Publié le 14 juin 2013Lecture 7 min
Quelle stratégie d’intensification après insuffisance de la basale ?
M. DEKER
SFD
L’inertie thérapeutique ne concerne pas seulement les diabètes de type 2 (DT2) débutants. Déjà, l’insulinothérapie est commencée tardivement en France, environ 10 ans après le début de la maladie et généralement quand le taux d’HbA1c dépasse 9 %. Toutefois, 35 % des DT2 traités par insuline basale + antidiabétiques oraux (ADO) restent insuffisamment contrôlés avec une HbA1c > 8 %.
Pratiques d’intensification de la basale
Deux études, l’une réalisée auprès des médecins généralistes, l’autre des spécialistes, permettent d’estimer le délai avant intensification du traitement chez les patients DT2 sous insuline basale. Parmi les diabétiques suivis en médecine générale, si l’on considère le seuil de 7 % d’HbA1c, 16 % seulement des patients ont vu leur traitement intensifié, et ce, au bout de 14 mois en moyenne après la première mesure d’HbA1c supérieure à l’objectif ; au seuil de 8 % d’HbA1c, le pourcentage de patients intensifiés est de 24 % à 1 an. À noter que les patients bénéficiant ou non d’une intensification thérapeutique ne diffèrent pas en termes d’âge, de complications ou d’IMC.
Dans l’étude réalisée auprès des spécialistes chez plus de 800 diabétiques traités par insuline basale °” ADO (12-13 ans d’évolution du diabète), près de 70 % présentaient un déséquilibre au seuil de 7 %, et 30 % au seuil de 8 %. La glycémie à jeun (GAJ) était normale chez la moitié des patients qui n’étaient pas à l’objectif de 7 % d’HbA1c ; lorsqu’elle n’était pas normale, la moitié des patients avaient une HbA1c > 8 %. Par ailleurs, le déséquilibre de l’HbA1c datait d’environ 2 ans.
Quand le traitement a effectivement été intensifié chez 40 % des patients, la motivation principale a été le déséquilibre glycémique et c’est la valeur de l’HbA1c qui a primé, le profil glycémique étant considéré comme un critère supplémentaire. Les motifs de non-intensification du traitement ont été analysés pour les 60 % de patients en relevant : pour les patients ayant une HbA1c > 7 %, l’équilibre glycémique avait été jugé satisfaisant ; pour les patients ayant une HbA1c > 8 %, les raisons invoquées relèvent de l’objectif glycémique (moins strict) dans 35 % des cas et surtout du profil du patient dans ses aspects cliniques, sociaux, psychologiques (50 %).
Ces études montrent bien que l’inertie thérapeutique est fréquente, même au stade de l’insulinothérapie. En comprendre les raisons devrait fournir des réponses en termes de stratégie thérapeutique pour améliorer l’équilibre glycémique.
Agonistes du GLP-1 : une classe hétérogène
Le GLP-1, sécrété en réponse à l’absorption d’un repas, possède trois actions principales : il stimule la sécrétion d’insuline, freine la sécrétion de glucagon et ralentit la vidange gastrique. Seulement 5 à 10 % du GLP-1 parvient jusqu’aux cellules β-pancréatiques et le GLP-1 interagit d’abord dans son environnement avec le système nerveux entérique, qui va informer le système nerveux central, lequel redistribue l’information vers les tissus périphériques, pour générer des effets pléiotropiques sur le pancréas endocrine et exercer des actions extrapancréatiques sur les vaisseaux et favoriser l’utilisation du glucose en périphérie.
Les effets des différentes stratégies visant à potentialiser l’action du GLP-1, soit en bloquant sa dégradation par la DPP-4, soit au moyen des agonistes pharmacologiques du récepteur du GLP-1, résistants à la DPP-4, diffèrent selon leur profil pharmacocinétique. C’est particulièrement vrai des agonistes du GLP-1 dont l’impact thérapeutique sur le contrôle glycémique varie selon la demi-vie du produit : ainsi les agonistes à demi-vie courte, tels l’exénatide ou le lixisénatide, agissent préférentiellement sur la vidange gastrique, en ralentissant l’absorption du glucose, tout en conservant les effets centraux liés à la stimulation du système nerveux intestinal, alors que les agonistes à demi-vie longue agissent principalement sur la glycémie basale. La classe des agonistes du GLP-1 n’est donc pas homogène et il convient de distinguer les agonistes prandiaux des agonistes basaux.
