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Os et Articulations

Publié le 30 sep 2012Lecture 6 min

Diabète et os : des pathologies associées

G. WERYHA, B. ZONCA, Service d’Endocrinologie CHU de Nancy, Vandœuvre-les-Nancy

Le diabète sucré et l’ostéoporose sont deux problèmes de santé publique dont le retentissement clinique augmente régulièrement avec le vieillissement des populations.
Un ensemble de données cliniques et expérimentales se développe rapidement pour démontrer le lien physiopathologique entre ces deux maladies. La métaanalyse de M. Janghorbani publiée en 2007 dans l’American Journal of Epidemiology1 a démontré clairement que les diabètes de type 1 et 2 sont associés à une augmentation significative du risque fracturaire chez les gens âgés en dépit d’effets contrastés sur la densité osseuse.

La mise en évidence d’interactions entre le diabète et les nouvelles voies de régulation du métabolisme osseux élargit les bases de notre compréhension et de nos interventions thérapeutiques : différenciation ostéoblastique, RANK-ligand, sclérostine, voie de signalisation de l’AMP cyclique. Récemment ont été mis en évidence les facteurs de glycation appelés advanced glycation endproducts (AGE) qui se fixent sur des récepteurs tissulaires (RAGE). Les AGE activent la réaction immunologique. Au niveau osseux, les AGE produits par un diabète déséquilibré dépriment la fonction ostéoblastique et activent la fonction ostéoclastique. Ce chaînon manquant fait le lien entre les maladies ostéoporotiques et cardiovasculaires. Le diabète sucré augmente le risque fracturaire Le recueil systématique des comorbidités chez 1 294 patients recensés pour une fracture ostéoporotique par la filière « Qualité de l’Os en Lorraine » au service d’accueil des urgences du CHU de Nancy a trouvé une prévalence de 7,4 % de diabète de type 2 et 1,1 % de diabète de type 1. La démonstration du lien entre diabète et fracture ostéoporotique a été apportée par M. Janghorbani en 2007 dans l’American Journal of Epidemiology. Cette métaanalyse regroupe 16 études qui portent sur 836 941 sujets, dont 139 531 fractures ostéoporotiques. Le risque de fracture de hanche est multiplié par 6,3 dans le diabète de type 1 et par 2,1 chez la femme et 2,8 chez l’homme dans le diabète de type 2. Plusieurs études indépendantes ont trouvé des proportions similaires. Densité et qualité osseuses : résultats contrastés Le diabète de type 1 s’accompagne d’un déficit du pic de masse osseuse mesuré à la fin de l’adolescence (déficit de -1,1 à -0,4 Z-score). La densité osseuse affiche un déficit de 6 à 8 % dans les deux sexes. Elle est corrélée négativement à l’HbA1c. Les marqueurs du remodelage osseux et l’IGF-1 sont plus bas dans cette population. À l’opposé, le diabète de type 2 est marqué par une densité osseuse plus élevée à tous les sites en raison de la forte prévalence de l’obésité dans ce groupe. Les résultats sont plus favorables chez les femmes et sont négativement corrélés à la durée de la maladie. Seule l’étude de Rotterdam fournit des résultats utilisables. Pourtant, l’os est fragilisé par des altérations significatives de la microarchitecture trabéculaire et de l’architecture corticale.   Figure 1. Régulation du métabolisme osseux. Les produits avancés de la glycation (AGE) s’accumulent au cours du diabète mal équilibré. Ils augmentent la production de sclérostine qui inhibe la formation des ostéoblastes. Les AGE activent la liaison RANK/RANK-ligand qui augmente l’activité des ostéoclastes.   Diabète, ostéoporose et vieillissement, une complicité active Le diabète accélère le processus de vieillissement en s’attaquant à de nombreuses fonctions qui potentialisent les complications dégénératives de la maladie. La cascade pathologique du diabète de type 2 passe de l’obésité au diabète puis à la maladie cardiovasculaire et à la dégénérescence neurosensorielle. Ces anomalies augmentent la précocité et la fréquence des chutes. Les traumatismes révèlent l’ostéoporose par la fracture à basse énergie. Le lien de causalité indirect entre le diabète et la fracture ostéoporotique est prééminent. L’étiologie métabolique, l’altération de la qualité du tissu osseux et le rôle des médicaments antidiabétiques se placent en deuxième ligne si l’on excepte les effets osseux de « feu » les thiazolidinediones. Thiazolidinediones