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Insuline

Publié le 14 avr 2016Lecture 17 min

Pharmacocinétique et pharmacodynamie des insulines à action prolongée : que retenir pour la pratique médicale ?

L. MONNIER*, F. BONNET**, C. COLETTE*, *Institut universitaire de recherche clinique, université de Montpellier **Département d’endocrinologie, CHU de Rennes

La saga des insulines à action prolongée est déjà une histoire presque centenaire qui débute dans les années 30(1,2).

Un peu d’histoire   La saga des insulines à action prolongée est déjà une histoire presque centenaire qui débute dans les années 30(1,2). C’est à ce moment-là que fut développée à Copenhague la première préparation insulinique à action retard ou plutôt semi-retard : l’insuline NPH (Neutral-Protamine- Hagedorn, durée d’action de l’ordre de 12 heures). Cet effet fut obtenu grâce à l’adjonction de protamine, une protéine à haut poids moléculaire, qui forme avec l’insuline un complexe insuline- protamine dont l’hormone se libère progressivement par protéolyse enzymatique. Après une période intermédiaire dans les années 40 où furent développées les insulines «lentes» (IPZ ou insuline protamine zinc), obtenues par adjonction de zinc et d’une quantité accrue de protamine, ce fut dans les années 50 que naquirent au Danemark les insulines ultra-lentes grâce aux travaux de Hallas Moller. En ajoutant des quantités importantes de zinc, il obtint des préparations insuliniques formées de volumineux cristaux à résorption lente avec un effet retard qui dépassait 24 heures. Malheureusement, les cristaux étaient de taille très inégale, avec pour conséquence une grande variabilité dans la résorption souscutanée de ces insulines. Néanmoins, toutes ces préparations insuliniques furent largement utilisées pendant la deuxième moitié du XXe siècle. Les deux dernières décennies du XXe siècle furent marquées par l’apparition d’analogues de l’insuline produits par génie génétique. Ce procédé de biosynthèse, appliqué d’abord à la fabrication d’analogues rapides fut ultérieurement utilisé pour les analogues prolongés. Les 2 premiers représentants de cette classe, la glargine et la détémir, furent commercialisés en France pendant la première décennie du XXIe siècle : • Pour la glargine, l’effet prolongé est obtenu par une modification de la structure (élongation de la chaîne B avec addition de deux résidus arginine en positions B31 et B32), qui entraîne un déplacement du point isoélectrique (pHi) vers la neutralité, avec pour effet de faciliter la microprécipitation de l’insuline dans le tissu cellulaire sous-cutané après son injection. • Pour la détémir, c’est l’acylation de l’insuline qui lui confère un effet retard en lui permettant de se fixer sur l’albumine du plasma et des tissus interstitiels et en provoquant sa « protraction » dans le tissu cellulaire sous-cutané après injection.   Les durées d’action de ces deux insulines sont aux alentours de 24 heures pour la glargine et de 18 heures pour la détémir.   La deuxième décennie du XXIe siècle est marquée par l’apparition de préparations insuli niques dont l’action dépasse les 24 heures avec un profil plus étale au cours du temps (flat insulins). Les deux procédés utilisés pour obtenir ces insulines à action ultra-longue (ultra-long acting basal insulin) font appel soit à une reformulation de la glargine U100, en concentrant la préparation sous forme de glargine U300, soit à une évolution du procédé d’acylation (insuline dégludec) pour augmenter la protraction souscutanée et l’affinité pour l’albumine(1,2). Pour la glargine U300, la durée d’action est estimée à 36 heures(3) et pour la dégludec à 4 à 5 jours(4,5). D’autres préparations à effet ultra-long sont en cours d’expertise. Nous nous contenterons de citer la LY2605541 dans laquelle la lispro (analogue court de l’insuline) est fixée sur du polyéthylène glycol dont l’hydrophilie permet d’augmenter la taille du dépôt insulinique sous-cutané et ainsi de ralentir sa résorption.   