Congrès
Publié le 14 fév 2013Lecture 6 min
Perturbations métaboliques liées aux psychotropes
M. DEKER, d’après la communication de B. Fève
32es Journées Nicolas Guéritée
De nombreuses études épidémiologiques en témoignent : les patients schizophrènes traités par psychotropes ont une durée de vie plus brève, de 15 à 30 ans, comparativement à la population tout-venant. Les morts violentes par suicide sont initialement responsables de ce surcroît de mortalité, mais à mesure que la maladie progresse, ces patients sont victimes de maladies cardiovasculaires, elles-mêmes consécutives à des désordres métaboliques, d’autant plus importants que les malades sont traités par des psychotropes de dernière génération.
Les psychotropes de 1re génération agissent principalement en bloquant les récepteurs dopaminergiques. Dans les années 1990, d’autres molécules de 2e génération, dites « atypiques », sont apparues. Elles se distinguent par un profil réceptoriel beaucoup plus large, une meilleure tolérance, moins d’hyperprolactinémies et l’absence d’effets secondaires de type extrapyramidal, pour une efficacité symptomatique équivalente.
Très rapidement après la mise à disposition de ces nouvelles molécules, sont apparus des troubles métaboliques et des prises de poids parfois majeures, d’autant plus préoccupants que ces agents sont prescrits à une population ayant déjà des facteurs de risque métabolique et cardiovasculaire, en raison de la nature même de la maladie psychiatrique, du contexte socioéconomique des patients et de leurs fréquentes addictions, en particulier le tabagisme.
Des prises de poids majeures sous neuroleptiques de 2e génération
Différentes études épidémiologiques portant sur de grandes cohortes ont révélé une prévalence du syndrome métabolique variant de 30 à 50 %. Cette prévalence a même tendance à s’élever globalement et à augmenter à mesure que l’on avance dans la maladie psychiatrique : 15 % pour une maladie datant de < 1,5 ans et jusqu’à 50 % pour une maladie évoluant depuis plus de 20 ans. Quant au diabète, sa prévalence serait de près de 15 % dans cette population. Les molécules de 2e génération occasionnent davantage d’effets métaboliques délétères, selon plusieurs métaanalyses. Il ne s’agirait, en outre, pas seulement d’un effet de classe ; en effet, deux molécules se dégagent parmi les nouvelles, comme responsables du maximum d’effets métaboliques, la clozapine et l’olanzapine.
Malgré une grande disparité en termes de variation pondérale, la prise de poids moyenne sous olanzapine est de 9 kg et plus de 30 % des patients traités gagnent plus de 7 % de leur poids initial, dans une étude récente(1) ; d’autres études ont observé une prise de poids encore plus élevée sous olanzapine, ce qui ferait de cette molécule la plus obésitogène et dyslipidogène de tous les antipsychotiques.
Les enfants et les adolescents ont une sensibilité particulière à ces molécules en matière de prise de poids. Une étude réalisée chez 500 jeunes patients (4 à 19 ans) a observé une prise de poids moyenne de 8,5 kg en 3 mois sous olanzapine, plus élevée que chez les adultes, et s’accompagnant des mêmes troubles métaboliques(2).
Les autres molécules de 2e génération, rispéridone, quiétapine, aripiprazole et amisulpiride sont un peu moins délétères sur le plan métabolique.
Quels sont les mécanismes supposés en cause ?
Alors que les molécules de 1re génération agissent principalement en bloquant les récepteurs dopaminergiques, les nouvelles ciblent certains sous-types de récepteurs sérotoninergiques, histaminiques, muscariniques et/ou α-adrénergiques. Un blocage des récepteurs dopaminergiques ou sérotoninergiques a été invoqué pour expliquer la prise de poids induite par les neuroleptiques. Toutefois, il existe de grandes discordances entre le profil d’action individuel de ces molécules sur les récepteurs et leur capacité à induire un trouble métabolique.
Il a aussi été posé comme hypothèse qu’une résistance à l’insuline précède la prise de poids, hypothèse qui a été invalidée en démontrant que l’insulinorésistance est un phénomène secondaire. Dans les modèles expérimentaux, la molécule la plus délétère est l’olanzapine, pour entraîner l’expansion la plus importante du tissu adipeux ainsi qu’une insulinorésistance. Un autre mécanisme invoqué est l’émergence précoce d’une résistance à la leptine, dont l’une des actions est d’induire un effet satiétogène au niveau cérébral. Mais là encore, l’élévation de la leptine serait un événement secondaire à l’augmentation de la masse grasse. De nombreuses études évoquent un impact des molécules incriminées sur les tissus périphériques – tissu adipeux, foie, pancréas. In vitro, l’exposition des préadipocytes à des antipsychotiques de 2e génération amplifie la différenciation adipocytaire, via l’induction de SREBP-1C, facteur transcriptionnel dont dépendent les enzymes de l’adipogenèse responsables de la synthèse des acides gras.
Enfin, les multiples études pharmacogénétiques n’ont pas permis d’aboutir à des conséquences pratiques.
Que faire en pratique ?
La logique veut que l’on s’efforce d’agir sur les facteurs de risque modifiables : style de vie, tabagisme, diabète, hypertension, dyslipidémie. Cela suppose de recenser les facteurs de risque cardiovasculaire et métabolique des patients traités par neuroleptiques et de faire un bilan initial et régulier. Les prises de poids sous antipsychotiques surviennent en général très précocement, ce qui implique de revoir ces patients très rapidement après la mise sous traitement, car il sera plus facile d’agir durant la période dynamique de constitution de l’obésité qu’une fois celle-ci constituée.
La mise en œuvre des modifications du style de vie est souvent difficile sur ce terrain de maladie mentale sévère et nécessite une prise en charge par des équipes multidisciplinaires. L’apparition d’une dyslipidémie et d’un diabète requiert une prise en charge spécifique. Elle doit inciter, autant que faire se peut, à changer de traitement, une fois la situation psychiatrique stabilisée, au profit d’une molécule plus neutre sur le plan métabolique.
Quant à prévenir la prise de poids sous antipsychotique, des études ont évalué l’intérêt de la metformine. Une métaanalyse de 4 études de courte durée montre un effet préventif de la prise de poids grâce à un traitement par la metformine, soit une différence de 5 kg comparativement au placebo(3). En revanche, une fois la prise de poids constituée, la metformine n’a pas montré d’effet.
Les antipsychotiques, en particulier de 2e génération, ont des effets délétères métaboliques et cardiovasculaires bien documentés. La plus grande attention doit être portée chez les sujets à risque, notamment les schizophrènes en première poussée, et les enfants et adolescents qui développent des prises de poids majeures et ce, très rapidement. Le véritable enjeu est vital, l’espérance de vie étant très écourtée.
Quelle que soit la génération d’antipsychotique, les effets métaboliques sont dose-dépendants.
Enfin, certains patients débutent leur maladie métabolique par une acidocétose.
D’après la communication de B. Fève - Paris, 23-24 novembre 2012
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