et ostéoporose : un compte soldé ? Les effets secondaires de la rosiglitazone et de la pioglitazone ont provoqué l’extinction de la classe médicamenteuse. Ces activateurs PPAR gamma favorisent la différenciation adipocytaire des cellules mésenchymateuses souches. Il en résulte une diminution de la différenciation de la lignée ostéoblastique, un déficit de masse osseuse et une augmentation du risque fracturaire. Mais, c’était avant… Os, diabète et IGF-1 L’IGF-1 est un acteur central de la régulation des métabolismes de l’organisme. Chez l’adulte, il contribue à la survie cellulaire en tant qu’agent anti-apoptotique direct et en modulant les cytokines inflammatoires. Au cours du diabète de type 1, les taux d’IGF-1 sont abaissés conjointement sous l’effet de l’insulinopénie et de la restriction calorique alimentaire. Le métabolisme osseux est profondément affecté comme en témoigne une diminution de la formation et de la résorption osseuses. La différenciation et la survie des ostéoblastes sont déprimées par la carence en facteurs de croissance. La dépression ostéoclastique est contrebalancée par la production de cytokines pro-inflammatoires lors des phases de déséquilibre diabétique. Il en résulte une accentuation du découplage entre la formation et la résorption osseuses au détriment de la formation. La contribution de l’IGF-1 à la maladie osseuse est moins claire au cours du diabète de type 2. RANK-ligand et sclérostine La vision classique du couplage spatial et temporel des ostéoblastes et des ostéoclastes a été complétée par l’intégration du remodelage osseux au sein de l’unité fonctionnelle ostéomédullaire. La moelle osseuse fournit les ostéoclastes à partir des cellules souches GM-CSF et les ostéoblastes à partir des cellules souches mésenchymateuses. Les anomalies métaboliques liées au diabète déséquilibré ou trop bien traité perturbent le fonctionnement intégré de l’unité ostéomédullaire. La différenciation et la survie des ostéoclastes dépendent de la stimulation d’un récepteur membranaire de la famille TNF-kb appelé RANK. Un couplage excessif entre le RANK de l’ostéoclaste et son ligand porté par des cellules inflammatoires ou immunocompétentes active l’ostéolyse et la perte osseuse liée à l’âge. Un laboratoire pharmaceutique a développé un inhibiteur du RANK-ligand qui inverse la perte osseuse. La différenciation des ostéoblastes est régulée par un inhibiteur naturel, la sclérostine. Des travaux fondamentaux et cliniques démontrent que le diabète s’accompagne d’une augmentation des taux circulants de sclérostine. Ceci rend compte de la dépression de la fonction ostéoblastique décrite dans toutes les formes de diabète. Effet protecteur de la metformine et des inhibiteurs DPP-4 Les événements récents liés à la pharmacovigilance des antidiabétiques oraux ont mis en avant l’utilisation de la metformine et des inhibiteurs de la dipeptyl-peptidase de type 4 (DPP-4). Ces deux classes pharmacologiques modulent in fine les kinases dépendantes de l’AMP cyclique. Plusieurs études suggèrent que la metformine a un effet protecteur osseux. En ce qui concerne les inhibiteurs DPP-4, la métaanalyse récente de M. Monami parue en 2011 dans Diabetes Care2 démontre clairement que tous les inhibiteurs de la DPP-4 réduisent le risque fracturaire. Cette métaanalyse a inclus 28 essais cliniques. Elle trouve un risque relatif de fractures ostéoporotiques à 0,60 (IC 95 % : 0,37-0,99). Ce résultat se maintient après ajustement sur les thiazolidinediones et les sulfonylurées. Il n’est pas extravagant d’imaginer la mise au point de molécules capables de traiter simultanément les deux problèmes de santé publique que sont le diabète de type 2 et l’ostéoporose.     Conclusion Le diabète est un facteur de risque ostéoporotique clairement établi. Les liens sont multifactoriels. En premier lieu, ils passent par les altérations de la statique, les dégradations neurosensorielles et l’augmentation du risque d’hypoglycémie. La disparition des thiazolidinediones de la palette thérapeutique supprime un facteur de risque per se. A contrario, la metformine et les inhibiteurs de la DPP-4 paraissent avoir un effet favorable sur le risque fracturaire. Le diabète doit être individualisé dans l’énumération des facteurs de risque ostéoporotique.

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