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Thérapeutique

Publié le 01 fév 2016Lecture 10 min

Comment gérer un diabète de type 1 instable ?

L. KESSLER, P. BALTZINGER, Service d’endocrinologie, diabète et nutrition, CHU de Strasbourg


Le diabète de type 1 est caractérisé par une exacerbation de la variabilité physiologique du contrôle de la glycémie. Le diabète instable est suspecté lorsque cette variabilité glycémique est associée à la survenue d’accidents hyper- et/ou hypoglycémiques sévères susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital du patient et/ou d’altérer la qualité de vie du patient. Les développements de la mesure continue du glucose couplée au traitement insulinique et la greffe d’îlots pancréatiques ont permis de faire reculer le diabète instable. Comment amener les patients jusqu’à ces deux alternatives thérapeutiques ?

Épidémiologie Le diabète de type 1 (DT1) instable concerne un sous-groupe de patients DT1 présentant des accidents aigus récurrents, acidocétoses (au moins 3 épisodes sur les 2 dernières années) et/ou hypoglycémies sévères (au moins 3 épisodes dans la dernière année) qui dans tous les cas conduisent à une altération majeure de la qualité de vie. La prévalence du DT1 instable est faible de 1,2 à 3 pour 1 000 diabétiques. Dans cette population, la morbi-mortalité est augmentée du fait de la majoration des accidents aigus, hypo- ou hyperglycémiques et de l’accélération des complications dégénératives. Récemment a été identifiée une cause particulière de décès en relation avec l’instabilité glycémique : le « dead in bed syndrome ». Une récente étude a analysé les données autopsiques de 67/1 914 diabétiques de type 1 décédés de moins de 40 ans. Quatorze pour cent de ces patients âgés en moyenne de moins de 30 ans sans maladie cardiovasculaire associée présentaient une mort subite sans cause identifiée à l’autopsie. Il s’agissait pour la plupart de patients à HbA1c élevée, à IMC bas et à grande variabilité glycémique, avec hypoglycémies sévères plus fréquentes(1). Quantifier l’instabilité glycémique La première étape de prise en charge d’un patient présentant un diabète de type 1 instable consiste à quantifier l’instabilité glycémique. Elle est souvent difficile au plan clinique, surtout lorsque le patient ne ressent pas ses hypoglycémies ou à une diminution du seuil de perception des hypoglycémies. L’identification de l’instabilité glycémique a récemment bénéficié de la mesure continue du glucose. Au plan clinique Certains éléments cliniques permettent toutefois d’orienter vers un diabète de type 1 instable. Il s’agit le plus souvent d’un patient à longue durée d’évolution du diabète. En cas d’acidocétose récurrente, il s’agit le plus souvent de femmes jeunes, entre 20 et 25 ans, à HbA1c élevée et complications dégénératives évolutives. D’autres patients présentent des hypoglycémies sévères nécessitant le resucrage par un tiers. Il s’agit le plus souvent de sujets plus âgés, entre 40 et 50 ans, obsessionnels avec sur-correction chez qui l’HbA1c est modérément augmentée avec peu de complications dégénératives. Dans tous les cas, il existe un profil psychologique particulier dans lequel il est toujours difficile de savoir si cette instabilité glycémique en est la cause ou la conséquence.   Au plan clinique, il conviendra d’évaluer la sévérité des épisodes aigus : fréquences, circonstances d’hospitalisation pour acidocétose ou hypoglycémie, préciser le seuil de perception des hypoglycémies, s’agit-il d’hypoglycémies ressenties ou non, à partir de quelle valeur ? Nécessitent-elles l’aide d’un tiers pour le resucrage : conjoint, enfant, médecin, SAMU et comment : sucre per os, glucagon, sont-elles diurnes ou nocturnes ? Il faudra différencier, d’une part, les hypoglycémies avec mise en jeu du pronostic vital, accompagnées de comas, de troubles neurologiques, de convulsions pouvant entraînant des traumatismes et, d’autre part, les hypoglycémies où le resucrage est réalisé par un conjoint par exemple par une injection de glucagon. La quantification de l’instabilité glycémique pourra être précisée à l’aide du questionnaire de Clark qui est un questionnaire clinique de perception des hypoglycémies reposant sur 7 questions ou de l’hyposcore qui prend en compte la fréquence, la sévérité, la perte des symptômes d’hypoglycémies mineures sur 4 semaines et d’hypoglycémies sévères sur 1 an. La mesure continue du glucose La mesure continue du glucose représente un apport important pour la quantification de l’instabilité glycémique. Celle-ci pourra être réalisée en aveugle ou non en fonction des patients avec les dispositifs IPro, Minilink (Medtronic), Dexcom (Animas), Navigator ou FreeStyle (Abbott) permettant une détermination individuelle du profil glycémique sur 24 h ainsi que la détection des hypoglycémies nocturnes. La mesure continue du glucose constitue également une aide au calcul des indices de fluctuation glycémique pour évaluer la variabilité glycémique, la reproductivité glycémique et le risque d’hypoglycémie sévère. Les logiciels informatiques attenants