Pharmacocinétique et pharmacodynamie des insulines   Dans le paragraphe précédent, nous avons mentionné les durées d’action théoriques des différentes insulines à action lente, qu’il s’agisse soit de préparations aujourd’hui retirées de la pharmacopée (insulines IPZ et ultra-lente), soit d’analogues à action prolongée, commercialisés ou en voie de commercialisation. D’emblée, il faut savoir que ces durées d’action sont l’objet de variations intra et interindividuelles. Ceci explique les difficultés qu’éprouvent les patients et les médecins dans la titration et l’ajustement des doses d’insuline. Malgré cela, il est indispensable d’étudier la pharmacocinétique (PK) et la pharmacodynamie (PD) des insulines prolongées(6,7) pour connaître non seulement leur durée d’action totale mais également pour établir leur profil d’activité, en particulier, pour savoir à quel moment après l’injection se situe leur maximum d’activité et pendant combien de temps il se maintient. De manière générale, toute injection sous-cutanée d’insuline est suivie par la formation d’un dépôt dans le tissu cellulaire sous-cutané, qui se résorbe progressivement pour libérer l’insuline dans la circulation générale. L’insuline circulante se fixe sur des récepteurs spécifiques au niveau des tissus cibles pour exercer son action : freination de la production hépatique du glucose ou utilisation du glucose au niveau des tissus périphériques. Une grande partie de l’insuline qui a été utilisée est ensuite recyclée pour éviter un « gaspillage » qui serait considérable si ce recyclage était absent(8).   Les études de pharmacocinétique Elles sont basées sur l’étude de l’évolution de la concentration plasmatique de l’insuline après injection à condition que le dosage plasmatique soit spécifique de l’insuline injectée(9). Les études de pharmacocinétique les moins sujettes à critique sont celles qui suivent l’injection en bolus d’une dose d’insuline ordinaire par voie intraveineuse. Ces études, réalisées avec l’insuline humaine native, ont montré une décroissance exponentielle rapide avec une demi-vie (temps où la concentration plasmatique de l’insuline a chuté de moitié) de l’ordre de 5 à 10 minutes(6). Dans ce cas, la demi-vie est essentiellement conditionnée par l’élimination de l’insuline. Lorsque l’insuline est injectée par voie sous-cutanée, c’est la résorption de l’insuline au niveau du tissu cellulaire sous-cutané qui conditionne sa demi-vie(6) car le temps d’élimination de l’insuline, une fois qu’elle est passée dans le torrent circulatoire, est extrêmement court (quelques minutes) par rapport au temps de résorption qui peut prendre plusieurs heures, voire plusieurs jours pour les préparations les plus longues. À titre d’exemple, nous donnons sur la figure 1 deux profils pharmacocinétiques, l’un obtenu pour la glargine et l’autre pour la NPH. Ces profils ont été empruntés à l’étude publiée il y a plusieurs années par Lepore et coll.(10). Dans ce travail, la pharmacocinétique des insulines testées a été établie chez des diabétiques de type 1 lors d’un clamp glycémique ayant pour but de maintenir la glycémie à un niveau subnormal (1,30 g/l). Afin de ramener la glycémie aux alentours de la normale avant le début du clamp, ce dernier a été précédé par une infusion intraveineuse d’insuline. Figure 1. Profils pharmacocinétiques de la glargine U100 et de la NPH chez des diabétiques de type 1 (d’après la référence 10). Les profils montrent indiscutablement que la cinétique de la NPH est beaucoup plus rapide que celle de la glargine. Pour cette dernière, la demi-vie n’a pas pu être évaluée car la concentration insulinique s’est maintenue en plateau de la 4e à la 24e heure du clamp. Ce résultat est un peu surprenant car, dans un travail récent conduit dans des conditions similaires, Becker et coll. ont estimé la demi-vie moyenne de la glargine U100 à 13,5 heures(3) (figure 2). Dans ce cas, la concentration plasmatique de l’insuline glargine U100 a diminué progressivement après avoir atteint son maximum entre la 3e heure et la 6e heure après