Intérêt des agonistes prandiaux du GLP-1
Chez le diabétique de type 2, l’insulinothérapie débute généralement par une basale, qui permet dans un premier temps de corriger la glycémie à jeun (GAJ) et d’abaisser toutes les autres valeurs glycémiques, d’où un équilibre glycémique satisfaisant. Avec la dégradation progressive de la fonction β-pancréatique, l’équilibre glycémique se dégrade, marqué par des pics d’hyperglycémie postprandiale ; l’insulinothérapie basale parvient à corriger la glycémie à jeun mais ne suffit plus à contrôler l’ensemble du profil glycémique. L’augmentation des doses d’insuline basale fait courir un risque hypoglycémique, alors que c’est la glycémie postprandiale qui est le principal contributeur du déséquilibre de l’HbA1c chez la majorité des patients DT2 sous insulinothérapie basale. À ce stade d’intensification thérapeutique, les agonistes prandiaux du GLP- 1 ont tout particulièrement leur place.
Quelques données cliniques permettent d’étayer l’intérêt de cette stratégie d’intensification après la basale. Une étude chez des patients en insuffisance de basale (HbA1c entre 7 et 8 %) a montré que l’ajout d’exénatide 2 x/j permet une amélioration très significative de l’HbA1c comparativement au placebo, avec un différentiel de 1,5 %, outre une perte de poids d’environ 2,8 kg et sans surcroît d’hypoglycémies. L’étude autorisait une titration de la basale, mais l’augmentation des doses d’insuline a été moindre dans le groupe exénatide, de 6,5 U/j. Une autre étude a évalué la stratégie consistant à débuter par un agoniste basal chez des patients en échec de traitement oral, en conservant la metformine et en titrant le liraglutide jusqu’à 1,8 mg/j. Parmi les patients traités, 60 % ont répondu au traitement et atteint l’objectif d’HbA1c < 7 %. Les 40 % de non-répondeurs ont été traités soit en ajoutant une insuline basale, soit en poursuivant le liraglutide ; l’ajout de la basale a permis d’améliorer de 0,5 % seulement l’HbA1c chez les non-répondeurs au liraglutide. Il aurait sans doute été plus bénéfique à ces patients de leur proposer une insulinothérapie basale seule, quitte à intensifier ultérieurement le traitement par un agoniste prandial.
Deux études du programme GetGoal valident cette stratégie. GetGoal L a comparé, chez des patients DT2 mal équilibrés sous basale (55 U/j), l’ajout d’une injection de lixisénatide le matin à un placebo, sans possibilité de titration de la basale. L’HbA1c a été améliorée significativement dans le groupe lixisénatide, outre une perte de poids de 1,8 kg en moyenne et une diminution des besoins en insuline. Dans le sous-groupe de patients ayant une GAJ < 1,20 g/l, l’effet du lixisénatide sur l’HbA1c est encore plus marqué que dans l’ensemble du groupe (0,6 % vs 0,4 %).
Dans l’étude GetGoal Duo 1, chez des patients en échec d’ADO, l’intensification a débuté par l’introduction de glargine, avec maintien des insulinosensibilisateurs ; les patients en échec de basale (GAJ < 1,20 g/l mais HbA1c élevée) ont été randomisés pour recevoir du lixisénatide ou un placebo, avec la possibilité de poursuivre la titration de la glargine. Cette stratégie d’intensification par le lixisénatide a permis d’améliorer de manière significative l’HbA1c comparativement au placebo, si bien qu’en partant d’une valeur de 8,6 %, plus de 55 % des patients ont atteint l’objectif de 7 % d’HbA1c.
Chez les diabétiques de type 2 insuffisamment contrôlés par une insuline basale bien titrée, le lixisénatide pourrait représenter une alternative intéressante aux autres stratégies d’intensification thérapeutique, qui viendrait complémenter les effets de la basale en procurant une réduction de l’HbA1c de l’ordre de 0,6 à 0,7 %, avec un effet pondéral soit neutre, soit bénéfique, et éventuellement une diminution des doses d’insuline, sans augmentation du risque d’hypoglycémie.
Symposium Sanofi Diabète « Association insuline-GLP-1 prandial : vers une nouvelle stratégie thérapeutique », avec la participation de B. Guerci (Vandoeuvre-lès-Nancy), P. Gourdy (Toulouse), R. Burcelin (Toulouse) et D. Raccah (Marseille).
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