à la mesure continue du glucose permettent de manière informatique de déterminer les valeurs moyennes du glucose sur 24 h, la déviation standard, les différents indices : le MAGE = Mean Amplitude Glycemic Excursion (variation intrajournalière des glycémies), le MODD = Mean Of Daily Difference (variation interjournalière des glycémies), temps passé en dessous de 0,6 g/l et au-dessus de 4 g/l ainsi que les AUC pour les valeurs de glucose < 0,6 et > 4 g/l. La qualité de vie L’évaluation du retentissement de l’instabilité glycémique sur la qualité de vie est essentielle. Seront évalués le déni de la maladie, l’acceptabilité des différents traitements par le patient (pompe, capteur glycémique), l’existence d’arrêts de travail à répétition, de mise en invalidité secondaire à des hospitalisations itératives. La recherche d’une dépression associée est systématique. Enfin la détermination chiffrée de la qualité de vie sur une échelle d’évaluation analogique de 1 à 10 pourra être utilisée. Corriger les facteurs exogènes et proposer le traitement le plus approprié Réévaluation thérapeutique La prise en charge d’un patient présentant un DT1 instable nécessite une réévaluation de son traitement insulinique prenant en compte la pharmacocinétique des insulines, les techniques d’injection, le site d’injection, la longueur de l’aiguille, l’existence de lipodystrophie, de douleur, rougeur, hématome au point d’injection et de ponction de la pompe à insuline. Les erreurs d’ajustement de traitement seront à chercher en ce qui concerne des apports alimentaires irréguliers. La possibilité d’une éducation à l’insulinothérapie fonctionnelle sera évaluée de même que l’adaptation des doses d’insuline par rapport à des activités physiques non programmées. Les modalités d’insulinothérapie seront réévaluées. Le passage d’un traitement basal-bolus par multi-injections d’insuline à un traitement par pompe à insuline portable pourra être proposé pour réduire les hypoglycémies et permettre une meilleure flexibilité par rapport au repas et à l’activité physique. Le couplage de la pompe à une mesure continue du glucose pourra être proposé au patient. Dans ce contexte, le traitement par pompe à insuline portable externe a montré son efficacité par la réduction des hypoglycémies sévères. Le couplage de la pompe à insuline externe à la mesure continue du glucose à l’aide du dispositif Véo (Medtronic) montre également une réduction de 38 % de l’AUC pour les glycémies < 0,6 g/l durant la nuit. Par ailleurs, le traitement prolongé de 6 mois par pompe couplée à la mesure continue du glucose avec le système Véo permet de restaurer une contrerégulation hormonale et d’augmenter le seuil de perception des hypoglycémies de 3,1 ± 0,2 versus 2,6 ± 0,1 mmol/l(2). La prise en charge éducative couplée à la réadaptation du traitement a montré son efficacité dans le programme DAFNE par la réduction des épisodes d’acidocétose et des hypoglycémies sévères dans un groupe de 939 patients DT1 ayant bénéficié du programme d’éducation à l’insulinothérapie fonctionnelle avec ajustement de doses aux apports alimentaires un an après la mise en place du programme(3). Rechercher une étiologie La recherche d’une étiologie à l’instabilité glycémique est systématique, permettant de proposer un traitement spécifique. La recherche d’une maladie coeliaque permettra d’améliorer la variabilité glycémique par l’exclusion du gluten de l’alimentation. Une neuropathie autonome digestive comme la gastroparésie diabétique sera évoquée en cas d’hypoglycémies postprandiales associées à des douleurs et nécessitera la réalisation d’une scintigraphie aux aliments marqués pour en faire le diagnostic. Au plan thérapeutique, il pourra être proposé de l’érythromycine à dose pédiatrique 250 mg, 3 cp/j, ou la pose d’un stimulateur gastrique. La recherche d’anomalies de la contrerégulation nécessitera une évaluation de la fonction hypothalamo- hypophysaire et la recherche d’une insuffisance en hormone de croissance dont le traitement de l’insuffisance pourra réduire l’instabilité glycémique. Les patients aux antécédents de pancréatectomie présenteront fréquemment une grande variabilité glycémique du fait de l’absence de sécrétion de glucagon. Prise en charge psychologique Dans tous les cas, une prise en charge psychologique sera nécessaire. Des données récentes montrent chez les patients diabétiques à instabilité glycémique, comparés à un groupe de diabétiques appareillés pour l’âge, le sexe et l’évolution du diabète mais sans instabilité, une augmentation des profils anxieux phobiques avec des traits plus marqués de troubles de la personnalité de type de schizoïde, des personnalités narcissiques avec des comportements compulsifs et dépressifs(4). Observer et réévaluer l’instabilité glycémique L’évaluation d’une instabilité glycémique chez un patient diabétique de type 1 requiert une période d’observation prolongée. Dans certains cas, il sera nécessaire d’avoir recours à une mise en observation en milieu hospitalier de façon à objectiver la variabilité glycémique dans des conditions