l’injection. C’est sur la pente décroissante que la demi-vie a été calculée pour la glargine U100, mais également pour sa formulation concentrée, la glargine U300 (demivie = 19 heures)(3) (figure 2). Figure 2. Profils pharmacocinétiques de la glargine U100 et de la glargine U300 chez des patients diabétiques de type 1 (d’après la référence 3). Les demi-vies (T1/2) sont de 13,5 h pour la glargine U100 et de 19 h pour la glargine U300. Elles sont calculées par l’intervalle de temps entre le moment de la concentration maximum (Cmax) et celui où la concentration maximum a diminué de moitié (Cmax1/2). La variabilité des résultats en fonction des études souligne les difficultés méthodologiques et expérimentales des études de pharmacocinétique. Ces difficultés ont été énumérées dans un article récent de l’équipe de G. Bolli(11). La concentration plasmatique de l’insuline exogène testée ne peut être interprétée de manière correcte que si le dosage n’est pas « pollué » par un reliquat de sécrétion endogène. C’est pour cette raison que les études sont faites en général chez des diabétiques de type 1 insulinopéniques. À cet égard, les études de pharmacocinétique pratiquées chez des volontaires sains, même si l’on tente de supprimer la sécrétion endogène par une perfusion de somatostatine, sont inadaptées pour évaluer la demi-vie des insulines à action prolongée. Si ces études sont faites chez des sujets insulinopéniques, encore fautil que le dosage de l’insuline soit spécifique de l’insuline testée(9). Ceci n’est malheureusement pas le cas. Dans l’étude de Lepore(10), il est indiqué que la réactivité croisée de l’anticorps utilisé pour le dosage de la glargine plasmatique n’est que de 56 % pour cette forme d’insuline. Pour cette raison, les auteurs de cette publication ont été obligés de multiplier le résultat trouvé par un coefficient égal à 1,8 pour essayer d’obtenir la concentration plasmatique de la glargine. Dans certaines publications il est indiqué que le dosage utilisé a une limite égale à 5 mU/l en dessous de laquelle la quantification est impossible(3). Quand on voit que la concentration maximum (Cmax) est de 15 mU/l avec la glargine U300 (figure 2), comment est-il possible de déterminer précisément la demi-vie puisque la concentration égale à la moitié de la concentration maximum (Cmax1/2 = 7 à 8 mU/l) est très proche de la limite inférieure de sensibilité de la méthode ? Pour les insulines à durée très longue comme la dégludec, la demi-vie pourrait être théoriquement déterminée en évaluant la durée nécessaire pour atteindre le plateau de concentration après une injection unique répétée tous les jours. Cette durée, de l’ordre de 4 à 5 jours, est normalement égale à 4 fois la demi-vie(6), ce qui conduit à une demi-vie légèrement supérieure à 24 heures. Toutefois, quelle est la signification de cette concentration au moment du plateau quand on sait qu’elle est, tout au moins pour les insulines acylées comme la dégludec, la somme de la fraction liée à l’albumine (en principe inactive) et de la fraction libre (seule active) ?   Pour terminer ce chapitre un peu technique et conclure sur une information pratique, il est possible de dire que les études de pharmacocinétique permettent de classer les insulines les unes par rapport aux autres. De manière générale et par ordre de demi-vie décroissante, il apparaît que les insulines à action prolongée peuvent être rangées de la manière suivante : dégludec > glargine U300 > glargine U100 > détémir > NPH. En revanche, il est impossible de donner une valeur précise quant à la demivie de ces différentes préparations insuliniques.   