indirect sur le cerveau en dehors de leur action sur le niveau glycémique. Ces résultats encourageants concernant les effets pléiotropes sur le cerveau et la maladie d’Alzheimer, méritent d’être confirmés par des études prospectives. Cependant, les bénéfices dès aujourd’hui démontrés sur la protection cardiovasculaire des analogues du GLP-1 rendent compte de l’intérêt et des espoirs suscités par cette classe médicamenteuse. Les auteurs déclarent avoir des liens d’intérêt avec la plupart des firmes impliquées dans le traitement du diabète.

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