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Os et Articulations

Publié le 14 oct 2016Lecture 10 min

La vitamine D a-t-elle des effets bénéfiques en dehors de son action sur le tissu osseux ?

L. MONNIER, C. COLETTE, Institut universitaire de recherche clinique, Montpellier

La vitamine D occupe une place particulière dans le monde de la vitaminologie. Synthétisée majoritairement au niveau de la peau sous l’influence des rayons ultraviolets, mais peu présente dans l’alimentation, elle a été et reste certainement l’objet de nombreuses carences dans les pays où l’exposition solaire est insuffisante. Les supplémentations aux âges précoces et avancés de la vie ne souffrent d’aucune discussion et permettent de lutter contre les maladies osseuses : rachitisme, ostéomalacie, ostéopénie, ostéoporose(1). La mise au point du dosage plasmatique du métabolite hépatique de la vitamine D, la 25 hydroxyvitamine D [(25(OH)D], a permis d’établir des normes qui ont conduit à des supplémentations plus ou moins contestables.
Par ailleurs, en s’appuyant sur le fait que la plupart des tissus de l’organisme possèdent des récepteurs à la vitamine D(2), certains scientifiques ont contribué à promouvoir le dosage de la 25(OH)D et à favoriser les supplémentations quasi systématiques en vitamine D pour prévenir ou traiter certaines maladies comme le diabète, l’obésité, le syndrome plurimétabolique, et même les maladies cardiovasculaires au sens large du terme(3). Il paraît donc indispensable d’analyser les données de la littérature pour faire la part du réel et du virtuel.

Métabolisme et sources de la vitamine D Il est représenté de manière schématique sur la figure. La vitamine D est essentiellement synthétisée au niveau de la peau pendant l’exposition à la lumière solaire(3). Elle est ensuite libérée dans le torrent circulatoire. Au niveau du foie, elle subit une première hydroxylation qui conduit à la 25(OH)D. Ce métabolite ne devient biologiquement actif qu’après avoir subi au niveau du rein une deuxième hydroxylation pour donner la 1,25 dihydroxyvitamine D [(1,25(OH)2D]. Cette hydroxylation, qui est réalisée par la 1α hydroxylase rénale, est fortement altérée en cas d’insuffisance rénale. L’alimentation n’apporte qu’une petite quantité de vitamine D (cholécalciférol ou vitamine D3 et ergocalciférol ou vitamine D2). Les aliments sont en général très pauvres en vitamine D et ne suffisent pas à assurer un apport vitaminique correct. C’est pour cette raison que l’exposition solaire est particulièrement importante. Quand elle est normale, les apports nutritionnels recommandés en vitamine D (somme des vitamines D3 et D2) sont indiqués sur le tableau 1(4). En cas de sous-expo sition à la lumière solaire, il convient de recommander des apports plus élevés. Dans tous les cas, ils doivent être modulés en fonction de l’âge du sujet. La teneur en vitamine D de certains aliments de consommation courante est donnée sur le tableau 2(1). Il convient de noter que le lait de vache contient des quantités relativement modestes de vitamine D. C’est pour cette raison que le lait et les produits laitiers sont fréquemment enrichis en vitamine D, la « fortification » autorisée étant au maximum de 40 unités internationales/100 g soit 1 μg/100 g. Le statut en vitamine D d’un individu ou d’une population est habituellement évalué par le dosage plasmatique de la 25(OH)D. Les recommandations devraient être celles qui sont indiquées sur le tableau 3(3). Il est probable que ces normes sont un peu trop élevées. Figure. Métabolisme de la vitamine D. Mécanisme d’action de la vitamine D Elle agit par l’intermédiaire de son métabolite actif 1α 1,25(OH)2D qui régule l’expression de près de 500 gènes(2). La 1,25(OH)2D peut être considérée comme une véritable hormone stéroïdienne dérivant d’une prohormone qui est la vitamine. La 1,25(OH)2D agit au niveau des tissus par l’intermédiaire d’un récepteur spécifique intranucléaire (le VDR pour Vitamin D Receptor)(3). La majorité de