Les études de pharmacodynamie Elles ont pour but d’évaluer l’activité réelle de l’insuline testée. La méthode est basée sur la détermination du débit de glucose à perfuser (GIR pour Glucose Infusion Rate) par voie intraveineuse afin de maintenir la glycémie à la normale chez un sujet qui a reçu une dose donnée d’insuline par voie sous-cutanée (figure 3)(6). Cette technique classique est désignée sous le terme de « clamp euglycémique ». Comme les études de pharmacocinétique, elles devraient être réalisées chez des diabétiques de type 1 insulinoprives afin que l’activité de l’insuline (exogène) à tester ne soit pas « polluée » par une sécrétion insulinique endogène résiduelle. Cette technique implique de ramener la glycémie à la normale en début de clamp, c’est-à-dire au moment où l’insuline à tester est injectée par voie sous-cutanée. Ramener et maintenir la glycémie à la normale dans la courte période qui précède le clamp est une nécessité qui implique l’administration d’insuline ordinaire par voie intraveineuse. En dépit de sa demi-vie courte (quelques minutes), l’insuline ordinaire intraveineuse peut interférer avec l’insuline à tester pendant la première phase du clamp(11,12). En général, le profil du débit de glucose pour maintenir la glycémie à la normale a l’aspect qui est représenté sur la figure 3 : augmentation progressive au fur et à mesure que l’insuline est libérée à partir de son dépôt sous-cutané, passage par un maximum, diminution progressive quand le dépôt d’insuline a subi une réduction significative et nécessité d’arrêter la perfusion de glucose quand le dépôt d’insuline a totalement disparu. Figure 3. Principe de l’étude pharmacodynamique d’une insuline. Après injection sous-cutanée de la préparation insulinique, la glycémie est maintenue dans la zone normale par une perfusion intraveineuse de glucose pour réaliser un clamp euglycémique. Le débit de la perfusion (GIR = Glucose Infusion Rate) est enregistré pendant toute la durée du clamp. L’aire sous la courbe du GIR sur 24 heures (GIRAUC0-24) permet de mesurer l’activité totale de l’insuline à la 24e heure, si l’insuline testée a une durée d’action de 24 heures. L’aire sous la courbe du GIR jusqu’à l’instant t (GIR AUC0-t) permet de mesurer l’activité jusqu’à l’instant t. Le rapport GIR AUC0-t/GIR AUC0-24 permet de mesurer le pourcentage de glucose utilisé grâce à l’insuline testée jusqu’à l’instant t pour une insuline dont la durée d’action est de 24 h (exemple glargine U100). Pour une insuline dont la durée d’action est de 36 h (exemple glargine U300), le pourcentage de glucose utilisé à l’instant t est égal à GIR AUC0-t/GIR AUC0-36. La pharmacodynamie d’une insuline fournit des renseignements pratiques qui sont certainement beaucoup plus intéressants que la pharmacocinétique. En effet, ces études permettent de savoir quelle est la durée maximum d’activité d’une insuline : 24 heures pour la glargine U100 et 36 heures pour la glargine U300 par exemple(3). Elles permettent également de connaître le profil d’activité de l’insuline et de savoir à quel moment de la journée cette activité passe par un maximum ou un plateau. Enfin, si on mesure l’aire sous la courbe en partant du temps 0 au temps t, on peut connaître la quantité de glucose qui a été métabolisée et donc la quantité cumulée d’insuline qui a été libérée et utilisée de 0 à t. Sur la figure 4, nous avons représenté l’effet cumulatif de l’insuline glargine U300 au cours d’un clamp euglycémique poursuivi sur 36 heures(3). Il apparaît que l’utilisation de la glargine U100 (Lantus®) est totale au bout de 24 heures. Pour la glargine U300 (Toujeo®), 80 % de l’insuline est utilisé au bout de 24 heures. Un reliquat de 20 % est utilisé audelà de la 24e heure, l’utilisation devenant totale à la 36e heure. Nous verrons dans le paragraphe « conséquences pratiques des études pharmacodynamiques » comment cette donnée peut être utilisée lorsqu’on initie un traitement par Toujeo®. Figure 4. Effet métabolique cumulatif de l’insuline glargine U300 au cours d’un clamp euglycémique poursuivi sur une durée de 36 h. L’effet métabolique est évalué à partir du GIR AUC0-t, c’est-à-dire de l’aire sous la courbe (AUC) de l’instant 0 à l’instant t. À titre d’exemple, le GIR AUC0-24 est égal à 80 %, ce qui signifie que 80 % de l’effet métabolique de la glargine U300 sont obtenus à la 24e heure. Les 20 % restants exerçent leur effet entre la 24e et la 36e heure (d’après