Thérapeutique
Publié le 15 juin 2017Lecture 5 min
Peut-on guérir le diabète après chirurgie bariatrique ?
Bernard BAUDUCEAU, Lyse BORDIER, Service d’endocrinologie, Hôpital Bégin, Saint-Mandé
Les difficultés de la prise en charge des obésités morbides expliquent le développement de la chirurgie bariatrique. Selon les résultats de l’étude obépi de 2012, en France, 3,1 % de la population de plus de 18 ans avaient un indice de masse corporelle (iMC) supérieur à 35 kg/m2 et 1,2 % à plus de 40 kg/m2. Ces chiffres correspondent à près de 600 000 sujets présentant une obésité morbide. Dans la mesure où un grand nombre des patients obèses sont diabétiques et que la chirurgie bariatrique s’avère très efficace sur la perte de poids et l’équilibre glycémique, la place des indications de ce type de chirurgie dans l’arsenal thérapeutique du diabète se pose légitimement.
Relations diabète de type 2 et obésité
Si tous les patients obèses ne deviennent pas diabétiques, il n’est pas habituel que les personnes diabétiques soient minces. Ce cas de figure doit d’ailleurs inciter à rechercher une cause génétique ou pancréatique au diabète. Dans l’étude Obépi, 43,1 % des patients diabétiques sont obèses et il existe une relation exponentielle entre la prévalence du diabète et l’IMC. Ainsi, cette prévalence passe de 2,2 % chez les sujets dont l’IMC est inférieur à 25 à 16 % chez les patients obèses dont l’IMC dépasse 30 kg/m2. Le risque relatif d’apparition d’un diabète de type 2 est multiplié par 1,5 pour un IMC entre 25,4 et 27,2 kg/m2 et par 2,4 pour un IMC supérieur à 27,2 kg/m2.
Toutes les études de prévention du diabète chez des sujets intolérants au glucose ont démontré leur efficacité et les résultats obtenus dépassent ceux de la metformine. Enfin, dans la pratique quotidienne, il apparaît clairement que la perte de quelques kilos permet d’améliorer significativement l’équilibre glycémique des patients diabétiques de type 2.
Les différentes techniques de chirurgie bariatrique réalisées en France
Le nombre global d’interventions de chirurgie bariatrique est en nette progression en France avec plus de 42 000 interventions réalisées en 2013 et des chiffres qui ont triplé depuis 2006. Après un engouement initial pour la pose d’anneau, cette technique est en pleine décroissance au profit des bypass et surtout de la sleeve gastrectomie qui est aujourd’hui le geste le plus couramment pratiqué. Les régions où la chirurgie bariatrique est le plus souvent réalisée sont le Sud-Est, la Région parisienne et le Nord, qui correspondent d’ailleurs aux zones géographiques où la prévalence de l’obésité est la plus importante.
Résultats pondéraux de la chirurgie bariatrique
Les résultats obtenus en termes de poids varient selon les différentes études et la technique chirurgicale. La pose d’anneau permet d’obtenir une perte de poids de 15 à 30 %, la sleeve de 20 à 30 % et le bypass de 25 à 35 %. C’est la technique de dérivation bilio-pancréatique qui est la plus efficace au prix d’un geste plus complexe avec une perte de poids prévisible de 30 à 40 %. L’amélioration de l’équilibre glycémique et la rémission du diabète sont fonction de cette perte de poids.
Rémission ou guérison du diabète après chirurgie bariatrique ?
Ce type de chirurgie permet d’obtenir une amélioration des comorbidités liées à l’obésité. C’est ainsi que l’HTA, l’hyperuricémie, les dyslipidémies, le syndrome d’apnées du sommeil et la stéatose hépatique sont significativement améliorés par la chirurgie bariatrique. La perte de poids permet également de diminuer l’incidence des cancers féminins et la mortalité cumulée pour l’ensemble de la population dans l’étude Swedish Obese Subjects (SOS).