la 1,25(OH)2D est fabriquée dans l’organisme au niveau du rein. Elle est ensuite déversée dans le torrent circulatoire. À l’instar d’une hormone, elle va agir à distance sur les organes cibles qui sont extrêmement nombreux. En dehors de l’os, du cartilage et de l’intestin, qui sont les cibles privilégiées de la 1,25(OH)2D, de nombreux autres tissus sont concernés(3). Parmi eux citons : les cellules bêta des îlots de Langherans, les lymphocytes, les fibres myocardiques, le côlon, le système nerveux, la peau, etc. C’est ainsi que la vitamine D a été proposée dans la prévention de certains cancers, de certaines maladies cardiaques et de certaines affections auto-immunes parmi lesquelles il convient de citer le diabète de type 1, la sclérose en plaques, la polyarthrite rhumatoïde, le psoriasis, la maladie de Crohn. Toutes ces données sont importantes pour comprendre pourquoi les supplémentations en vitamine D sont prônées dans de nombreuses affections. Toutefois, ces observations soulèvent la question de savoir si ce qui a été démontré au niveau métabolique est extrapolable à la thérapeutique préventive ou curative de certaines maladies. C’est à cette question que nous allons tenter de répondre en limitant notre propos à certaines maladies métaboliques et aux affections cardiovasculaires.   Existe-t-il un lien entre vitamine D et maladies métaboliques ou affections vasculaires ?   Diabète de type 1 et vitamine D Étant donné que le diabète de type 1 est une maladie autoimmune et que la 1,25(OH)2D a une action immunomodulatrice(1), les carences en vitamine D pourraient être responsables ou faciliter l’apparition d’un diabète de type 1 chez des individus prédisposés(5). Pour confirmer cette hypothèse, des études d’intervention randomisées devraient être entreprises dans de larges populations de sujets supplémentés en vitamine D ou en métabolites hydroxylés de la vitamine D. Au cours des dernières années, quelques études ont été publiées. La première est une étude cas-contrôle (EURODIAB) entre patients ayant développé un diabète avant l’âge de 15 ans et des sujets témoins exempts de diabète. Les risques de développer un diabète de type 1 sont plus faibles chez les sujets ayant reçu dans l’enfance des suppléments en vitamine D(6). Une deuxième étude de suivi effectuée en Finlande a montré qu’une supplémentation avec 2 000 UI pendant la 1re année de la vie réduit le risque de développer un diabète de type 1 après 30 ans de suivi par rapport à des sujets ayant reçu de la vitamine D à des doses inférieures à celles qui sont habituellement recommandées(7). Ces études de prévention fournissent un niveau de preuves insuffisant car il est loin d’atteindre le niveau A des essais d’intervention randomisés avec suivi sur plusieurs années. Lorsque le diabète de type 1 est connu et traité depuis plusieurs années, il n’a jamais été démontré que les supplémentations en vitamine D puissent prévenir la survenue de complications microou macrovasculaires(8,9). En raison de l’hétérogénéité des résultats publiés et en l’absence de preuves apportées par des études bien conduites, il est impossible à ce jour de savoir si la vitamine D joue un rôle dans le diabète de type 1 à titre préventif pour empêcher l’apparition de la maladie ou la survenue de complications sur le long terme. Si une supplémentation en vitamine D est préconisée chez le diabétique de type 1, elle n’est justifiée que s’il s’agit d’une carence avérée. Ses effets bénéfiques, s’il y en a, peuvent être comparés à ceux que l’on peut attendre chez un sujet non diabétique.   