la référence 3). Avant de clore ce chapitre, il convient de noter que les données fournies par les études pharmacodynamiques sont plus difficiles à interpréter lorsque les insulines prolongées ont des durées qui dépassent les 36 heures(3-5). En effet, pour des raisons évidentes, il est difficile de poursuivre un clamp euglycémique sur une durée qui dépasse 36 heures. Les études de pharmacodynamie conduites par Heise et coll. avec la dégludec montrent un effet stable de cette insuline sur 24 heures quand on « découpe » le clamp glycémique en tranches de 6 heures(4). À la fin des 24 heures, l’infusion d’insuline reste stable. Ceci indique que l’action de l’insuline dégludec se poursuit sur une durée qui dépasse largement les 24 heures, mais il est difficile de connaître son profil exact au-delà de cette limite(4,5). La durée totale d’action peut être indirectement évaluée en ayant recours à la mesure de la concentration plasmatique et en regardant au bout de combien de temps elle devient stable (obtention d’un steady state) après un traitement quotidien avec une injection quotidienne de dégludec. Ce temps est de l’ordre de 3 à 4 jours pour cette variété d’insuline(13). Ainsi, en combinant les études de pharmacocinétique et de pharmacodynamie, il est possible de déduire que la durée totale d’une injection de dégludec est de l’ordre de 4 à 6 jours avec une résorption relativement constante du dépôt sous-cutané d’insuline au moins pendant les premières 24 heures.   Conséquences pour la pratique médicale courante   Quand on initie un traitement avec un analogue prolongé de l’insuline à une dose donnée chez un diabétique, tout médecin se pose la question de savoir à quel moment il va obtenir un « steady state insulinique », c’est-à-dire un effet stable de la dose administrée(14,15). À noter d’emblée que « steady state insulinique » et « steady state glycémique » ne sont pas équivalents. Prenons l’exemple d’un diabétique de type 2 chez lequel on débute le traitement avec 20 unités d’un analogue prolongé de l’insuline. Il est bien certain que cette dose va devoir être adaptée dans les jours qui suivent pour aboutir à un contrôle glycémique satisfaisant. En revanche, le steady state insulinique est le moment à partir duquel le sujet sera « imprégné » par une dose stable de 20 unités d’analogue prolongé si on renouvelle les 20 unités quotidiennement. Pour répondre à la question, envisageons les 3 cas suivants. Une insulinothérapie basale est initiée à la dose de 20 unités tous les jours avant le dîner (20 heures), soit sous forme de glargine U100, soit sous forme de glargine U300, soit sous forme de dégludec. Désignons les injections d’insuline quotidienne par les chiffres 1, 2 et 3. L’intervalle de temps entre la première et la deuxième injection d’insuline sera appelée jour 1. Les jours 2, 3,… n débutent à 20 heures avec les 2e, 3e… nième injections.   • Pour la glargine U100 (durée d’action = 24 heures), le calcul est relativement simple. Pendant le jour 1, 100 % de la première dose (20 U) est utilisé. Le steady state insulinique est atteint dès le premier jour (figure 5). • Pour la glargine U300 (durée d’action 36 heures), le calcul est un peu plus complexe (figure 5). - Pendant le jour 1, 16 U (soit 80 % de 20 U) de la première dose sont utilisées pendant les premières 24 heures. - Pendant le jour 2, 20 U seront utilisées. Elles correspondent à la somme des 80 % de la deuxième dose (soit 16 U) et aux 20 % de la première dose (soit 4 U) qui n’ont pas été utilisés pendant le premier jour et qui sont disponibles pour une utilisation ultérieure. Ce calcul peut être étendu aux jours suivants. Ceci montre que le steady state insulinique est obtenu dès le 2e jour. Figure 5. Utilisation des doses de glargine U300 et glargine U100 sur plusieurs jours successifs, les injections de glargine ayant été débutées le 1er jour (20 U) avant le dîner et renouvelées tous les jours avant le dîner à la dose de 20 U. Avec la glargine U100 (partie haute de la figure), il n’y a pas de recouvrement