30 ans de Cardiologie
Publié le 30 juin 2020Lecture 4 min
Traitement par ARNi : quel peptide doser ?
G. LAMBERT, Paris
Les ARNi (Angiotensin Receptor Neprelysin Inhibitor) représentent une nouvelle classe thérapeutique importante dans la prise en charge médicamenteuse de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (ICFEr). Quel peptide natriurétique utiliser pour suivre l’efficacité du traitement et l’évolution de la maladie dans ce contexte ?
L’étude PARADIGM HF(1) a marqué un tournant dans la prise en charge de l’ICFEr en introduisant une nouvelle classe thérapeutique désormais connue sous le nom d’ARNi. Plus de 8 400 patients avec une ICFEr stade II à IV de la classification NYHA et une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) < 40 % ont été inclus dans cette étude, puis ont été randomisés pour recevoir soit le traitement standard avec énalapril, soit l’association sacubitril/valsartan. À l’entrée dans l’étude, le BNP devait être > 150 pg/ml ou le NT-proBNP > 600 pg/ml ou, en cas d’hospitalisation dans l’année, BNP > 100 pg/ml ou NT-proBNP > 400 pg/ml. Après un suivi médian de 27 mois, l’étude a été arrêtée précocement du fait du bénéfice enregistré avec ce nouveau traitement, qui abaissait le risque de décès toutes causes (HR : 0,84 ; IC95% : 0,76-0,93 ; p < 0,001) par rapport au groupe énalapril, de même que les décès d’origine cardiovasculaire (HR : 0,80 ; IC95% : 0,71-0,89 ; p < 0,001), et réduisait de 21 % le nombre des hospitalisations pour IC (HR : 0,79 ; IC95% : 0,71-0,89 ; p < 0,001).
Ouvrant la voie à la classe thérapeutique des ARNi, le sacubitril/valsartan a donc été intégré à l’arsenal thérapeutique de l’ICFEr. Dans les recommandations européennes de 2016(2), il est indiqué en troisième intention en cas d’échec du traitement par diurétiques, bêtabloquants ou IEC et antagoniste du récepteur minéralocorticoïde (ARM). Si la FEVG reste < 35 % et que le patient tolère environ 50 % de la dose maximale d’IEC (ou d’ARA II), il est recommandé (recommandation de classe I) de substitué l’IEC (ou l’ARA II) par un ARNi. Un autre critère de cette substitution suit ceux retenus dans PARADIGM : NT-proBNP > 600 pg/ml.
Un remodelage inverse
L’étude des biomarqueurs cardiaques dans PARADIGM(3) a mis en évidence une évolution inverse des peptides natriurétiques, l’inhibition de la néprilysine par le sacubitril stoppant la dégradation du BNP augmentant ainsi son taux plasmatique. En revanche, le NT-proBNP et la troponine diminuent et restent d’excellents indicateurs de la réponse thérapeutique. Le taux de peptides évalué un mois après la randomisation a montré que 24 % des sujets ayant un NT-proBNP > 1 000 pg/ml à l’entrée étaient passé en-dessous de ce seuil. Comparés aux patients n’ayant pas eu cette réduction des taux de NT-proBNP, le risque de survenue d’événements cardiovasculaires était réduit de 59 %, ce biomarqueur restant donc un excellent marqueur pronostique.
Ce résultat est confirmé par une analyse de l’étude GUIDE-IT(4) qui a montré que le seuil de 1 000 pg/ml était une cible thérapeutique pour les patients traités pour une ICFEr, cible au-dessous de laquelle le risque de survenue d’un événement cardiovasculaire était nettement abaissé.
La diminution du NT-proBNP sous ARNi est corrélée à l’augmentation de la FEVG et à la diminution du volume télédiastolique qui traduit un remodelage inverse(5). L’étude PIONEER-HF a testé une introduction précoce de l’ARNi après stabilisation de patients hospitalisés pour IC aigu(6). Environ 880 patients hospitalisés pour une IC aiguë ont été randomisés pour recevoir soit le sacubitril/valsartan (n = 440), soit l’énalapril (n = 441). Comparé à l’IEC, le traitement par ARNi a permis d’abaisser le taux de NT-proBNP de 29 % en moins. La survenue d’une complication (décès, réhospitalisation, assistance ventriculaire gauche, inscription sur une liste de transplantation) a été diminuée de plus de 46 % dans le groupe ARNi, avec une action marquée sur les deux premiers critères. Dans cette étude, des taux élevés de troponine Hs, sST2 et de NT-proBNP étaient associés à un risque accru de décès cardiovasculaire ou de réhospitalisation pour IC.
La mise en route du traitement par sacubitril/valsartan chez des patients ayant un IC aiguë avec FEVG < 40 %, NT-proBNP > 1 600 pg/ml ou BNP > 400 pg/ml doit être réalisée :
– 24 heures après l’arrêt des diurétiques ;
– si la PAS est > 100 mmHg ;
– si le débit de filtration glomérulaire (DFG) est ≥ 30 ml/min.
La posologie initiale est de 24/26 mg puis les doses sont augmentées progressivement pendant 1 mois avec une dose cible de 97/103 mg.
Conclusion
Les taux de peptides natriurétiques sont devenus un critère du recours aux ARNi. Du fait de l’action direct du sacubitril sur les taux de BNP, la surveillance hémodynamique doit être réalisée sur les taux de NT-proBNP. Avec ce traitement, une diminution du NT-proBNP signe un meilleur pronostic et un remodelage inverse du VG. Une cible thérapeutique de NT-proBNP < 1 000 pg/ml semble consensuel chez les patients ayant un ICFEr. L’évolution des taux de NT-proBNP représentent donc un marqueur fiable pour juger de l’efficacité du traitement par ARNi.
D'après la communication de Michel Galinier (Toulouse) dans le cadre de la journée "30 ans d'innovation en cardiologie", organisée par Roche Diagnostics France
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