La rémission du diabète se définit par une HbA1c inférieure à 6 %, une glycémie à jeun inférieure à 1 g/l et l’arrêt des antidiabétiques oraux depuis plus d’un an. La mise en place d’un anneau ou la sleeve permettent d’obtenir une rémission initiale du diabète dans près de la moitié des cas. Comme pour la perte de poids, ce sont les techniques de bypass et la dérivation bilio-pancréatique avec une rémission dans plus de 80 % des cas qui sont les plus efficaces.
Une enquête émanant de l’étude SOS évalue les effets à long terme de cette chirurgie sur l’équilibre glycémique et l’insulinorésistance. L’intérêt particulier de ce travail porte sur l’étude des relations entre la rémission du diabète et la perte de poids(1). La diminution de la glycémie, de l’insulinémie et de l’insulinorésistance évaluée par l’index HOMA est similaire quelle que soit la technique chirurgicale après 2 et 10 ans de suivi. Cette amélioration glycémique ne diffère pas selon le niveau initial de la glycémie mais est directement fonction de la perte de poids et non de la technique opératoire.
Les effets indépendants de la perte de poids sont importants pour la réduction du diabète à court terme incluant les modifications des sécrétions hormonales (GLP-1, ghréline, GIP, peptide YY, oxyntomoduline, etc.) et du microbiote notamment. Le rôle de ces différents mécanismes est attesté par la constatation de l’amélioration très rapide de l’équilibre glycémique qui précède la perte de poids.
Le degré de l’amaigrissement est capital pour la rémission du diabète et paraît plus important que la technique opératoire. Cependant, comme la perte de poids varie du simple au double selon les différentes techniques, la rémission du diabète qui est fonction de la perte de poids est donc indirectement dépendante du mode opératoire.
Dans une métaanalyse regroupant 16 études, 343 patients dont 66 % de femmes avaient un IMC inférieur à 35 kg/m2 et 50 % un IMC inférieur à 30 kg/m2, une réduction de l’HbA1c de 2,9 % et une rémission du diabète ont été obtenues dans 80 % des cas(2). L’efficacité sur le diabète semble donc identique à celle des sujets ayant une obésité sévère. Les prédicteurs péjoratifs pour obtenir une rémission complète sont représentés par une longue durée d’évolution du diabète, un mauvais contrôle glycémique préopératoire et l’utilisation initiale d’insuline. Tous ces cas de figure témoignent d’un déficit profond de l’insulinosécrétion qui ne peut plus être compensée par la perte de poids.
Malheureusement, cette rémission n’est pas synonyme de guérison. Dans l’étude SOS, les patients en rémission passent de 72 % à 2 ans à 36 % après 10 ans de suivi toutes procédures chirurgicales confondues, ce qui cependant reste un chiffre qui n’est pas négligeable(3).
Cette période de normoglycémie est cependant bénéfique puisque l’incidence des complications microvasculaires est significativement moins élevée chez les patients bénéficiant d’une rémission de plus de 15 ans.
Surveillance glycémique postopératoire
L’amélioration très rapide des glycémies après l’intervention impose une surveillance rapprochée et une adaptation du traitement afin d’éviter les accidents hypoglycémiques. C’est ainsi qu’il est recommandé de diminuer la dose de metformine et d’interrompre dans la plupart des cas la prise des sulfamides hypoglycémiants ainsi que les bolus d’insuline rapide. Lorsque les patients reçoivent une insuline basale, la prudence est de diminuer la posologie de moitié.
Conclusion
La chirurgie bariatrique permet donc d’obtenir une amélioration et une rémission du diabète.
Selon les recommandations françaises et internationales, l’indication de la chirurgie peut être posée chez les patients diabétiques de type 2 dont l’IMC est supérieur à 35 kg/m2.
Toutefois, il n’existe à ce jour aucune preuve suffisante pour recommander ce type d’intervention chez des patients dont l’IMC est inférieur à 35 kg/m2 en dehors des protocoles de recherche.
Cette possibilité thérapeutique ne doit pas être banalisée car elle n’est pas sans risque, entraîne la perte de la liberté de manger et nécessite un suivi médical à vie.
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