Diabète de type 2 et vitamine D Dans le diabète de type 2, il a été rapporté que les taux de 25(OH)D sont à des niveaux plus bas que chez les témoins(10). L’obésité, comme nous le verrons plus loin, est peut-être à l’origine de cette diminution du taux de vitamine D. À ce jour, aucune étude ne permet de conclure à un rôle bénéfique des supplémentations en vitamine D sur l’insulinosécrétion résiduelle et sur l’insulinosensibilité. À titre d’exemple, l’étude Women’s Health Initiative (WHI) a montré des résultats négatifs car elle a montré qu’une supplémentation avec 400 UI de vitamine D par jour n’entraîne aucune réduction du risque de développer un diabète sur une période de 7 ans(11). L’ambiguïté des essais d’intervention plus ou moins bien conduits ne pourra être levée que lorsque nous disposerons des résultats de l’étude d’intervention D2d. Cette étude randomisée, qui a débuté fin 2013, est financée par le National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Disease (NIODDK)(12). Elle a pour objectif de comparer deux populations de sujets à haut risque de développer un diabète sucré de type 2. Dans un bras les sujets seront traités par une dose quotidienne de 4 000 unités de vitamine D, tandis que dans l’autre ils recevront un placebo. Les résultats seront jugés au bout de 3 ans sur l’incidence du diabète de type 2.   Obésité et vitamine D De nombreuses études ont démontré que les concentrations de 25(OH)D sont inversement corrélées avec les différents indices qui permettent d’évaluer les surcharges pondérales : le poids, l’indice de masse corporelle, le tour de taille(13). Chez les obèses, l’augmentation des taux plasmatiques de 25(OH)D après une dose orale de vitamine D ou après exposition solaire est plus faible que chez les sujets en poids normal. Ces différences sont vraisemblablement dues au fait que chez les individus obèses, le tissu adipeux capte la vitamine D qui se trouve piégée en son sein, sans pouvoir être ultérieurement libérée dans la circulation générale(13). En dépit de ces observations, les supplémentations en vitamine D n’ont jamais été associées à une perte de poids quand elles sont prescrites aux obèses(14).   Syndrome plurimétabolique et vitamine D Plusieurs études (NHANES III(15) et NHANES 2003-2004(16)) ont montré une association inverse entre le syndrome plurimétabolique et les taux plasmatiques de 25(OH)D. De plus, les taux de 25(OH)D à l’état de base sont inversement associés avec le risque de syndrome plurimétabolique à 10 ans dans une étude prospective longitudinale effectuée au Royaume-Uni(17). À nouveau, il convient de souligner que nous manquons malheureusement d’études interventionnelles randomisées et que des relations tirées d’études épidémiologiques et de suivi de cohortes ne constituent pas des preuves scientifiques.   Affections cardiovasculaires et vitamine D Dans le passé, de nombreuses études ont rapporté que la carence en vitamine D est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire(18). La plupart de ces études sont épidémiologiques ou observationnelles et leurs conclusions sont en contradiction avec les résultats des essais interventionnels. Les résultats d’une étude publiée en 2007 ont montré qu’une supplémentation vitamino-calcique sur une période de 7 ans n’a entraîné aucune modification du risque d’accidents coronariens ou cérébro-vasculaires(19). Plus récemment, des supplémentations multivitaminiques, comportant un apport en vitamine D, n’ont montré aucun effet bénéfique sur le risque de maladie cardiovasculaire après un suivi de 16,2 années(20).   Quelles conclusions pratiques peut-on tirer de ces observations ?   La première, qui paraît évidente, est qu’il n’existe à ce jour aucune preuve en faveur de l’effet préventif des supplémentations en vitamine D sur la survenue de certaines maladies métaboliques telles que le diabète ou le syndrome plurimétabolique et de certaines affections cardiovasculaires. À titre curatif, la vitamine D n’a aucune action pour favoriser la perte de poids, la guérison du diabète ou la régression du syndrome plurimétabolique. Ces observations sont plutôt décevantes. Dans ces conditions, que faut-il penser des dosages de 25(OH)D pratiqués sans grand discernement chez des personnes qui se plaignent de troubles mal définis et qui se voient proposer une supplémentation vitaminique D dès que les taux plasmatiques sont inférieurs à un certain seuil considéré comme la limite entre un statut vitaminique D suffisant ou insuffisant ?   