standardisées. Cette observation permettra d’apprécier l’impact d’une éducation thérapeutique par une insulinothérapie fonctionnelle et les modifications de traitement. Une période d’observation prolongée sur plusieurs mois est parfois nécessaire permettant de réévaluer les accidents aigus hyper- et hypoglycémiques, l’évolution des complications dégénératives et l’impact d’une prise en charge psychologique régulière. À l’issue de toutes ces modifications, les objectifs thérapeutiques pourront alors être réévalués et, chez certains patients, l’instabilité glycémique sera corrigée. Traiter l’instabilité glycémique La prise en charge thérapeutique de l’instabilité glycémique s’intègre dans le cadre de l’escalade thérapeutique du diabète de type 1 où successivement le patient pourra passer d’une insulinothérapie basal-bolus à une insulinothérapie par pompe externe plus ou moins couplée à une mesure continue du glucose avec proposition ultérieure d’un traitement par pompe implantée à infusion intrapéritonéale d’insuline, puis à une greffe d’îlots pancréatiques ou de pancréas. Dans tous les cas, le choix et la motivation du patient pour le traitement choisi sont essentiels.   Les pompes à insuline Dans le cadre de cette escalade thérapeutique, la première étape consiste à proposer au patient un couplage de la pompe à insuline externe à une mesure continue du glucose. Ces traitements ont montré leur efficacité sur la réduction de la variabilité glycémique et la diminution des hypoglycémies sévères notamment nocturnes. Il se pose cependant le problème de l’acceptation psychologique de ce traitement chez certains patients qui sont réticents au port d’un dispositif externe en permanence. Pour d’autres patients, l’utilisation de ces dispositifs est marquée par un échappement progressif du contrôle des glycémies en relation avec une diminution de l’utilisation du capteur. Par ailleurs, l’absence de prise en charge des capteurs de glucose par l’assurance maladie limite leur utilisation à un petit nombre de patients. Chez les patients refusant au plan psychologique un dispositif externe, il est possible de proposer un traitement par infusion intrapéritonéale d’insuline par pompe implantée permettant la réduction de la variabilité glycémique avec une diminution des hypoglycémies mais sans complète disparition. Cette thérapeutique nécessite une anesthésie générale pour l’implantation de la pompe, une consultation en diabétologie toutes les 6 semaines pour le remplissage de la pompe à insuline implantée. Ce traitement n’est actuellement disponible que dans un nombre restreint de centres. Les greffes d’îlots pancréatiques Enfin, la dernière alternative thérapeutique pour le diabète instable est le recours à la greffe de pancréas ou d’îlots pancréatiques. La greffe de pancréas est peu proposée au diabétique instable en raison des complications chirurgicales très importantes. La greffe d’îlots pancréatiques, caractérisée par sa faible morbidité, a montré son efficacité pour le traitement du diabète instable. Les derniers résultats du groupe GRAGIL rapportent un greffon fonctionnel chez 75 % des patients à 5 ans avec une disparition des hypoglycémies et une insulinoindépendance chez 35 % des patients(5). Comme toute greffe, la transplantation d’îlots pancréatiques nécessite la mise en place d’un traitement immunosuppresseur susceptible d’entraîner des effets indésirables (infection, tumeurs) dont il est important d’évaluer le rapport bénéfices/risques. Afin de mieux préciser le positionnement de la greffe d’îlots pancréatiques par rapport au traitement par pompe à insuline couplée à la mesure continue du glucose, un grand essai multicentrique national a débuté en septembre 2015. Il s’agit de l’essai STABILOT dont l’objectif est d’évaluer l’impact médico-économique de la stabilisation des formes sévères de diabète de type instable par transplantation d’îlots pancréatiques. Cet essai randomisé contrôlé de phase 3, en groupes parallèles, a pour objectif de comparer l’impact médico-économique, en termes de coût et d’utilité à 1 an, de la greffe d’îlots pancréatiques au traitement médical optimisé (insulinothérapie intensifiée à l’éducation thérapeutique couplée à la mesure continue du glucose) chez les patients DT1, diabète instable sans mise en jeu du pronostic vital. Les patients présentant des hypoglycémies sévères avec mise en jeu du pronostic vital seront directement inscrits en liste d’attente de greffe d’îlots pancréatiques. Cet essai permettra de montrer quel est le bénéfice réel de la greffe d’îlots par rapport au traitement médical optimisé et d’identifier les patients relevant de ce traitement. Il représente le préalable pour la prise en charge de ces deux traitements par l’Assurance maladie. Figure 1. Stratégie de prise en charge d'un patient présentant un diabète de type I instable (MCG : mesure continue de glucose). Figure 2. Mesure continue de glucose chez un patient présentant un diabète de type I instable (A) avant et (B) après greffe d'îlots pancréatiques.

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