d’un jour à l’autre car la durée d’action est de 24 h. Avec la glargine U300, une partie de l’insuline (zones rouges) est utilisée le lendemain de l’injection. Toutefois, compte tenu du recouvrement de l’utilisation de l’insuline d’un jour à l’autre (zones en rouge), l’équilibre stable en termes d’utilisation de l’insuline (steady state insulinique) est obtenu dès le 2e jour. Dans chaque période de 24 h, la quantité d’insuline utilisée est la somme de la quantité d’insuline métabolisée dans les 24 h qui suivent l’injection de l’insuline (16 U indiquées dans le rectangle vert) et de la quantité d’insuline injectée la veille mais non utilisée (4 U indiquées dans la zone en rouge). La quantité totale d’insuline (glargine U100 ou U300) utilisée quotidiennement (U/J) est mentionnée en haut, dans les rectangles jaunes. • Pour la dégludec (durée d’action approximative = 4 jours), le calcul gravit un degré de plus dans la complexité (figure 6). Compte tenu des études de pharmacocinétique et de pharmacodynamie, on peut considérer que : - La première dose de 20 U sera utilisée de la manière suivante : 10 U sur le 1er jour, 5 U sur le 2e jour, 3 U sur le 3e jour et les 2 U restantes sur les jours ultérieurs. - La deuxième dose de 20 U sera utilisée de la manière suivante : 10 U le 2e jour, 5 U sur le 3e jour, 3 U sur le 4e jour et les 2 U restantes sur les jours ultérieurs. - Ainsi le 2e jour, le sujet utilise 10 U de la 2e dose et 5 U de la 1re dose soit 15 U. Un calcul simple illustré sur la figure 6 montre que le steady state insulinique sera atteint vers le 4e jour, quand les unités des 1re, 2e, 3e  et 4e doses vont se cumuler pour atteindre 20 U quotidiennes.     Ainsi, il apparaît que le temps pour atteindre le steady state insulinique est d’autant plus long que l’insuline basale a une action plus prolongée. Cette observation revêt une certaine importance. Toute augmentation de la dose de Lantus®, si le résultat glycémique n’est pas satisfaisant, peut être théoriquement faite dès le lendemain. Pour la Toujeo®, il est préférable d’attendre 48 heures et pour la dégludec 4 jours au minimum(5). Figure 6. Utilisation des doses de dégludec sur plusieurs jours successifs. Les injections de dégludec ont été débutées le 1er jour (20 U) avant le dîner et renouvelées tous les jours avant le dîner à la dose de 20 U. Le steady state insulinique est obtenu aux alentours du 4e jour. La partie noire du profil pharmacodynamique correspond au 1er jour après l’injection. La partie rouge (en trait plein) du profil pharmacodynamique correspond au 2e jour après l’injection. La partie rouge (en trait pointillé) du profil pharmacodynamique correspond aux journées au-delà du 2e jour après l’injection. Cette partie est en pointillé car elle n’est pas explorée par les clamps euglycémiques dont la durée ne peut excéder 36 à 48 heures. Les doses quotidiennes utilisées sont indiquées en haut dans les rectangles. Elles tiennent compte du recouvrement pharmacodynamique des doses de dégludec d’un jour sur l’autre. Conclusion    Il apparaît que les études de pharmacocinétique et de pharmacodynamie des insulines prolongées sont toutes deux importantes et complémentaires. La pharmacocinétique permet de classer les insulines en fonction de leur demi-vie, en sachant que ces dernières ne sont jamais déterminées avec une grande précision. La pharmacodynamie est importante pour connaître le profil d’activité des insulines et les délais nécessaires pour ajuster les doses, en particulier lorsqu’on initie une insulinothérapie basale. Enfin, il faut savoir que les conditions méthodologiques des études de pharmacocinétique et de pharmacodynamie restent sujettes à débat et qu’elles ne sont pas exemptes de critiques. Dans ces conditions, c’est toujours la pratique du médecin, personnalisée pour chaque patient, qui doit être l’élément de décision essentiel et prépondérant pour la mise en route et l’adaptation des traitements par analogues prolongés de l’insuline.

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