Le dosage de la 25(OH)D Il permet d’évaluer les réserves de l’organisme en vitamine D mais une exploration complète du métabolisme de la vitamine D devrait comporter un dosage de la 1,25(OH)2D. Avant toute chose, le premier dosage qui devrait être pratiqué est celui de la calcémie. Si son taux est normal, le risque d’anomalie du métabolisme de la vitamine D est fort improbable. La normocalcémie est fréquente chez des sujets qui présentent un taux de 25(OH)D en dessous des seuils conseillés. La supplémentation vitaminique D de ces sujets est-elle utile ? Il est probable qu’elle ne l’est pas, car le taux plasmatique de la 1,25(OH)2D est souvent strictement normal chez ces patients. Dans ce cas, prescrire de la vitamine D n’a strictement aucune justification puisque les doses données seront, après stockage transitoire dans le muscle ou le tissu adipeux, excrétées par voie biliaire. En revanche, si un sujet a une hypocalcémie, le bilan biologique doit porter non seulement sur le dosage de la 25(OH)D et de la 1,25(OH)2D mais également sur ceux de la phosphorémie et de la parathormone plasmatique.   Les carences en vitamine D : réelles ou virtuelles ? Elles sont réelles quand les désordres biologiques suivants sont tous présents : hypocalcémie, hypophosphorémie, diminution de la 25(OH)D et augmentation de la parathormone plasmatique. Dans ce cas, la supplémentation vitaminique est incontournable, même si le taux plasmatique de la 1,25(OH)2D est normal. En effet, même si la baisse de ce métabolite est fréquente dans ce cas, elle n’est pas obligatoire, car la carence peut être compensée pendant un certain temps par une stimulation de la conversion de la 25(OH)D en 1,25(OH)2D grâce à une augmentation de la production de parathormone. C’est pour cette raison que le dosage plasmatique de cette hormone revêt une certaine importance. La carence est en revanche fortement improbable quand on est en présence d’une diminution isolée du taux plasmatique de la 25(OH)D en dehors de toute hypocalcémie, de toute hypophosphorémie et de toute augmentation de la parathormone. Dans ce cas, le taux plasmatique de la 1,25(OH)2D est en général normal. Les supplémentations en vitamine D ne sont pas nécessaires sauf si les taux plasmatiques de 25(OH)D sont vraiment faibles, le seuil de supplémentation vitaminique étant à moduler en fonction du contexte clinique et surtout de la saison. Si les dosages sont pratiqués en hiver, ils sont en général plus faibles que pendant l’été.   Les supplémentations en vitamine D sur une grande échelle sont-elles justifiées ? Les arguments développés dans cette revue permettent de répondre à la question. À ce jour, il n’existe aucune donnée scientifique permettant d’affirmer que les supplémentations en vitamine D exercent un effet bénéfique dans la prévention ou la prise en charge des maladies métaboliques et des affections cardiovasculaires. Pour cette raison, les supplémentations en vitamine D chez les sujets souffrant de diabète, de surcharge pondérale, de maladies cardiovasculaires ou ayant une prédisposition à ces affections doivent être prescrites selon les mêmes règles que chez les autres individus. Pour terminer cette revue, une dernière question mérite d’être posée : « Peut-on considérer que les supplémentations en vitamine D sont anodines ? » La réponse est non car la vitamine D, quand elle est surdosée, peut entraîner des hypercalcémies ou des hypercalciuries, ces dernières pouvant conduire à des lithiases rénales chez des sujets prédisposés à ce type d’affection. Ce danger est d’autant plus grand que certaines préparations sont macrodosées et contiennent des quantités de vitamine D qui vont demander plusieurs semaines ou mois avant d’être totalement métabolisées : les ampoules d’Uvédose® contiennent 100 000 UI de vitamine D et celles de Stérogyl 15®, 600 000 UI de vitamine D. 

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